Record de décès, reconfinement... comment l’Allemagne en est arrivée là ?

par Charlotte ANGLADE
Publié le 16 décembre 2020 à 13h56, mis à jour le 16 décembre 2020 à 18h00
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Source : JT 20h Semaine

DÉCONFITURE - L'heure n'est plus à la demi-mesure en Allemagne, où le Covid tue désormais 600 personnes par jour. Le gouvernement fédéral a décidé de fermer les commerces non-essentiels et les écoles dès demain. Comment le pays en est arrivé là ?

Elle était souvent prise pour exemple à suivre en Europe. Plus maintenant. L'Allemagne, qui entame un reconfinement partiel ce mercredi, a annoncé avoir enregistré un nombre record de décès lié au Covid-19. Au total, 952 personnes sont mortes au cours des dernières 24 heures. Le précédent record de morts en une journée datait seulement de vendredi dernier, avec près de 600 décès.

Ce mercredi, 27.728 nouvelles infections de coronavirus ont par ailleurs été recensées, selon l'institut de veille sanitaire Robert Koch. La situation des soins intensifs dans le pays devient, elle, préoccupante. Au total, environ 83% des lits en réanimation sont occupés dans les cliniques du pays, a indiqué la fédération de la médecine intensive (Divi). Comment le pays, qui semblait si bien maîtriser la situation jusque-là, en est arrivé à ce point ?

Ce qui a marché

⚪ De la chance, et une bonne organisation

Lorsque de la première vague de Covid a déferlé sur l'Europe, au printemps dernier, l'Allemagne a tout d'abord eu de la chance. Comme le rappelle dans le média Vox Günter Fröschl, docteur en médecine tropicale à l'Université de Munich, le premier cas sur son territoire, un homme, s'est spontanément présenté aux autorités de santé, leur permettant d'enrayer très vite une propagation rapide.

Les tests de dépistage ont d'autre part été disponibles très tôt, et en nombre, dans le pays, permettant de limiter sa propagation grâce à un dépistage massif de la population. Dès le début de la pandémie, l'Allemagne réalisait environ 500.000 tests par semaine. Au même moment, la France en réalisait 140.000 par semaine. Elle n'a ensuite cessé d'augmenter la masse de tests réalisés de façon hebdomadaire pour atteindre un peu plus d’un million par semaine.

Berlin se reconfine avant les fêtesSource : JT 13h Semaine

⚪ La transparence et la liberté de décision

Angela Merkel a d'autre part toujours joué la carte de l'honnêteté et de la transparence avec la population, établissant ainsi avec elle une relation de confiance. Début novembre, sa cote de popularité atteignait ainsi 74% d’opinions favorables dans le baromètre mensuel ARD-Deutschlandtrend, soit 21 points de plus qu’en mars, au début de l’épidémie de Covid-19. Cela a notamment permis un bon respect des mesures sanitaires mises en place, ainsi que l'installation massive de la Corona Warn App – équivalent allemand de l'application Tous Anti-Covid – téléchargée un peu plus de 18 millions de fois depuis son lancement, à la mi-juin. 

Enfin, la division du pays en seize États régionaux (Länder) a permis de répondre rapidement et de façon appropriée au coronavirus. Depuis le début de la pandémie, le gouvernement fédéral et les Länder sont en perpétuelles négociations, avec des réunions de coordination, une ou deux fois par mois, pilotées par Angela Merkel. Mais cette autonomie de décision a également précipité l'Allemagne dans la situation catastrophique qu'elle connaît aujourd'hui.

Ce qui leur a fait perdre le contrôle

🔴 La difficile coordination avec les Länders

Alors qu'elle alertait dès le mois d'octobre sur l'aggravation de la situation dans le pays et militait pour un confinement plus strict, Angela Merkel s'est heurtée à la réticence des régions les moins touchées. "Pas d’hystérie, s’il vous plaît", avait ainsi lancé, mi-octobre, le chef de l’exécutif de la Saxe, Michael Kretschmer (CDU). Deux mois plus tard, l'Etat fédéral est celui où le virus circule le plus activement dans le pays, avec une incidence de 379 cas pour 100.000 habitants, soit deux fois la moyenne nationale. Le 8 décembre, la Saxe a annoncé la fermeture des crèches, des écoles et des commerces "non essentiels" à partir du 15 décembre, et ce au moins jusqu’au 10 janvier. Si le revirement de bord est total, le temps perdu dans cet Etat fédéral, comme dans d'autres, a été gravissime pour l'Allemagne.

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🔴 Des mesures trop peu restrictives ?

De plus, le pays relativement épargné jusque-là n'avait jamais jugé utile de prendre des mesures trop restrictives. Dans la rue, personne n'est par exemple obligé de porter un masque. Il n'est, depuis fin avril, qu'imposé dans les commerces ainsi que dans les transports. Lors de la première vague, les Allemands n'avaient pas été contraints de se plier à un confinement strict, comme ailleurs en Europe. Seuls les commerces "non essentiels" et les écoles avaient fermé, et aucune attestation n'était nécessaire pour sortir. "Il est important de réduire les contacts, mais nous voulons malgré cela autoriser les gens à sortir de chez eux pour faire les choses nécessaires, pour prendre l’air et pour sortir. Tout cela reste possible, à condition de le faire en famille, accompagné de ceux avec qui on vit ou, quand on habite seul, avec une autre personne", avait à l'époque assuré Angela Merkel. 

Les mesures, plus légères lors de la seconde vague, sont arrivées plus tardivement en Allemagne. Fin octobre, Angela Merkel a annoncé un nouveau confinement d'une durée d'un mois. Les bars et restaurants, ainsi que les complexes culturels, sportifs et de loisirs ont été appelés à fermer. En revanche, les petits commerces ont été autorisés à rester ouverts afin de maintenir l'activité économique juste avant Noël.

Constamment cités en exemple et confiants vis-à-vis de leur gestion de crise, les Allemands ont ainsi peut-être péché par excès de confiance. En mai, la chancelière les rappelait d'ailleurs à l'ordre, s’alarmant en particulier du non-respect systématique du port du masque dans les magasins.

🔴 Le poids des anti-masques

Enfin, l'Allemagne doit composer avec une partie de sa population réfractaire aux recommandations sanitaires. Depuis le printemps, des manifestations de militants anti-masques ont lieu chaque week-end dans les grandes villes du pays. Appelés "Corona-Demos" ou "Corona-Proteste", elles étaient au départ plutôt anecdotiques et bon enfant, avec quelques dizaines de participants. Ces rassemblements ont cependant rapidement pris de l'ampleur, rassemblant militants de la gauche radicale, conspirationnistes et extrémistes de droite. Début novembre, environ 20.000 anti-masques étaient réunis à Leipzig (Saxe). Deux semaines plus tard, près de 10.000 opposants aux mesures restrictives étaient rassemblés à Berlin, certains d'entre eux allant même jusqu'à se comparer à des figures de la résistance sous l'ère nazie. "Quiconque aujourd'hui se compare à Sophie Scholl (une étudiante allemande exécutée par les nazis en 1943 pour son rôle dans la résistance, ndlr.) ou Anne Frank se moque du courage dont il a fallu faire preuve pour tenir tête aux nazis", a rétorqué le 22 novembre le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, dans un tweet. Une telle attitude "banalise l'Holocauste et révèle un oubli inadmissible de l'histoire. Il n'y a aucun rapport entre les manifestations (contre les restrictions anti) coronavirus et les combattants de la résistance. Aucun !", s'est-il indigné.

Si les anti-masques sont le lot de nombreux pays, leur influence semble néanmoins particulièrement néfaste à l'Allemagne. La Saxe, qui, comme évoqué plus haut, est pour l'heure l'Etat fédéral le plus touché par le Covid-19, est aussi celui où les anti-masques sont les plus virulents.


Charlotte ANGLADE

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