CONSÉQUENCE - Le président LR de la région Paca a pointé du doigt les conséquences du carnaval non autorisé de Marseille dans l'explosion des contaminations visibles dans les eaux usées de la ville. Un lien de causalité qui n'est pas établi.
À ses yeux, l'évidence est telle qu'elle se passe de "commentaire". Ce samedi 27 mars, le président de la région Paca, Renaud Muselier, a publié deux images sur Twitter. Il assure en légende qu'elles montrent l'évolution du coronavirus dans les eaux usées de Marseille "avant et après le carnaval", qui s'est tenu sans aucune autorisation dimanche dernier et qui a rassemblé 6500 personnes. Or, sur la seconde carte, on aperçoit très clairement un passage de nombreuses zones de la ville en "rouge".
Deux effets corrélés, mais pour quel lien de causalité ?
Une interprétation "qui lui est propre"
Les deux images publiées par le président de région proviennent bien du Bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM), comme confirmé auprès de LCI.fr. C'est eux qui ont en charge la traque du Covid-19 dans les eaux usées de la ville. La première image représente le bilan réalisé au 17 mars et la deuxième celui publié le 27 mars. Plus tard dans la soirée de samedi, le Bataillon a mis en ligne ces résultats sur les réseaux sociaux, relevant que "le taux général de circulation s'est renforcé cette semaine".
Contamination #COVID19 des eaux usées de Marseille, avant et après #carnaval : SANS COMMENTAIRE ! 🤦♂️ Merci aux @MarinsPompiers de Marseille qui permettent de suivre l’évolution de l’épidémie : les eaux usées en sont le « marqueur immédiat », 4 à 7 jours avant les dépistages ! pic.twitter.com/t2Gb9n2ZHN — Renaud Muselier (@RenaudMuselier) March 27, 2021
Si la carte est authentique, l'interprétation des résultats ne l'est pas. Auprès de LCI.fr, le BMPM se désolidarise des explications de l'élu. "Nous communiquons sur les observations que nous faisons des contaminations dans les eaux usées, mais c'est lui qui a interprété nos résultats à sa manière", nous glisse-t-on. Si notre interlocuteur rappelle que "l'analyse de la circulation du virus n'est pas dans [leurs missions]", les marins-pompiers ont tout de même "noté le rôle des variants dans cette évolution". Sur Twitter, ils ont en effet relevé "un point remarquable" : "La disparition du variant sud africain remplacé par un variant Y501 ou UK" - le variant anglais - "dans les zones rouges".
[covid-variants] Le taux général de circulation s’est renforcé cette semaine avec un point remarquable la disparition du variant sud africain remplacé par un variant Y501 ou UK dans les zones rouges. @MarinsPompiers poursuivent la lutte avec tous, @ARSPaca @marseille @Prefet13 . pic.twitter.com/5VhqS1SRFx — Marins-Pompiers de Marseille (@MarinsPompiers) March 27, 2021
Une hausse liée aux variants
C'est plutôt le variant britannique qui semble donc être à l'origine de cette hausse des contaminations. Un constat qu'on retrouve à travers tout le territoire, où ce variant est qualifié "d'intérêt" par les autorités sanitaires, qui le scrutent "en raison de sa transmissibilité augmentée". L'augmentation des contaminations est similaire sur une grande partie du pays, et surtout sur l'ensemble des départements limitrophes aux Bouches-du-Rhône. Si le taux d'incidence y est à 409 cas pour 100.000 habitants ces sept derniers jours, cet indicateur atteint 397 dans le Var et 383 dans le Vaucluse.
De plus, si l'élu pointe du doigt le carnaval qui a eu lieu à proximité de la Canebière, la présence virale observée par le BMPM ne se limite pas à cette zone géographique. Elle est aussi observée à Plan de Cuques, Allauch, La Valbarelle et le Redon. Des communes situées à des dizaines de kilomètres du centre-ville marseillais.
Enfin, il est également important de noter qu'une hypothétique explosion de l'épidémie liée à cet événement ne pourrait pas être visible si tôt. Les prélèvements ont en effet eu lieu le vendredi 25 mars, d'après les données visibles sur la carte publiée par le BMPM. Pour rappel, leur technique permet d'identifier le Covid-19 dès qu'un individu est porteur du virus, "trois ou quatre jours avant même les premiers signes cliniques". Seulement, avec un temps d'incubation de trois à cinq jours, il ne s'agirait pour le moment que d'une éventuelle contamination des 6500 carnavaliers présents. Et non pas de la contagion de personnes "contact".
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Le lien de causalité entre le carnaval et la hausse des contaminations n'est donc pas prouvé. C'est une simple interprétation de l'élu local, dans le prolongement du bras de fer politique qui se joue dans la région autour de cet événement. Il a été l'occasion pour la droite de fustiger tout au long de la semaine une majorité de gauche jugée trop laxiste.
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