L’ŒIL DU PSY - Face à l'obligation de porter un masque dans les lieux clos, voir autrui ne pas appliquer cette mesure génère en nous bien des crispations. Pourquoi de tels sentiments ? Et que faire, que dire, face aux récalcitrants pour exprimer notre gêne sans passer pour des gendarmes ? Deux psychologues nous répondent.
"Tous masqués contre le Covid". C'est le désormais le mot d'ordre, face au relâchement redouté avec la saison estivale. La doctrine des autorités sanitaires a beau avoir fluctué sur l’utilité de cette protection, le masque chirurgical ou en tissu est désormais obligatoire en France depuis lundi 20 juillet dans les lieux clos recevant du public, reconnu d'utilité publique par un vaste corpus scientifique, à l'aune de cette récente étude américaine ayant prouvé son efficacité dans un salon de coiffure.
En dehors de cette prévention sanitaire, arborer un masque, d'un point de vue socio-psychologique, n'a rien d'anodin : "Porter un masque modifie foncièrement notre rapport à l’autre, confirme Sébastien Garnero, psychologue sollicité par LCI. En premier lieu, "les interactions sociales" et donc "les processus d’ajustement et de régulation des comportements sociaux et émotionnels si importants, liés à la reconnaissance faciale chez l’humain".
En d'autres termes, "l’expression de la mimique chez l'autre devient inexistante et seuls les yeux s'avèrent de possibles traducteurs de nos états émotionnels. Ce qui peut avoir comme effet d'anonymiser les personnes par la dissimulation imposée". Difficile, effectivement, de percevoir un sourire sous un masque.
Porter un masque face à la menace du Covid, c'est appartenir au même groupe
Dans le contexte de la menace du Covid, il est moins question de se dissimuler avec un masque que d'afficher un respect de soi et des autres. Mieux, le porter en société renforce l'idée d'appartenir à un même groupe contre cet ennemi invisible qu'est le virus : "Par l’adoption d’une norme, le respect de ces mesures dites barrières peut faire naître un sentiment d’appartenance à un groupe se sentant protégé, responsable et respectueux de soi et des autres" poursuit Sébastien Garnero. Même si, paradoxe, "le port du masque peut, par un biais cognitif de surprotection, avoir tendance à favoriser une recherche de proximité physique beaucoup trop importante".
A contrario, ceux qui ne portent pas de masque affichent, eux, ostensiblement qu'ils ne font pas partie de ce groupe vertueux : "Ils vont inspirer une méfiance, une stratégie d’évitement, de stress chez certains, et parfois des réactions d’agressivité ou de colère disproportionnées chez d’autres", confirme le psychologue. "Un phénomène de clivage courant dans les situations de crise entre le bon groupe et le mauvais groupe", ajoute-t-il. "La plupart des personnes vont se sentir plus responsables et citoyens face au Covid et aux mesures de prévention réagissant de façon pondérée et calme mais ferme face à l’oubli, à l’inconséquence, ou parfois l’incivilité des autres".
On ne fait pas changer d’avis quelqu’un qui ne veut pas mettre de masque et qui s’est fait son idée, c’est comme en politique
Laurie Hawkes, psychologue
Et ceux qui appartiennent au "mauvais groupe" de susciter des sentiments négatifs chez ceux qui appartiennent au "bon groupe". Pour la psychologue Laurie Hawkes, également sollicitée par LCI, "selon notre personnalité, le rebelle qui ne met pas de masque va soit nous énerver, parce que nous respectons la loi et protégeons les autres, que nous nous estimons plus adultes et plus éthiques ou alors, si nous sommes rebelles aussi, nous pouvons éprouver de la sympathie pour ces personnes, que nous les imitions ou non. Et si nous avons un tant soit peu peur - ou si nous sommes tombés victimes du Covid, éventuellement contaminés sans avoir pris de risque -, nous risquons de transformer notre peur en colère et de nous énerver contre ces gens."
De là à les transformer en gendarmes ? "En analyse transactionnelle, nous disons 'Parent normatif'", corrige la psychologue. "La personne qui y déroge semble être un enfant irresponsable, que nous nous mettons en devoir d’éduquer."
Une attitude préventive et responsable plus efficace qu’une approche répressive et punitive
Ainsi, quelle attitude adopter face aux récalcitrants ? Que faire, comment réagir, face à une personne qui ne porte pas ou porte mal son masque ou qui ne respecte pas le mètre de distance et qui ne se plie pas aux consignes en vigueur ? "Parfois, de demander gentiment, cela marche très bien" assure Laurie Hawkes. "Mais la même demande 's’il vous plaît, vous voulez bien remettre votre masque ?' peut aussi valoir des réponses comme 'y a la police, pour les masques', ou 'si vous avez peur vous n’avez qu’à rester chez vous'. Et comme on a pu le voir avec ce pauvre chauffeur de bus tué pour avoir tenté d’obtenir une attitude juste conforme à la loi, cela peut devenir violent. Pour moi, le mieux consiste à tenter la demande aimable, puis, si cela ne fonctionne pas, de lâcher l’affaire. On ne fait pas changer d’avis quelqu’un qui s’est fait son idée, c’est comme en politique."
Sébastien Garnero suit la même ligne : "Pour les récalcitrants, nettement plus minoritaires, ne respectant pas ces mesures par incivilité ou provocation, un certain rappel à la loi sera indispensable." Après, nuance le psychologue, "il ne s’agit pas de pénaliser non plus tout un chacun par excès de zèle. Une attitude préventive et responsable impliquant chacun dans la lutte contre le Covid est bien plus efficace qu’une approche répressive et punitive, pouvant être perçue comme un réel abus de pouvoir autoritaire et infantilisant qui serait contre-productif à terme et qui amènerait en réaction des réactions de comportements virulents ou défis ou inadaptés types 'violences urbaines' ou 'mouvement anti-masques ou autres' déjà observés dans certains pays."
Même réserve pour Laurie Hawkes, espérant que "le virus ne changera pas durablement nos attitudes" dans nos sociétés post-covid : "Je crains un peu que nous devenions plus distants, que les bises disparaissent parfois. Evidemment, cela peut être bien pour certaines personnes, qui se sont pliées à contrecœur aux coutumes de bise et autres contacts physiques. Mais il serait regrettable à mon sens que l’on perde l’habitude de se toucher les uns les autres. Chacun a le droit de ne pas aimer ça et de le refuser, mais une société où l’on se touche va mieux, globalement."
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