INTERVIEW - Même si France a atteint le pic de l'épidémie, la décrue pourrait durer encore de long mois prévient le docteur Jean-Pierre Thierry.
Gabriel Attal indiquait mercredi à la sortie du Conseil des ministres que le pic de la troisième vague de l'épidémie de Covid-19 avait été atteint ou était "proche" de l'être. Qu'en est-il vraiment et peut-on espérer une sortie de crise rapide ? Le docteur Jean-Pierre Thierry, médecin en santé publique et conseiller médical de France Assos Santé, a répondu aux questions de LCI.fr.
Est-ce qu'on a atteint le pic de la troisième vague, comme l'a affirmé Gabriel Attal ?
Dr Jean-Pierre Thierry - On est plutôt au sommet d'une colline. Un pic, c'est quand ça redescend très vite après un maximum… Là, on a un début de décroissance, mais qui a démarré dans les premiers départements touchés par des mesures de restriction et où le virus circule moins. Il y a eu le couvre-feu, le confinement puis la fermeture des écoles qui ont réduit les interactions. Le taux de reproduction R est sous 1, les écoles vont reprendre, puis les commerces, mais ça peut rebondir. La difficulté sur ce confinement, c'est qu'on n'a pas d'objectifs fixés. Les Allemands, eux, ont fixé des seuils pour rouvrir.
Le taux d'incidence est deux fois plus élevé qu'en Allemagne ou en Italie donc peut-on vraiment s'attendre à une décrue rapide ?
Plusieurs scénarios sont possibles, ça va dépendre du comportement des Français… Si la population ne fait pas attention, on aura un rebond. Et même si on fait attention, on aura une décroissance continue sur deux mois et il n'est pas exclu que cela soit plus long qu'à la première vague. Si les plus de 55 ans sont tous vaccinés dans deux mois, on aura moins de pression hospitalière. Mais si le virus circule beaucoup chez les plus jeunes, on aura toujours des gens à l'hôpital. On n'a pas fait de confinement strict donc on va avoir les hôpitaux surchargés longtemps, même en juin-juillet. Et avec toutes les demandes de reprogrammation, il y a beaucoup de patients en attente. Plus vite on diminuera les admissions liées au Covid, plus vite on s'en occupera.
Est-ce que le 3 mai est une date prématurée pour déconfiner ?
Si vous êtes dans un département avec un taux d'incidence de 150 (pour 100.000), si on dit aux gens de faire attention, si on ventile et met des jauges, c'est jouable. Si on est à 300-400, c'est prématuré de relâcher maintenant et tout rouvrir vite. Quoi qu'on décide, il y a un épuisement des gens. La réponse graduée serait une solution, en rouvrant petit-à-petit et dans les départements les moins touchés… Tout le monde dit "on ne se contamine pas chez moi", mais si plus de gens circulent, il y a plus de contaminations possibles. C'est pour cela qu'on rouvrira en dernier les lieux clos où l'on enlève le masque.
Rouvrir les terrasses et les musées mi-mai, est-ce trop tôt ?
Pour les terrasses, si ce n'est pas le soir, ça peut se discuter. En extérieur, quand il fait beau, le risque est faible de se contaminer… Le soir, les gens se lâchent un peu. Dans les musées,comme il n'y a plus de touristes, il y a moins de monde et on n'enlève pas le masque donc on peut respecter les distances.