À LA LOUPE - Le faible nombre de fumeurs parmi les patients touchés par le coronavirus interpelle les médecins. Pour autant, si l'influence de la nicotine sur le virus reste à étudier, les spécialistes mettent en garde : la cigarette n'est pas une solution thérapeutique.
Président du comité scientifique chargé de conseiller le gouvernement sur l’épidémie de Covid-19, le professeur Jean-François Delfraissy a rapporté ces derniers jours des informations surprenantes au sujet du virus. "On a quelque chose de très particulier avec le tabac", a-t-il indiqué. "On a constaté que l’immense majorité des cas graves ne sont pas des fumeurs, comme si [...] le tabac protégeait contre ce virus, via la nicotine.
Alors qu'une tension élevée ou du diabète, courants chez les personnes souffrant d'obésité, constituent des facteurs de risque, ce constat pourrait laisser penser que le tabac forme au contraire une barrière contre les infections. Une observation accueillie avec d'importantes réserves par les tabacologues, qui estiment que des études poussées sont nécessaires et que la cigarette ne peut en aucun cas être considérée comme utile en matière de santé publique.
200 morts de la cigarette par jour en France
Pneumologue et tabacologue, le professeur Bertrand Dautzenberg était l'invité de LCI ce lundi. Il a confirmé que la proportion de patients fumeurs hospitalisés dans le cadre de l'épidémie était faible en comparaison avec le nombre de fumeurs recensés dans la population. Des données conséquentes le mettent en évidence, aussi bien en France qu'aux Etats-Unis ou en Chine. Une série d'études sont actuellement menées, explique-t-il, afin d'étudier un potentiel ralentissement de la pénétration du virus à travers le corps.
Pour autant, le tabacologue est formel : ce bienfait possible demande à être étayé par des travaux de recherche et ne doit surtout pas conduire à ce que la population se tourne vers le tabac, ou cesse de chercher à s'en détacher. "La cigarette a tué 100 millions de personnes au XXe siècle, elle va en tuer 1 milliard au XXIe", martèle le Pr Dautzenberg, en rappelant que selon des estimations, on compte chaque jour en France 200 décès imputables au tabac.
"La cigarette n'est pas une solution thérapeutique", poursuit l'expert, "le rapport bénéfice risque plaide massivement en faveur du risque." Même si les études concluaient à un effet en quelque sorte protecteur contre le virus, la cigarette n'apporterait "pas de bénéfice à la santé". Pour résumer son propos, Bertrand Dautzenberg utilise une image parlante : "On ne soigne pas une grippe en se tirant des coups de feu dans le poumon, il ne faut pas que le remède soit pire que la maladie".
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L'effet protecteur suspecté de la nicotine, s'il ne fait en aucun cas du tabac un traitement préventif, a toutefois de quoi interpeller. Plusieurs pistes sont évoquées pour tenter d'expliquer la faible proportions de fumeurs parmi les personnes hospitalisées, notamment le fait que les patients pris en charge soient en majorité âgés. Le taux de fumeurs diminue en effet avec l'âge, ce qui peut donc se traduire sur le plan statistique.
En conclusion, on peut donc souligner que si la nicotine est aujourd'hui suspectée de freiner la pénétration du Covid-19 dans le corps, des études restent nécessaires pour l'attester. Ces dernières sont d'autant plus importantes que certains scientifiques estiment, de leur côté, que la nicotine pourrait au contraire avoir des effets effets néfastes sur les patients. Sur le plan médical, la consommation de tabac demeure en tout cas très largement déconseillée. Le bénéfice risque ne s'avère en effet pas du tout favorable à la cigarette et les professionnels de santé recommandent de ne pas fumer, ni de renoncer à arrêter.
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