Covid-19 : comment expliquer l'accélération de cette 5e vague ?

Publié le 6 décembre 2021 à 16h19, mis à jour le 6 décembre 2021 à 16h32

Source : JT 13h WE

CONCORDANCE - Plusieurs paramètres permettent d'expliquer la prise de vitesse de la dégradation épidémique observée depuis quelques semaines. On fait le point.

Un Conseil de défense sanitaire s'est tenu ce lundi pour adapter la stratégie face à une situation épidémique qui n'a cessé de se dégrader au cours des dernières semaines. Si seul le relèvement au niveau 3 du protocole à l'école primaire a été acté, la situation reste délicate, avec un taux d'incidence qui a dépassé les 410. La ruée des Français sur la dose de rappel - plus de 10 millions de Français l'avaient reçu dimanche - appelle toutefois à un optimisme raisonnable bien que cette 5e vague commence à arriver dans les services d'urgence et de réanimation.   

Pour expliquer cette dégradation, plusieurs paramètres sont régulièrement pointés par les scientifiques. "On est en train de passer en phase exponentielle comme pour tous les virus, avec une personne infectée qui en contamine six à sept autres", commente Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille, pour LCI, évoquant par ailleurs la question de la couverture vaccinale, le relâchement des gestes barrières et  les conséquences de la météo.

Le respect des gestes barrières négligé

En matière de gestes barrières, au delà du constat général, plusieurs études récentes sont venues confirmer le recul de la vigilance, encore plus marqué en France qu'ailleurs. À commencer par celle de Santé publique France, publiée le 14 octobre, selon laquelle le respect de la distanciation physique, et notamment le fait de saluer sans embrassade et sans se serrer la main est passé, entre fin juillet et début octobre, de 63% à 59% ;  le lavage régulier des mains de 60% à 59% ; le fait d'éviter les regroupements et réunions en face-à-face avec des proches de 32% à 30% et enfin, le respect du port systématique du masque en public de 68 % à 66%. 

Le recul est davantage notable par rapport à la même période l'an dernier. Ainsi, l'adoption systématique du masque représentait 74% des personnes sondées en septembre 2020, quand le lavage systématique des mains, représentait, lui, 66% et le fait de saluer sans serrer la main 70%.

Une enquête de l'IFOP publiée, elle aussi, mi-octobre révèle même que la France figure au rang des "mauvais élèves" en matière de respect des gestes barrières avec moins d’adultes qui respectent les consignes martelées durant la crise en cas de toux ou d’éternuements. Dans le détail, à peine la moitié des Français (53%) se couvrent systématiquement avec un bras lorsqu’ils toussent (contre une moyenne "européenne" à 61%) et seulement un sur quatre se lave (27%) systématiquement les mains après s’être mouchés (contre une moyenne "européenne" a 32%). 

Une couverture vaccinale pas encore optimale

Selon les données publiées par Santé publique France samedi, 52.083.228 personnes ont reçu au moins une première injection de vaccin en France, soit 77,2% de la population française tandis que 51.000.870 personnes ont un schéma vaccinal complet, soit 75,6% de la population française totale. Mais quelque 6 millions de Français - dont plus 500.000 personnes de plus de 80 ans -, pourtant vulnérables face au Covid-19, refusent toujours de franchir le pas. 

Quid d'un éventuel lien entre la baisse d'immunité progressive observée autour de six mois après la dernière injection et la reprise épidémique actuelle ? Philippe Amouyel semble pour sa part sceptique, puisqu'avec dix millions de Français ayant à ce jour reçu leur dose de rappel et une troisième dose qui a "l'avantage d'être active dans les 48h", on peut déjà parler de "rattrapage". Cela est d'autant plus vrai que le rappel est désormais administrable dès 5 mois après la dernière injection et non plus six comme prévu initialement. 

La Haute autorité de santé (HAS) avait en effet décidé le 25 novembre d'abaisser ce délai, car la "reprise de l'épidémie" est "encore plus forte qu'attendue" et ces recommandations ont été suivies dans la foulée par le gouvernement. Selon la HAS, la réduction du pic des hospitalisations est de 39% si le rappel est fait 6 mois après la dernière injection, et passe à 50% si le rappel est fait à 5 mois. 

Delta, une transmission accrue

Le variant Delta est ainsi environ deux fois plus contagieux que les précédents variants, "et des données suggèrent qu'avant l'arrivée du variant Delta, les vaccins réduisaient la transmission d'environ 60%, avec Delta cela a chuté à 40%", avait expliqué Tedros Adhanom Ghebreyesus fin novembre. 

"Par rapport au variant alpha, le taux de reproduction du variant delta est de 1,4 à 1,6 fois plus élevé. La période d’incubation est plus courte (médiane de 4 contre 6 jours). De plus, la charge virale est plus élevée dans les voies respiratoires (jusqu’à 4 fois plus)", notait l'Institut national de santé publique du Québec. 

Cette vague, selon Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, c'est "la vraie vague de variant Delta [qui] arrive"

La météo et ses conséquences

Depuis ses prémices en octobre, ce regain n'a pas été une surprise pour les épidémiologistes qui l'avaient anticipé en raison de la baisse des températures et du changement d'habitudes qui l'accompagne, à savoir davantage de temps passé en milieu clos, et moins d'aération. "Il fait mauvais et qu'on se retrouve tous à l'intérieur avec de moins en moins envie d'avoir le masque sur le nez pour discuter avec les gens autour de nous et donc on prend un risque supplémentaire", a notamment eu l'occasion d'expliquer le professeur Jean-François Timsit à ce sujet, sur notre antenne. 

Outre ce rapport de cause à effet, de nombreuses études sont venues alimenter, ces 18 huit derniers mois, la réponse, complexe, à une question qui a émergé dès les prémices de la pandémie : la météo dope-t-elle la circulation du Covid-19 ? De fait, en novembre 2020, le retour en force du virus observé avait été attribué, par un certain nombre d'observateurs, aux premiers rafraîchissements de l'automne, indépendamment des comportements humains. Pour rappel, une hausse des cas fulgurante avait été enregistrée en France comme à travers le reste du continent.

L'Institut Pasteur a notamment déjà mis en avant la "dépendance importante de la transmission du SARS-CoV-2 à la météo". Plus en détail, elle engendrerait une augmentation de 0,16 du R0 pour chaque degré perdu sous une température moyenne de 10°C. En revanche, sous 0°C, la dynamique de la propagation semble changer et la corrélation n’est plus du tout évidente, comme l'avait précisé une étude publiée fin 2020 par Predict Service. Toujours selon cette filiale privée de Météo-France, le virus affectionne les températures comprises entre 3 et 17°C et un taux d'humidité compris entre 35 et 85%.

Une étude publiée en juin dans la revue scientifique Nature, est venu conforter ce lien "important" entre "la transmission du SARS-CoV-2" et "le temps/climat". "Les conditions météorologiques en hiver peuvent avoir un effet sur les vulnérabilités à l’infection à travers l’irritation de la muqueuse nasale", peut-on lire. "En outre, les températures, l’humidité et les UV (rayons ultra-violets, faibles quand la lumière naturelle est réduite) pourraient avoir un effet direct sur la survie du virus et modifier la contagiosité", expliquent les auteurs.


Audrey LE GUELLEC

Sur le
même thème

Tout
TF1 Info