Covid-19 : 62% des 18-24 ans ont eu des pensées suicidaires depuis septembre 2021, selon une étude

par Maëlane LOAËC
Publié le 7 juillet 2022 à 11h23

Source : JT 20h WE

La crise sanitaire a largement détérioré la santé mentale des jeunes adultes, relève une enquête Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès.
Les jeunes hommes sont les plus touchés par les pensées suicidaires.
De manière générale, les Français sont vulnérables face au risque de passage à l'acte et consultent moins que leurs voisins européens.

Alors que les contaminations au Covid-19 repartent à la hausse, la détresse psychologique provoquée par l'épidémie est souvent présentée comme la seconde lame de cette crise sanitaire, dont la jeunesse en particulier a fait les frais. Selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès et de l'Ifop publiée jeudi, 62% des 18-24 ans déclarent avoir déjà eu des pensées suicidaires depuis septembre 2021, contre 34% des sondés dans la population totale. 

Quant aux catégories de population les plus touchées, ce sont les jeunes hommes (de moins de 35 ans) les plus éprouvés : 35% d'entre eux ont indiqué avoir subi des pensées suicidaires pendant le confinement, "des proportions jusque-là inégalées", contre 20% pour les femmes du même âge, elles qui enregistraient le plus haut taux de pensées suicidaires avant l'épidémie, souligne l'étude.

"Les Français sont plus à même de passer à l’acte"

Cette détresse serait "largement" liée à "la précarité sociale, la pauvreté vécue à cet âge et l'isolement forcé", note l'enquête, des difficultés qui pourraient être encore exacerbées dans les mois à venir, face à la forte inflation. Quant à l'isolement, le psychiatre Michel Debout, auteur de l'étude, fait le lien avec des fêtes organisées par des jeunes en pleine pandémie : "Certes, ils prenaient un risque pour leur santé virale, mais en restant isolés, ils prenaient un autre risque tout aussi grave pour leur santé mentale", a-t-il plaidé auprès de franceinfo. Ce qui pousse l'étude à préconiser aux pouvoirs publics de "décider d’une action prioritaire" pour ces jeunes.

De manière plus large, un Français sur cinq a déjà envisagé sérieusement de se suicider, ce qui reste toutefois le plus bas taux enregistré par rapport à cinq autres pays européens étudiés par l'enquête, l'Allemagne, l'Espagne, la Pologne, l'Irlande et la Suède. En revanche, l'Hexagone est en tête, aux côtés de la Pologne, concernant le nombre de passages à l'acte, qui a bondi ces dernières années chez ceux qui ont eu des pensées suicidaires : 30% des sondés sont concernés, contre 22% il y a six ans. "Les autres Européens pensent donc peut-être davantage au suicide, mais les Français sont plus à même de passer à l’acte", résume l'étude. Les jeunes hommes, là encore, sont les plus exposés à ce risque : 40% d'entre eux ont déjà réalisé une tentative.

À l'échelle de la population globale, ce sont 6% des Français qui ont déjà tenté de mettre fin à leurs jours, un chiffre qui a doublé en 20 ans selon Michel Debout : "c'est très préoccupant et cela devrait interpeller les pouvoirs publics", a-t-il commenté sur franceinfo. Et plus largement, 40% des Français se sentent plus déprimés depuis le début de l'épidémie qu'avant, ce qui situe toutefois la France dans une fourchette basse par rapport aux autres pays européens étudiés (plus d'une personne sur deux concernées en Pologne et en Irlande). 

Les jeunes consultent plus que le reste de la population, mais encore très peu

Quant aux soins dispensés face à cette détresse, seul un quart des 18-24 ans consultent un psychiatre ou un psychologue pour l'heure. Dans un communiqué publié fin juin, l'association Nightline, qui propose un service d'écoute aux étudiants, déplorait des services de santé universitaires "toujours saturés", avec un équivalent de temps plein travaillé (ETPT) de psychologue pour quelque 14.900 étudiants, "soit dix fois moins que les recommandations internationales qui prévoient un ETPT pour 100 ou 1500 étudiants". Selon l’Observatoire de la vie étudiante, 43 % des étudiants sont désormais en détresse psychologique contre 29 % avant la pandémie, mais moins de 1% d'entre eux ont eu recours aux "Chèques Psy" proposés par le gouvernement. 

Pour autant, les jeunes consultent bien plus que la population française globale, distancée par certains voisins européens : 16% des sondés ont passé la porte d'un psychologue ou un psychiatre ces deux dernières années, contre 25% pour les Polonais et 20% pour les Allemands, les Espagnols et les Irlandais. Et ce, alors même que la proportion des consultations chez un généraliste sont comparables d'un pays à l'autre, aux alentours de 90%. 

Un symptôme de la "misère de la psychiatrie française", selon l'étude de la Fondation Jean Jaurès, qui déplore un "manque de moyens", des "difficultés d’accès" mais aussi des "résistances anciennes" : "L’intervention des psychiatres reste trop associée à la folie ou à la faiblesse des patients". Les Français recourent aussi très peu aux associations d'aide et de soutien psychologique (4% seulement des sondés). 


Maëlane LOAËC

Tout
TF1 Info