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Coronavirus : non, le Coca ne rend pas positif un test antigénique

Publié le 27 janvier 2021 à 11h04
JT Perso

Source : TF1 Info

TROMPERIE - Un pharmacien a mis en cause ce lundi la fiabilité des tests de dépistage au Covid-19 en prétextant qu'ils étaient positifs... avec du Coca-Cola. Une expérience trompeuse dont il s'est lui-même repenti.

Chaque jour, l'équipe des Vérificateurs reçoit vos questions via une adresse mail dédiée : lesverificateurs@tf1.fr. Vous êtes nombreux à nous avoir sollicités au sujet d’une vidéo mise en ligne lundi 25 janvier. Celle-ci montre un pharmacien réaliser une "expérience" avec du coca-cola. Quelques gouttes de cette boisson gazeuse rendraient "positif" un test antigénique. Une manière – pour son auteur – de discréditer les millions de tests de dépistage du Covid déjà réalisés en France. De fait, il n’en est rien.

Le résultat est complétement faussé

La séquence, diffusée sur une flopée de plateformes, est devenue virale. Sur Facebook, elle a été visualisée plus de 300.000 fois en 24 heures, tandis que sur une chaîne Télégram de la communauté QAnon française, elle a été partagée 24.000 fois en à peine douze heures. Jusqu'à finir sur Twitter dès ce mardi midi. Résultat, les spectateurs s'inquiètent de la fiabilité des tests, décrivant des outils "frauduleux et coûteux, avec plein de faux positifs et de faux négatifs". "Là on atteint des sommets ! Tous les buveurs de Coca-Cola sont probablement positifs à ce test!", peut-on lire. Un autre internaute va même encore plus loin. Sur Twitter il diffuse la vidéo de trois minutes afin d'arguer que ces tests permettent de "gonfler les rangs des positifs". Un argument qui irait dès lors dans le sens de la thèse complotiste du "Great Reset" selon laquelle la pandémie serait créée de toute pièce. Pourtant, de simples notions scientifiques permettent de comprendre que le résultat est complètement faussé. 

Le test mis en cause est conçu par le laboratoire AAZ et fait bien partie des quelque 350 tests de dépistage que l'on peut trouver sur le marché. En atteste la plateforme du gouvernement dédié à la lutte contre le coronavirus. Il n'y a également aucun doute sur le fait que le résultat affiché est positif. Comme indiqué dans la notice du laboratoire, il y bien une barre au niveau de la lettre C et au niveau de la lettre T. Enfin, et contrairement à d'autres exemples, venus d'Autriche et d'Allemagne, dont nous vous parlions le 15 décembre dernier, le test est correctement réalisé.

 Alors pourquoi ce résultat ? Contacté par LCI.fr, le chef du laboratoire décrit un "mésusage" du produit. "Ce que l'on observe, c'est une réaction chimique, et non pas une réaction immunologique", martèle ainsi le docteur Joseph Coulloc'h. Le biologiste nous rappelle en effet que cette technique de dépistage, réalisée via un prélèvement au fond du nez, recherche des protéines virales. Le résultat est positif s'il y a une réaction avec les anticorps présents sur la bandelette. Pour les visualiser, un colorant est utilisé. Or, ici, c'est ce colorant qui est mis en évidence par la boisson gazeuse et non pas les anticorps. "Le dépistage doit se passer dans certaines conditions, notamment des conditions de pH", soit d'acidité de milieu, nous explique le Dr. Coulloc'h. Lors d'un prélèvement, on rajoute donc une "solution tampon", afin de stabiliser l'acidité de l'échantillon à huit degrés. Ici, le pH trop acide de la boisson (à 2,5), va donc détruire la protéine de l'anticorps nécessaire au test."Le test n'est tout simplement pas valable", conclut le président du laboratoire.

Une "blague" reprise au premier degré

Ces éléments présentés avec pédagogie font en réalité partie des "notions de base" de tout pharmacien, relève, un peu irrité, le dirigeant du laboratoire AAZ. Pour lui, cela ne fait aucun doute : "Ce professionnel a voulu se rendre intéressant, il sait que ce qu'il fait est trompeur". D'ailleurs, même sans ces connaissances, il aurait suffi à tout internaute de réaliser une simple sur recherche sur Google pour comprendre que cette "expérience" n'est pas valable. Il serait tombé sur notre article où nous expliquions, grâce à un expert en biochimie, que les conditions d'un test étaient cruciales pour parvenir à un résultat valable. À l'époque, Pierre Zachary, responsable du secteur virologie chez Bio Group, évoquait une "aberration" scientifique, soulignant que même certains écouvillons peuvent fausser un test, provoquant "des réactions non spécifiques". 

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Quant à savoir si, comme le dit le pharmacien, cette vidéo montre que "boire du coca avant un test d'AAZ le rend faussement positif", le laboratoire dément. "A priori, la boisson ne va pas dans le nez mais le tube digestif", ironise Joseph Coulloc'h, relevant ce qui lui paraît être une évidence. Et même si le liquide faisait "fausse route", la gouttelette serait noyée dans le prélèvement. La formule tampon serait alors efficace pour "stabiliser le tout". Aucune raison de s'inquiéter, donc. Si ce n'est du motif qui a poussé ce professionnel à "semer le doute sur des outils de lutte contre le coronavirus, juste pour faire le buzz".

A priori, il s'agirait simplement d'une blague, selon le principal intéressé. "On déconnait entre potes", a-t-il assuré à l'AFP qui en a retrouvé la trace. L'objectif était justement d'ironiser sur ces "patients" qui croient en cette théorie. "J'ai vu qu'il y a des trucs complotistes qui ont repris ma vidéo, des trucs que je combats et désormais je suis leur porte-drapeau, c'est horrible", a-t-il ajouté, se disant "complètement dépassé".

 

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Felicia SIDERIS

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