SUR PLACE - Le gouvernement a appelé les Français à réserver les masques aux malades et au personnel soignant. Mais dans les rues de Paris - et encore plus dans les couloirs du métro - la crainte du coronavirus pousse quelques hommes et femmes à en porter "par précaution".
“Les Français ne réalisent pas la gravité de la maladie”, soutient Marie* sans ôter la main de son écharpe, qui recouvre son masque, qui enserre son visage. "Ce n’est pas 'qu'une grosse grippe', comme ils disent, c’est beaucoup plus dangereux, on l’a bien vu en Chine". La voix étouffée par les couches de tissus, cette trentenaire d’origine asiatique se confie sur sa peur du coronavirus mais ne veut pas ralentir dans le couloir du métro, pressée de retrouver l'extérieur. A Paris, "les gens minimisent la situation et n’écoutent pas les consignes, ils ne toussent pas correctement en public, ils ne font pas attention", déplore-t-elle. Alors, même si elle n'en avait pas au début de l'épidémie, depuis quelques jours, elle estime "absolument nécessaire de porter un masque" dans la capitale.
En grimpant quatre à quatre le dernier escalier de la station Trocadéro, la jeune femme explique être - bien sûr - au courant des différents niveaux de protection. Elle sait que son simple masque chirurgical ne la protège techniquement pas du virus. "Je n’ai pas réussi à trouver les FFP2, mais c’est mieux que rien", se rassure-t-elle. En partie parce que quand elle ne peut pas les semer, cela tient les autres passagers à distance.
J’essaye de me dire que ça me protège, c’est placebo !
Pierre-Alain, soixantenaire Parisien
Arrivant en sens inverse, un masque bleu fluo attire l’oeil. La couleur tranche avec le costume-cravate sombre du quarantenaire caché derrière. S’il tient son cartable d’une main nue, c’est un gant en latex assorti au masque qui sort de sa poche pour nous intimer au silence. Le regard suspicieux, il balaye l’air de sa main de schtroumpf pour nous mimer de continuer notre chemin, refusant de s’exprimer. Plus loin sur le quai de la 9, Pierre-Alain est plus bavard. "Oh vous savez, je n’ai jamais fait la gueule de ma vie. Ce n'est pas à 60 ans que je vais commencer. Je sors masqué pour ne pas me triturer le cerveau. J’essaye de me dire que ça me protège, c’est placebo !" plaisante ce Parisien de toujours. Et les gants ? "C’est pour attraper les microbes et les mettre à la machine !”
Pierre-Alain applique la doctrine "dans le doute" : "On ne sait jamais qui on va croiser". Il trouve primordial que l’Etat demande aux Français contaminés de rester le plus possible chez eux mais suppose que la consigne est mal respectée : "Il y a toujours des malades qui sortent et continuent de le transmettre aux autres, volontairement ou non". Bien renseigné, le soixantenaire connaît les modes de transmission du virus et se dit très rassuré qu’il ne circule pas dans l’air. Il peut alors s’amuser à imaginer un scénario de science-fiction ou les gens se transformeraient bientôt en zombies dans les rues de Paris, sans trop stresser. "Je suis un grand hypocondriaque, voire un paranoïaque, mais avec beaucoup d’humour heureusement !"
J'ai vraiment très peur, et ça me rassure
Emma* (le prénom a été modifié), lycéenne de Savigny-sur-Orge
A l’air libre, en effet, pas de zombies en vue sur l’esplanade vide du Trocadero. Seul un groupe scolaire venu de Savigny-sur-Orge avance en rangs serrés vers la tour Eiffel. Au milieu, Emma*, 16 ans, est la seule de sa classe de seconde à porter un masque. "C’est juste parce que ça me fait peur", confie-t-elle, hésitante. Face aux moqueries des petits camarades, elle l’enlève et le serre dans ses mains, mal à l’aise. Puis insiste : "J’ai vraiment très peur et ça me rassure, c’est mes parents qui me l’ont donné. Je pense qu’il faut être prudent. Pas qu’à Paris, d’ailleurs". Comme pour lui donner raison, une dizaine de touristes taïwanais envahissent les lieux quelques minutes plus tard, tous masqués.
Tous sauf Jasmine, leur guide touristique. "Ils étaient tous très inquiets à propos de leur voyage en France, nous avons dû leur fournir des masques pour les visites", explique-t-elle. "On leur a dit que les masques chirurgicaux ne servaient à rien, mais ils les voulaient quand même". Elle-même Taïwanaise, elle estime quand même que "les politiques sanitaires prises dans [son] pays ont été beaucoup plus efficaces". A raison : malgré sa proximité géographique avec la Chine, l’île de 23 millions d’habitants ne recense à ce jour que 49 cas confirmés et un seul décès liés au coronavirus. Lorsque la guide traduit notre échange à ses clients curieux, ils hochent vigoureusement la tête. En comparant leur situation au bilan français - avec plus de 2000 personnes contaminées ce jeudi - les visiteurs venus de Taiwan sont effarés. Jasmine, un peu moins. "Ils arrêtent pas de me dire que je suis folle !" éclate-t-elle de rire lorsqu’on l’interroge sur son visage découvert. "Mais je me lave bien les mains, je fais attention à moi, je ne m’inquiète pas !"
Ça sent mauvais dans le métro
Jacob, étudiant arménien à l'INSEEC
Jacob non plus n'est pas particulièrement anxieux. Croisé quelques stations plus loin, cet étudiant arménien en Ecole de commerce à Paris enlève son masque à la sortie du métro, comme depuis des semaines. "Mes parents veulent que je le mette parce que ça les rassure, par rapport au coronavirus. Mais je le porte surtout parce que ça sent mauvais dans les transports en commun", expose-t-il le plus sérieusement du monde. Se protéger des microbes et des odeurs, une pierre - deux coups ou "one stone killing two birds", comme il dit. Sa plus grande crainte à propos de l'épidémie ? Que ses vacances à Londres soient annulées. "Je pars le mois prochain et je n'ai pas du tout envie que Paris soit mis en quarantaine", précise le jeune homme. La maladie en revanche, ne l’inquiète pas : "Le virus est surtout dangereux pour les personnes âgées. Moi, j’ai une bonne hygiène de vie, un bon système immunitaire. Même si je l'attrape, j'en guérirais vite".
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