STRATÉGIE - Pour contenir le nombre de contaminations quotidiennes, le gouvernement a décidé d'avancer le couvre-feu de 20h à 18h, à partir de ce 2 janvier, dans les 15 départements les plus touchés par le coronavirus. Une modification de l'amplitude horaire que la Guyane a déjà expérimenté. Avec des résultats à la clé.
Un couvre-feu avancé plutôt qu'un reconfinement généralisé ou local. Alors le Conseil scientifique redoute "une reprise incontrôlée de l'épidémie en janvier 2021", à cause du "surcroît de contaminations" provoqué par les fêtes de fin d'année, l'exécutif se met en ordre de bataille. Face à "ce risque possible, mais non certain", le gouvernement prévoit de nouvelles mesures territorialisées, comme cela a pu être le cas à l'automne dernier. "Nous allons proposer une extension du couvre-feu, qui au lieu de démarrer à 20 heures, démarrera à 18 heures", là où le virus circule trop rapidement, a affirmé le ministre de la Santé Olivier Véran, mardi 29 décembre, sur France 2. "Ces mesures seront applicables à partir du samedi 2 janvier".
15 départements sont concernés par cette mesure qui peut encore évoluer. La liste a été communiquée par Gabriel Attal sur TF1 et LCI le vendredi 1er janvier. La voici : les Hautes-Alpes, les Alpes-Maritimes, les Ardennes, le Doubs, le Jura, la Marne, la Haute-Marne, la Meurthe-et-Moselle, la Meuse, la Haute-Saône, les Vosges, le Territoire de Belfort, la Moselle, la Nièvre et la Saône-et-Loire.
En avançant de deux heures le début du couvre-feu dans ces territoires, où le taux d'incidence dépasse les 200 pour 100.000 habitants, les autorités espèrent contenir l'épidémie.
Ça a été suffisant pour faire changer totalement la dynamique
Simon Cauchemez, chercheur en épidémiologie à l'Institut Pasteur
Avec quelle efficacité ? C'est la question à laquelle la Guyane, première région à avoir expérimenté le couvre-feu, selon des modalités variables, a apporté un début de réponse. Instaurée dès le 11 mai, entre 23 heures et 5 heures du matin, la mesure a évolué au gré de la situation sanitaire. Au pic de l'épidémie, en juin, la dégradation des chiffres a contraint la préfecture à serrer la vis. Entre le 10 et le 25 juin, le couvre-feu, déjà avancé à 19h et étendu à tout le territoire ultramarin, a vu son amplitude horaire amplifiée, empiétant sur les week-ends. Il était effectif de 17h à 5h en semaine, de 13h samedi à 5h le lundi.
Des mesures de couvre-feu qui ont eu "un effet immédiat". "Cela a été très efficace", assurait Clara de Bort, directrice générale de l'ARS Guyane, interrogée par franceinfo lors d'un point d'étape en octobre dernier. "On s'attendait à avoir fin juin 70 patients atteints du Covid-19 en réanimation (...) Du fait du couvre-feu, nous avons bénéficié d'une réduction de moitié du pic d'hospitalisations en réanimation."
"Cela a permis de faire diminuer le taux de transmission du virus d'un tiers", indiquait aussi à LCI Simon Cauchemez, chercheur en épidémiologie à l'Institut Pasteur et membre du Conseil scientifique. "Cela a été suffisant pour faire changer totalement la dynamique et qu'on n'atteigne pas un niveau de saturation des services de réanimation".
Des bons résultats qui ne sont pas seulement imputables au couvre-feu. "La fermeture des frontières, notamment avec le Brésil, y a aussi été pour quelque chose", analysait la maire PS de Cayenne Marie-Laure Phinéra-Horth. Quoiqu'il en soit, à partir du mois d'août, l'étreinte s'est progressivement relâchée. Les contraintes ont été allégées, compte tenu du respect du couvre-feu et l'amélioration de la situation sanitaire. L'heure des restrictions a été progressivement repoussée : 22 heures, 23 heures et enfin minuit depuis le 26 septembre dernier. Le couvre-feu a aussi concerné moins de zones géographiques, plusieurs grandes villes dont Cayenne restant toutefois sous étroite surveillance pour éviter une nouvelle flambée épidémique.
L'avancer pourrait suffire à entamer une décroissance de l'épidémie
Pascal Crépey, épidémiologiste
Et la Guyane a eu du nez. Depuis la mi-décembre, le territoire ultramarin connaît certes une recrudescence des cas. Il a dépassé le seuil d'alerte avec une positivité de plus de 10%. Mais l'augmentation reste "plus lente que lors de la première vague", a expliqué Cyril Rousseau, responsable de la cellule Santé Publique France à l'ARS. Pour enrayer ce reflux, depuis le 18 décembre au soir et jusqu'au 4 janvier, le couvre-feu est repassé de 21h à 5h dans cinq communes : Cayenne, ainsi que Matoury, Rémire-Montjoly, Macouria et Kourou, soit environ 158.000 personnes sur les 300.000 habitants que compte la région.
Abrogé le 24 décembre sur l'ensemble du territoire, le couvre-feu est renforcé le 31 décembre dans les 22 communes, aucune n'échappant cette nuit-là au couvre-feu de 21h à 5h. Avec la ferme intention de garder la main sur l'épidémie. C'est cette stratégie flottante du couvre-feu que le gouvernement a choisi d'employer, sans doute convaincu par l'exemple guyanais. "L'avancer d'une heure pourrait suffire à entamer une décroissance de l'épidémie", nous confie l'épidémiologiste Pascal Crépey. "On a besoin de peu de choses pour que l'épidémie reparte à la baisse." Le passer de 20h à 18h pourrait peut-être faire la différence.
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