700.000 morts du Covid en Europe d'ici février : les prévisions de l'OMS sont-elles réalistes ?

par Léa COUPAU
Publié le 26 novembre 2021 à 22h25

Source : JT 13h Semaine

PRÉDICTION - Le 23 novembre, l'OMS a alerté sur le risque de compter 700.000 morts supplémentaires du Covid-19 d'ici février, en Europe. L'épidémiologiste Jonathan Roux et l'immunologue Stéphane Paul nous expliquent d'où viennent ces chiffres, et pourquoi, il faut les prendre avec des pincettes.

500.000 morts, 700.000 morts… Depuis le début de la pandémie, l’organisation mondiale de la santé (OMS) surveille l’évolution de la crise sanitaire et tente de prédire quelles pourraient en être les conséquences. Le 4 novembre, les experts de l'institution alertaient ainsi sur la possibilité de déplorer un demi-million de décès supplémentaires en Europe d’ici le mois de février si rien n'était fait pour limiter l’épidémie. Trois semaines plus tard, elle surenchérit, annonçant cette fois 700.000 décès avant la fin de l’hiver.

Au moment de cette dernière projection, le 23 novembre, 1,5 million d’Européens avaient déjà perdu la vie à cause du Covid-19. Si ses estimations se confirment, le total pourrait donc atteindre 2,2 millions morts sur le Vieux Continent. Mais d’où viennent ces chiffres ?

Une série de moyennes européennes

Pour faire simple, les experts de ces études récupèrent entre autres le taux de couverture vaccinale de chaque pays européen - 75,6% de Français sont totalement vaccinés, 65% le sont en Autriche, 42,9% en Slovaquie, etc. - et en font une moyenne. Ils appliquent ensuite cette même méthode pour tous les autres facteurs épidémiques : le taux de mortalité, l’âge de la population, la présence de comorbidités, le taux de reproduction du virus... Avec toutes ces données, les scientifiques disposent de l'ensemble des caractéristiques chiffrées de l’épidémie à un niveau européen.

De là, les scientifiques commencent leurs prédictions. Par un calcul algorithmique, ils imaginent quelle pourrait être l’évolution de l’épidémie dans un, deux, trois, voire quatre mois, si aucun autre facteur n’entre en compte.

"Des prédictions souvent fausses"

“Comme dans toute étude scientifique, ils se basent sur des hypothèses et essayent d’être le plus proche possible de la vérité”, indique Jonathan Roux, épidémiologiste et biostatisticien à Rennes.

Mais cela ne suffirait pas. “Ces prédictions sont souvent fausses. Elles sont soit trop basses, soit trop élevées”, pointe Stéphane Paul, immunologue à Saint-Etienne. Car leur principal défaut, c’est “de calculer à partir de données à un instant T et faire comme si rien n’allait bouger”. Comme si, par exemple, les pays européens ne prenaient aucune mesure sanitaire pour ralentir la propagation du virus.

“Il y a pourtant des effets surprises. Quand vous avez une allocution d’Emmanuel Macron, personne ne peut prévoir que le lendemain, vous allez avoir plus d’un million de personnes qui vont aller se faire vacciner”, illustre Jonathan Roux. 

Outre la vaccination, le simple port du masque dans les lieux clos peut lui aussi fausser les calculs prévisionnistes de l'organisation. Car si l’on prend en compte la dernière étude du British Medical Journal, il peut réduire jusqu'à 53% le taux d’incidence du virus, et donc son impact sur le taux de mortalité.

L'intérêt de ces études, c'est de sensibiliser les populations.
Jonathan Roux, épidémiologiste et biostatisticien

Après les dernières annonces de l’OMS, les restrictions sanitaires se sont d'ailleurs enchaînées partout en l’Europe. L’Autriche a confiné ses non-vaccinés, comme la Slovaquie, toutes deux avec les taux de vaccination les plus faibles d'Europe. La France, elle, a accéléré sa campagne pour la dose de rappel. Elle rejoint l’Angleterre, l’Italie et le Danemark qui eux aussi ouvert cette injection à leur population.

"Pour que les calculs soient calqués sur la réalité, il faudrait les mettre à jour quotidiennement, souligne Jonathan Roux. L’intérêt de ces études, c’est plutôt de sensibiliser les populations. On ne va pas arriver à ces 700.000 morts supplémentaires. Mais ça a pour effet d’alerter l’opinion publique et de ne pas relâcher les efforts contre l'épidémie."


Léa COUPAU

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