Dans les Ehpad, des soignants hostiles au vaccin : "Le gouvernement doit en tenir compte"

Publié le 17 décembre 2020 à 17h14, mis à jour le 17 décembre 2020 à 17h27
Dans les Ehpad, des soignants hostiles au vaccin : "Le gouvernement doit en tenir compte"

Source : Victoria Jones / POOL / AFP

ANTIVAX - 76% du personnel des Ehpad refuseraient de se faire vacciner contre le Covid-19, selon le sondage interne d'une organisation professionnelle. Une tendance qui interroge, alors que ces établissements seront en première ligne de la campagne de vaccination.

L'alerte provient d'un sondage interne de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés (Fehap), révélé par Les Echos. Recueillies entre le 30 novembre et le 7 décembre, les réponses interpellent : 19% seulement du personnel serait d'accord pour se faire vacciner, 76% y seraient opposés, et 5% n'ont pas encore tranché. 

La Fehap fédère 1715 établissements, soit environ un sixième de tous les Ehpad français, et près de la moitié de ceux du secteur privé à but non lucratif. Si son directeur, Antoine Perrin, rappelle que cet audit à usage interne n’a pas la fiabilité d’un institut de sondage, il reconnaît que la tendance est bien là, indéniable : "On a fait ça en une semaine, et c’est plutôt une tendance qu’un résultat à prendre de façon brute. On a pu se tromper quantitativement, mais pas sur le rejet de la vaccination en lui-même."

En fait, c’est à la demande du ministère de la Santé que la Fehap a lancé ce sondage interne. Antoine Perrin rappelle ainsi les circonstances : "Le ministère nous a contactés lorsqu’il préparait son plan de vaccination, il voulait notre avis sur la recevabilité de sa stratégie." Pour le directeur général de la fédération, le gouvernement doit désormais en tenir compte : "On veut que ça marche mais on alerte : donnez-vous les moyens sans précipitation. Nos craintes, elles sont sur le taux d’adhésion à la campagne de vaccination en France. Cette tendance anti-vaccin en France, on ne la retrouve pas ailleurs en Europe. Il faut la prendre en compte et il faut adapter la campagne à ça."

Il y a de bonnes questions, pour lesquelles on n’a pas encore toutes les réponses

Antoine Perrin, directeur général de la Fehap

Une façon de rappeler aussi que les soignants sont à l’image du reste du pays : les doutes sont les mêmes, quant aux vaccins en général ou à celui-ci en particulier. Reste à déterminer la raison d’une surreprésentation de la position anti-vaccin par rapport au reste de la population, ce que la nature du sondage interne ne permet pas. Antoine Perrin renvoie donc le gouvernement à sa stratégie : "Il faut scientifiquement, méthodologiquement, une campagne de communication, qui ne cherche pas à éviter les questions. Car effectivement, il y a de bonnes questions, pour lesquelles on n’a pas encore toutes les réponses." 

Ainsi du point crucial de la contagiosité : l’OMS vient justement de rappeler que si le vaccin empêche l’apparition des cas graves, on ignore s’il peut empêcher la propagation du virus. Une question en suspens qui donnerait en partie raison aux soignants des Ehpad : se vacciner ne serait pas une garantie pour leurs patients.

Les syndicats professionnels tendent par ailleurs à modérer les chiffres des sondages auto-déclaratifs, qui peuvent être différents du comportement réel des soignants. La campagne de vaccination des personnels contre la grippe saisonnière a ainsi été cette année un succès sans précédent. La déléguée générale du syndicat des établissements privés (Synerpa), Florence Airnaiz-Maumé, relevait la semaine dernière que "50  à 60 % des personnels des Ehpad se seraient fait vacciner" cette année, soit près du double par rapport aux années précédentes. L’épidémie a vraisemblablement eu son rôle dans cette évolution des consciences.

Le vrai écueil serait plutôt à chercher du côté de la force de prescription des soignants : leur hostilité au vaccin pourrait-elle influencer les pensionnaires des Ehpad ? Pour l'heure, les dernières estimations montrent une forte adhésion des populations à risque : 63% des personnes de 65 ans et plus, et 53% des patients atteints de maladie chronique, sont prêts à se faire vacciner. À cet égard, Antoine Perrin relativise le risque d’un impact des réticences du personnel : "Les sondés  sont principalement des infirmières et des aides-soignants, alors que la campagne se fera sous l’autorité d’un médecin."

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Pour le directeur de la Fehap, c’est d’abord au gouvernement de convaincre : "Les personnes, on les a respectées en leur disant que c’était volontaire. Maintenant il faut qu’on les respecte dans les idées qu’elles ont, et donc qu’on leur explique".


Frédéric SENNEVILLE

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