Coronavirus : "Ce virus a encore une grosse marge de progression", avertit un directeur de recherche CNRS

Publié le 17 avril 2020 à 10h45, mis à jour le 21 avril 2020 à 19h10

Source : TF1 Info

REGARD - Invité ce vendredi 17 avril d'Elizabeth Martichoux, Bruno Canard, directeur de recherche CNRS à Aix-Marseille, spécialiste des coronavirus, invite à se méfier des idées reçues autour du Covid-19 et tire la sonnette d'alarme sur le manque de moyens.

Invité ce vendredi 17 avril sur LCI, Bruno Canard, directeur de recherche CNRS à Aix-Marseille, spécialisé dans les coronavirus, désamorce des idées reçues notamment celle voulant que le Covid-19 disparaisse dans les prochaines semaines avec l'arrivée du beau temps et des températures élevées : "Le printemps est déjà bien entamé. En 2003, la situation était beaucoup plus inattendue avec le virus du Sras. Le virus a disparu" d'un seul coup, rappelle-t-il sur LCI. Le coronavirus "me paraît très bien parti. Il a encore une grosse marge de progression. Il ne faut pas baisser la garde, continuer à prendre des bonnes mesures et beaucoup de réflexion pour faire une bonne stratégie de déconfinement et apprendre à gérer cette fin de crise. D'ici quelques mois, on aura compris quels sont les paramètres clés pour la mettre en oeuvre."

Parmi les questions très récurrentes que se posent les Français, celle de l'immunité : peut-on attraper deux fois le Covid-19  ? Pas de réponse ferme pour cette inconnue dans la lutte contre la pandémie, même si les scientifiques espèrent qu’un patient contaminé soit immunisé au moins pendant quelques mois. Sur ce point, "il faut connaître combien de temps l'immunologie va durer", confirme le spécialiste. Or, c'est un point crucial pour appréhender la période dite du déconfinement, envisagée le 11 mai par Emmanuel Macron : "Deux choses seront stratégiques" selon Bruno Canard, "c'est d'arriver à avoir des diagnostics impératifs qui soient absolument fiables et précis, soit ne pas laisser passer des gens négatifs qui sont positifs pouvant mettre en danger la stratégie de déconfinement et le statut sérologique faisant qu'il faut connaître combien de temps l'immunologie va durer."

Nécessité impérieuse de soutenir la recherche

A ce stade, les faits ne sont pas têtus, les doutes restent permis et bien de découvertes à faire. Le seul moyen pour en savoir plus sur le Covid-19 ? : "Favoriser de la recherche correcte, obstinée, patiente, pour déterminer exactement quelle va être la trace immunologique du virus dans l'organisme, savoir si les anticorps vont rester, vont être neutralisants, vont pouvoir être indicatifs d'une immunité permanente ou pas", poursuit Bruno Canard qui, avec son équipe, travaille depuis plus de 10 ans sur les virus à ARN (acide ribonucléique), dont font partie les coronavirus. 

A ce sujet, le directeur de recherche CNRS tire la sonnette d'alarme sur les raisons potentielles d’une situation devenue ingérable et soutient que la recherche fondamentale sur les coronavirus n’a pas été suffisamment soutenue : "La recherche sur l'épidémiologie a toujours continué. L'Europe a été là, elle a soutenu des projets de ce style. Mais, en ce qui concerne la recherche sur le temps long, soit étudier le virus d'un point de vue fondamental pour être prêt sur une recherche qui prend des années pour faire des molécules et des médicaments sur le temps long, a été négligée au profit d'une réponse dans l'immédiat", déplore-t-il sur LCI. 

Le spécialiste pointe du doigt un manque de moyens flagrant : "On a cru que, lorsqu'une crise arriverait, on pourrait mettre de l'argent dessus et avoir une solution pour le lendemain, c'est une vue de réaction dans l'émotionnel qui n'est pas dans la réflexion. Cet aspect a été envisagé de manière prépondérante, ayant mis en difficulté des laboratoires qui travaillent sur le temps long avec tout ce que cela suppose : des à-coups dans les embauches, beaucoup de précarité, une perte de mémoire dans les laboratoires et des programmes de recherche inachevés. La recherche fondamentale ne s'envisage pas dans un temps court avec des précaires". 


Romain LE VERN

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