Transmission aérienne du Covid-19 : la prudence toujours de mise malgré des directives contradictoires ?

Publié le 23 septembre 2020 à 7h00, mis à jour le 23 septembre 2020 à 12h19
Transmission aérienne du Covid-19 : la prudence toujours de mise malgré des directives contradictoires ?
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ECLAIRAGE - L'autorité américaine de santé publique a récemment mis à jour ses recommandations en présentant l'aérosolisation comme principal mode de contamination au coronavirus. Avant de se raviser. L'occasion de faire le point avec un spécialiste.

De nombreux scientifiques la mettent en avant depuis des mois. La transmission aérienne du nouveau coronavirus a récemment été intégrée aux directives des Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), jusqu'à être présentée comme mode de transmission prépondérant. Mais la principale autorité américaine de santé publique a fait marche arrière deux jours plus tard.

"Il est de plus en plus évident que les gouttelettes et les particules en suspension dans l’air peuvent rester en suspension dans l’air et être respirées par d’autres, et parcourir des distances de plus de 6 pieds (par exemple, pendant la pratique de la chorale, dans les restaurants ou dans les cours de fitness)", détaillait ainsi vendredi sur son site internet la principale agence fédérale de santé publique aux Etats-Unis. Evoquant des "preuves croissantes" que le coronavirus est aéroporté, l'agence avait mis à jour ses recommandations en encourageant à "utiliser des purificateurs d’air pour aider réduire les germes en suspension dans l’air dans les espaces intérieurs", selon CNN. Mais ce lundi, celles-ci ont été supprimées du site des CDC qui ne mentionne plus pour l'heure la transmission aérienne. La prudence doit-elle pour autant rester de mise ? 

"De bonnes raisons" de ne pas sous-estimer l'aérosolisation

"On est un certain nombre à avoir attiré l'attention très tôt sur ce mode de transmission par micro gouttelettes en suspension dans l'air à un moment où cela devient tellement évident", commente Yves Gaudin, virologue, directeur de recherches CNRS à l'Université Paris-Saclay, et responsable d’équipe au sein du département de virologie de l’Institut de biologie intégrative de la cellule évoquant "une accumulation de données en ce sens". Selon lui, il y a en effet "de bonnes raisons" de penser, comme le laissait entendre l'autorité américaine de santé publique vendredi, que l'aérosolisation ne peut plus être négligée dans la transmission du Covid-19.

"Quand on s’intéresse à la transmission interhumaine, on ne peut pas faire d'expérience donc on fait vraiment de l'épidémiologie c'est à dire que l'on regarde ce qu'il s'est passé", souligne-t-il, enchaînant sur un exemple censé parler à tous : "Quand on voit cinquante personnes contaminées dans un bar, on imagine bien que c'est pas une personne qui a postillonné sur tout le monde." Et d'insister : "Or, si l'on s'attarde sur les grands événements de contamination, les fameux clusters, rétrospectivement, on se rend effectivement compte que la transmission par aérosol est responsable."

Quid de la transmission manuportée ?

Pour le virologue, la thèse de la transmission aérienne du Covid 10 tombe en effet presque sous le sens. "On est face à une maladie respiratoire, et on le sait ces maladies se transmettent évidemment par l'air à condition bien sûr que l'agent pathogène soit présent", souligne le Dr Yves Gaudin, insistant sur le fait que "les maladies respiratoires sont par nature souvent liées à une forte contamination par aérosol". A la différence, indique-t-il, des gastro-entérites virales notamment dont la transmission est par exemple liée au péril fécal.

Évoquant en outre dans le cas des maladies respiratoires une "dualité entre grosses gouttelette manuportées et aérosols", il rappelle que "lorsqu'on parle, on forme des gouttelettes de différentes tailles contenant potentiellement le virus", les plus grosses étant "celles qui sédimentent le plus et qui ne vont pas très loin tandis que les plus petites flottent et contaminent durablement l'atmosphère d'une pièce mal aérée". Or, conclut-il, si "l'on respire les micro gouttelettes, ces dernières vont vite au contact des muqueuses et le virus pénètre dans les cellules de suite"

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Un revirement opéré cet été

Pour rappel, la thèse de la transmission du virus par l’air que chacun expire et inspire, plutôt que par les seules grosses gouttelettes expulsées par l’éternuement et la toux, a il est vrai longtemps été négligée par les autorités sanitaires mondiales. Jusqu’à un revirement opéré cet été face à la pression de nombreux experts des virus respiratoires et une accumulation d’études portant sur la présence de particules virales dans des microgouttelettes en suspension dans l’air, émises par la simple parole. Depuis juillet, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) considère ainsi désormais que "la possibilité d’une transmission aérienne dans les lieux publics ne peut être exclue, en particulier dans des conditions très spécifiques, comme les endroits surpeuplés, fermés, mal ventilés".

Une thèse à nouveau confortée dans une étude publiée début septembre par la revue médicale américaine Jama Internal Medicine. Des experts des Centres chinois de lutte contre les maladies décrivent comment, en janvier, aux prémisses de la pandémie de Covid-19, un passager infecté et asymptomatique a contaminé le tiers de son autocar mal ventilé pendant un trajet de moins d'une heure et un retour. 


Audrey LE GUELLEC

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