Les vacances scolaires et le virus : une "pause" à double tranchant ?

Publié le 5 février 2021 à 18h24, mis à jour le 12 février 2021 à 12h28

Source : JT 20h Semaine

ÉPIDÉMIE - Plus d'une fois, Jean-Michel Blanquer s’est montré dubitatif sur le fait que la période scolaire soit plus propice aux infections au Covid-19 que les vacances. A en croire les exemples passés, l'effet de cette "pause" dans les écoles semble en fait à double tranchant sur la circulation épidémique.

Les congés scolaires sont-ils moins propices aux contaminations au Covid-19 que la période scolaire ? "Ce n’est pas acquis", a encore récemment déclaré le ministre de l'Education nationale qui ne cesse de monter au créneau sur le sujet. "Moi je constate qu'au retour des vacances de la Toussaint, comme aux vacances de Noël, vous avez une courbe épidémique qui monte dans les dix jours qui suivent, soulignait-il fin janvier, sur France 2, distinguant donc la période de congés de ce qui s'en suit. Selon lui, "les contaminations sont venues du milieu familial, dans la vie sociale, beaucoup plus qu'à l'intérieur de l'école".

Pourtant, "dans la décision du Président de ne pas reconfiner, l'imminence des vacances est entrée en ligne de compte", soulignait récemment un conseiller gouvernemental, cité par le Parisien, qualifiant même cette échéance de "bonne nouvelle", alors que les écoles ferment, pour rappel, pour deux semaines, selon les zones, du 6 février au 7 mars. Et de détailler : "Pendant les congés, on constate paradoxalement une relative stabilité des courbes. C'est un moment où les gens restent en famille, bougent finalement assez peu. C'est ce qu'on a vu à Noël où on nous prédisait la cata!". En atteste effectivement, le taux de positivité des enfants de 0 à 10 ans qui est, en moyenne, plus élevé en période scolaire (6,6 %) que durant les vacances scolaires (4 %). Mais gare au contrecoup si l'on se fie aux derniers exemples.

Quel enseignement tirer des vacances de Noël ?

Dès le 7 janvier, le pointage épidémiologique hebdomadaire publié par Santé publique France donnait des premières indications concernant l'effet sur l'épidémie de Covid-19 des vacances de Noël, concomitantes rappelons le à l'arrivée de nouveaux variants sur le territoire. Sans surprise, le nombre de nouveaux cas positifs au Sars-CoV-2 est en effet reparti à la hausse. Il s'établissait alors en moyenne 13.820 contaminations recensées par jour pendant la semaine du 28 décembre au 3 janvier, soit 17 % de plus que la semaine précédente. Une semaine plus tard, l'heure était pourtant au soulagement. "Nous avons pu passer des fêtes de fin d'année sans flambée épidémique", déclarait le 15 janvier le chef de l'Etat. Certes. Mais les signes, d'une recrudescence, lente et encore contenue, eux, étaient déjà là. 

Loin d'être épargné, le secteur éducatif en témoignait dans son point hebdomadaire du 22 janvier. En une semaine, près de trois fois plus d'établissements (64 sur un total de 61.500) et de classes (371 sur 528.400) se trouvaient fermés. Dans le détail, le nombre de cas confirmés de contaminations a augmenté sur la même période de près de 30% chez les élèves (10.003 contre 7.782, sur un total de 12,4 millions) et de 40% chez les personnels (1.586 contre 1.136 sur un total de 1,16 million). Pas alarmiste, Jean-Michel Blanquer indiquait quelques jours plus tôt que la France n'était pas "dans une situation d’explosion de la contagion", évoquant "la même courbe qu’au retour des vacances de la Toussaint". Mais ce vendredi, soit quinze jours plus tard, 105 établissements scolaires se trouvent sont toujours actuellement fermés  dont 83 écoles, 16 collèges et 6 lycées. 

Interrogé à la mi-janvier sur le lien de cause à effet entre les vacances, et plus précisément les fêtes, et la reprise épidémique, Martin Blachier semblait septique. "Si les fêtes avaient joué un rôle dans la reprise épidémique, on ne verrait pas une longue remontée comme aujourd'hui, mais un pic journalier très net" arguait alors le médecin, associé de la société Public Health Expertise. "En l'occurrence, je pense que cette reprise s'explique surtout par le retour au travail, avec la fin des vacances, mais aussi la lassitude à l'égard du télétravail. Si l'on regarde les données de Google Mobility, on voit clairement que les déplacements de travail ont réaugmenté", avait-il ajouté, confortant alors donc la théorie d'une accalmie en période de vacances et du contrecoup qui s'en suit. 

Quel enseignement tirer des vacances de la Toussaint ?

Pour rappel, c'est le 28 octobre dernier, pendant les vacances de la Toussaint (17 octobre – 2 novembre), qu'Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d'un nouveau confinement pour tenter de freiner la deuxième vague de l'épidémie, alors que des couvre-feux avaient déjà été instaurés dans certaines villes dès la mi-octobre. 

Fin octobre, alors que la moyenne sur sept jours de tests positifs quotidiens était de 47.000, Emmanuel Macron avait fixé un seuil de 5000 contaminations par jour pour envisager un déconfinement. Après avoir atteint 70.000 contaminations début novembre, une baisse s'est amorcée pour atteindre les 10.000 cas début décembre. La semaine du 2 au 8 novembre "semble être marquée par un ralentissement de la circulation du SARS-CoV-2", même si "le niveau des indicateurs nationaux se maintient à un niveau très élevé", écrivait à l'époque Santé Publique France dans son point hebdomadaire, attribuant cette "légère baisse" aux effets cumulés des couvre-feux, puis du confinement et des vacances de Toussaint. Pour l'agence sanitaire, le pic des contaminations avait été franchi la semaine du 26 octobre puis celui des hospitalisations durant la semaine suivante.

Le 13 novembre, quatre fois plus d'établissements (21 sur un total de 61.500) et de classes (142 sur 528.400) que la semaine précédente étaient fermés. Dans le détail, on recensait chez les élèves 12.487 cas confirmés contre 3.528 une semaine plus tôt et chez les personnels 2.223 contre 1.165. Or, précision importante, depuis la rentrée scolaire des vacances de la Toussaint, le port du masque est obligatoire à l'école, dès l'âge de 6 ans.

Les vacances d'hiver, un "cas à part" ?

"Déjà, en période normale, les vacances de février ne donnent pas lieu à beaucoup de départs", a eu l'occasion de rappeler le secrétaire d'Etat au Tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne. Et tout porte à croire que celles qui s'amorcent soient encore plus statiques, le gouvernement misant sur 10 % de départs seulement. Notamment, parce que les remontées mécaniques des stations de ski,  plébiscitées lors de la saison hivernale, seront fermées et le resteront jusqu’à une date qui n’est pas encore fixée, a confirmé Matignon, à l’issue d’une rencontre entre Jean Castex et les professionnels du secteur. Outre ce point, le transport aérien est quasiment à l'arrêt, les possibilités de se rendre en Outre-Mer notamment sont très réduites, les restaurants restent fermés tout comme les centres commerciaux non-alimentaires de plus de 20 000 mètres carrés . A cela s'ajoute, les appels à la prudence réitérés du gouvernement pour éviter un troisième confinement.

Pour autant, des experts se montrent assez réservés quant à un éventuel effet vacances d'hiver. C'est le cas de Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à  l'université de Montpellier. "D'une part, ce ne sont pas des vacances simultanées, donc on aura un effet  qui sera lissé sur les trois semaines. D'autre part, si les vacances d'octobre ont donné lieu à une baisse, celles de Noël c'était plutôt dans l'autre sens", insiste-t-il, soulignant le contexte bien particulier dans lequel s'inscrit chaque période de congés scolaires, et l'imprévisibilité de ses effets.

A titre d'illustration, ce vendredi, un total de 1599 classes et de 103 établissements scolaires (69 écoles, 26 collèges et 8 lycées) sont actuellement fermés en raison de cas de Covid-19, a indiqué ce vendredi le ministère de l'Education nationale. Des chiffres en nette hausse par rapport à la semaine dernière, bien qu'en soient les établissements de la zone A, en vacances depuis une semaine. Le 5 février dernier, les chiffres officiels faisaient alors état de 934 classes - sur un total de 528.400 - et 105 établissements fermés. 


Audrey LE GUELLEC

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