ALERTES - Des collectifs de soignants partagent leurs craintes quant aux conséquences des déprogrammations médicales et chirurgicales. Si aucun tri des patients en urgence vitale n'est encore décidé, la situation s'aggrave dans les hôpitaux.
L'augmentation du nombre de patients admis dans les hôpitaux contraint les Agences régionales de santé (ARS) à décider de mesures d'urgence. Afin de libérer des lits et de disposer de personnels suffisamment nombreux, des déprogrammations et reprogrammations sont décidées un peu partout en France, en particulier dans les régions les plus sous tension. Une forme de renoncement pour le personnel hospitalier, qui doit se résoudre à modifier son fonctionnement traditionnel à cause du virus, et qui craint de voir d'autres patients en pâtir.
Sur les réseaux sociaux, les soignants prennent la parole pour alerter le grand public. La page Facebook "Collectif Inter-Urgences" a ainsi publié un dessin agrémenté d'un message percutant. Il vise à alerter sur la situation actuelle et met en avant l'impact des déprogrammations pour les patients. "80% des chirurgies reportées, ce ne sont pas que des gens qui venaient se faire refaire les seins", peut-on notamment lire. Des exemples de patients fictifs sont mis en avant, celui d'un patient dont la "coloscopie a été reportée", et auquel on découvre un cancer "huit mois plus tard". Autre cas, celui d'une femme qui "attend depuis une semaine une place pour traiter une complication de la mucoviscidose", et dont "l'état empire". Enfin, une patiente victime d'un AVC quelques semaines auparavant et qui ne trouve aucune place à l'hôpital. "Sa récupération", nous dit-on, est "fort compromise".
Une délicate réalité
Les exemples donnés avec ces patients fictifs traduisent-ils la situation actuellement observée dans les hôpitaux ? Pour en savoir plus, LCI a contacté la Direction générale de l'offre de soin (DGOS), qui partage "la volonté constante du ministère des Solidarités et de la Santé [...] d’organiser la prise en charge de patients Covid+ tout en évitant les pertes de chances pour les patients non Covid". Le tout en évitant "les inégalités territoriales (régions avec forte circulation du virus vs. faible circulation du virus) en encourageant les solidarités interrégionales (coopérations hospitalières, RH, transferts de patients)".
La DGOS ajoute que "le caractère d’urgence de soins et de perte de chance du patient demeurent les critères essentiels de déprogrammation et reprogrammation". Dès lors, "les déprogrammations doivent être effectuées tout en garantissant une prise en charge dans les meilleures conditions possibles, en hospitalisation complète ou en ambulatoire, des patients atteints de cancer, en attente de greffe, suivis pour une maladie chronique, ou requérant des soins urgents ainsi que les mineurs". Il faut par ailleurs noter que "doivent également faire l’objet d’une attention particulière les besoins de prise en charge en santé mentale de la population notamment les publics mineurs avec handicap psychique, ainsi que les activités de dépistages et diagnostiques, dans le respect des conditions sanitaires en vigueur".
Une fois ces principes généraux rappelés, il s'agit pour les ARS de répondre au quotidien aux besoins de prise en charge. Ce qui induit nécessairement des choix. Jérôme Goeminne, directeur général du groupement hospitalier Cœur Grand Est et président du Syndicat des manageurs publics de santé, met en garde : "Les urgences vitales, on les traite toutes à l'heure actuelle. Mais si l'on n'agit pas, on sera à un moment contraint de choisir certaines."
Les publications telles que celles du Collectif Inter-Urgences ? Il les juge utiles. "Je pense qu'il faut marteler ces messages", assure-t-il, "car nous assistions à une forme de banalisation de la crise Covid. Pourtant, derrière, ce sont des vies humaines qui s'éteignent. C'est selon moi important de voir se multiplier les témoignages qui personnifient ce qui se passe en réanimation." L'exemple du patient dont la coloscopie est retardé lui semble tout à fait pertinent, puisqu'à l'heure actuelle, "les dépistages sont reportés". "On évalue aujourd'hui à 3000, 4000, jusqu'à 10.000 personnes qui perdront la vie de l'évolution de leur cancer parce qu'ils n'ont pas été soignés de manière optimale à cause du Covid", expliquait d'ailleurs il y a quelques jours Axel Kahn, le président de la Ligue contre le cancer. Un constat que partage à regret Jérôme Goeminne.
Des conséquences moins visibles
Quelle est la proportion d'opération déprogrammées ? Les 80% avancés sur Facebook par le Collectif Inter-Urgences semblent aujourd'hui surévalués. L'ARS d'Île-de-France, contactée par LCI, explique par exemple qu'au 27 mars, "le taux de déprogrammation [...] était de 40 % en chirurgie et 30 % en médecine". Elle ajoute que "certaines pathologies sont sanctuarisées, notamment les activités de cancérologie qui ne sont pas déprogrammées".
Jérôme Goeminne estime néanmoins que les exemples présentés sur les réseaux sociaux, déjà relayés plus de 10.000 fois, sont crédibles. Notamment pour la patiente atteinte d'un AVC et qui ne disposerait pas de place pour assurer sa récupération. Il est ici fait référence aux lits consacrés aux "soins de suite et de réadaptation", dits "SSR". Et dont le président du SMPS assure qu'ils sont aujourd'hui "embolisés par les patients en sortie de Covid".
Il attire enfin l'attention sur la situation de patients qui ne se trouveraient pas en urgence vitale, et dont les prises en charge sont décalées dans le temps. S'il est compréhensible de considérer que les actes de chirurgie orthopédique se sont pas urgents dans le contexte actuel (changement de prothèse, notamment), Jérôme Goeminne souligne que "quand vous avez 60-70 ans et que vous attendez une telle intervention, vous ne bougez plus. Derrière, le risque est réel pour que ces gens ne recouvrent pas toute leur mobilité."
Autre exemple, celui d'une mâchoire cassée : "Ça n'empêche pas de vivre, bien sûr, mais vous prenez le risque de les voir se dénutrir". Le plus difficile, assure-t-il, est de constater aujourd'hui "des pertes de chances pour des patients dans quasi tous les hôpitaux". Un constat cruel pour des professionnels de santé qui doivent se résoudre à ne pouvoir aider au mieux les patients qui en auraient besoin.
En résumé, il faut donc noter que les urgences vitales sont aujourd'hui assurées partout en France, y compris dans les zones où la tension hospitalière est la plus forte. Une continuité assurée grâce aux déprogrammations et reprogrammations qui se multiplient. Une situation critique puisqu'elle conduit à retarder la prise en charge de patients dont le danger de mort n'est pas imminent, mais qui peuvent voir leurs pathologies se développer ou les handicaper en attente de places disponibles et de moyens humains suffisants.
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