TROUBLES - Le Covid "longue durée", objet d'un récent séminaire de l'OMS, est souvent vu par les concernés comme le grand oublié de cette pandémie. Pourtant, les symptômes qu'il entraîne sont aussi nombreux qu'handicapants. Dans ses premières recommandations, la HAS souligne l'importance de la rééducation.
Les plus avisés ont désormais coutume de parler de "maladie dans la maladie". Longtemps décrit par les concernés comme le grand oublié de cette pandémie, le "Covid long" ou "Covid sans fin" fait l'objet d'un premier séminaire organisé ce mardi par l'OMS, bien décidée à s'attaquer à ce mystère, et des premières recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) en France.
Et pour cause : d'après les premières études réalisées en France et à l’étranger, les effets du Covid-19 qui perdurent bien au-delà de la durée habituelle, à savoir une quinzaine de jours, concerneraient entre 15 et 25% des malades. À l’hôpital, cela concernerait trois patients sur quatre, mais des personnes ayant contracté une forme bénigne sont aussi touchés. La HAS estime de son côté que "plus de la moitié des patients" pourraient être concernés quatre semaines après le début de la maladie, et "plus de 10%" à six mois.
Quand certains décrivent un symptôme tenace, isolé, d'autres en cumulent plusieurs. De même, selon les cas, il peut être question d'effets n'ayant jamais disparu après l'infection initiale ou qui réapparaissent après plusieurs semaines voire plusieurs mois d'accalmie. Plus étonnant encore, il arrive que de nouvelles séquelles se manifestent au fil du temps. Mais quels sont les exemples les plus récurrents qui composent cette myriade de signes persistants ?
Gêne respiratoire et complications cardiovasculaires
En premier lieu, le Covid-19 étant une maladie respiratoire aiguë, les patients concernés par des symptômes persistants "gardent généralement une gêne respiratoire et ou cardiaque" au-delà d'une éventuelle persistance de la toux, souligne le Dr Olivier Robineau, chargé de coordonner une étude sur le sujet, encore méconnu. Différents témoignages rapportés ces derniers mois font notamment état d'asthme sévère diagnostiqué chez des patients qui n'en avaient pourtant jamais fait avant leur hospitalisation.
D'autres malades souffrent encore bien après avoir contracté la maladie d'oppression et de douleurs thoraciques, d'essoufflement perpétuel, de palpitations, ou encore d'irrégularité du rythme cardiaque, parfois caractérisée par des variations brutales. Peuvent encore survenir des complications cardiovasculaires (tachycardie, hypertension), certains patients ayant notamment témoigné d'un dérèglement de leur hypertension qu'ils peinent à réguler durant les mois qui ont suivi la contamination.
Perte de goût, d'odorat et d'appétit
Vient ensuite l'anosmie ou la perte d'odorat, qui elle aussi s'avère être, on le sait désormais, un symptôme très spécifique du Covid-19. Si la majeure partie des patients ayant perdu l'odorat le retrouvent dans un délai plus ou moins long, il arrive aussi que ce sens reste affecté des mois après la fin de la maladie chez des personnes pour qui la conséquence de l'infection virale, une inflammation de leurs voies respiratoires, a détruit tout ou partie de leurs cellules olfactives. Au point que des spécialistes se sont récemment fixés pour mission de rendre l'odorat aux patients qui en ont été privés par le Covid-19.
Au CHRU de Nancy-Brabois qui a lancé une étude sur un nouveau protocole de rééducation olfactive, l'idée du Dr Duc Trung Nguyen, praticien hospitalier au service ORL, est d'ajouter quatre parfums (lavande, fraise, épicéa, herbe coupée) aux quatre odeurs de bases (clou de girofle, eucalyptus, rose, citron) déjà utilisées par des médecins allemands et belges pour cette rééducation.
À noter que la perte d'odorat va souvent de pair avec la perte de goût, à laquelle s'ajoute aussi parfois une perte d'appétit décrite par certains patients.
Fatigue chronique et faiblesse musculaire
D'après une étude chinoise parue mi-janvier sur les effets durables du Covid-19, plus de la moitié (63%) des patients interrogés ressentent fatigue et faiblesses musculaires, des symptômes fréquemment rapportés à l'instar des courbatures. D'ailleurs, lors d’un test de marche de six minutes, les patients ayant contracté les formes les plus graves du Covid ont obtenu de moins bons résultats : 29% (sur 116 malades) n’atteignaient pas la distance minimum limite.
Si les symptômes de fatigue chronique sont assez courants chez les personnes présentant une infection au Covid-19, "les conséquences à moyen et long terme de l'infection restent inexplorées", pointait dès septembre, le Dr Liam Townsend, de l'hôpital St James à Dublin (Irlande), qui a dirigé une étude sur le sujet. Les conclusions de ses travaux ont de quoi interpeller : au sein de son établissement, plus de la moitié des patients et du personnel ont fait état d’une fatigue persistante plus de dix semaines après leur guérison, quelle que soit la gravité de leur infection confirmée par test virologique.
Troubles du sommeil et "brouillard cérébral"
Toujours d'après les récents travaux chinois, les troubles du sommeil, tels qu'une somnolence ou au contraire une insomnie, mais aussi l'anxiété ou la dépression touchent près d'un quart des patients souffrant d'effets durables du Covid-19 interrogés. Dans le même registre, des patients évoquent des symptômes neurologiques, décrivant la sensation de perdre ses fonctions dites "supérieures", au premier plan desquelles figurent les maux de tête, les troubles de la mémoire, de la concentration, de l’humeur. Autant d'exemples que les chercheurs américains ont regroupé sous l'expression "brain fog" ou "brouillard cérébral".
Troubles sensoriels, nausées, problèmes cutanés...
S'ajoute à ces nombreux signes, une série de troubles sensoriels, tels que des fourmillements ou sensations de brûlure le long des membres, sur le corps ou au niveau du visage, douleurs neurogènes (touchant les nerfs), troubles de l’équilibre, vertiges ou tremblements inopinés.
Il est également question, plus rarement, de troubles de la vision ou de l'audition (acouphènes entre autres) mais aussi de troubles de la déglutition et de l’élocution ou de problème de régulation de la température corporelle. En outre, quand certains patients souffrent de nausées ou de vomissements récurrents, d'autres font état de manifestations cutanées, telles que des gonflements au niveau des veines ou encore des rougeurs au niveau des articulations. Les effets durables de la maladie peuvent aussi se caractériser par l’apparition de douleurs articulaires, selon plusieurs témoignages. Enfin, le "Covid long" peut aussi se manifester par des troubles digestifs persistants (diarrhée, constipation) après l'infection.
Rappelons également qu'un syndrome de stress post-traumatique vient également s'ajouter parfois, chez d'anciens patients hospitalisés particulièrement, à cette interminable liste.
Rééducation et traitements au long cours
La Haute autorité de santé a publié le 12 février des recommandations provisoires de prise en charge pour les personnes présentant ces symptômes prolongés, suggérant une approche "personnalisée" coordonnée par le médecin traitant. "Outre des traitements symptomatiques adaptés, la rééducation est un aspect important dans la prise en charge des patients présentant des symptômes prolongés", indique le document. Il peut s'agit de rééducation respiratoire "en cas de syndrome d'hyperventilation", de "rééducation olfactive en cas de troubles persistants de l'odorat" ou encore de "ré-entraînement à l'effort".
La HAS recommande en outre de financer "des travaux de recherche" pour répondre aux "nombreuses questions scientifiques" qui persistent sur ces symptômes et la façon de les traiter.
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