Covid-19 : peut-on encore se fier aux chiffres des nouvelles contaminations ?

F.R
Publié le 28 janvier 2022 à 14h34
Covid-19 : peut-on encore se fier aux chiffres des nouvelles contaminations ?

Source : Philippe LOPEZ / AFP

Face à l'extrême contagiosité du variant Omicron, la méthode de suivi de l'épidémie est contestée.
Se baser sur l'indicateur des nouvelles contaminations n'est plus pertinent, estiment certains scientifiques.
"On doit changer de vision", plaide notamment Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique.

En France, le variant Omicron représente désormais 99% des tests PCR positifs, selon les chiffres de la Drees de ce vendredi. Alors que 500.000 nouvelles contaminations ont été recensées mardi dernier, un record depuis le début de la pandémie, de nombreux scientifiques remettent en question cet indicateur dont l'évolution est liée à l'extrême contagiosité d'Omicron, mais qui ne se traduit pas par une augmentation des admissions dans les hôpitaux. 

Omicron, "c'est une autre histoire, c'est autre chose", déclarait ainsi le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy mardi sur franceinfo. "Il est beaucoup plus transmissible, mais nettement moins sévère. Cela veut dire que dans notre logiciel, dans notre vision qu'on a vis-à-vis de cette infection en ce moment, on doit changer", a-t-il assuré. Car si Omicron est bien plus contagieux que les variants précédents, dont Delta, la vaccination protège des formes graves, ce qui ne sature pas les services de réanimation.

Le chiffre des nouvelles contaminations n’a plus la même valeur qu’avec les variants précédents
Jean-François Delfraissy

"Je ne dis pas qu'il ne faut pas prendre en compte le nombre de nouvelles contaminations (...) mais si vous regardez les chiffres, il y a même une baisse du nombre d'entrées et du taux d'occupation des lits en réanimation", a résumé le scientifique, affirmant que ce chiffre des cas quotidiens "n'a plus tout à fait la même valeur qu’avec les variants précédents".

Mercredi, 3712 patients étaient ainsi en réanimation pour Covid-19, contre 3741 la veille et 3852 sept jours auparavant. Selon nos confrères du Parisien, le ratio de personnes prises en charge en soins critiques sur l’ensemble de celles positives est passé de 1,4 à 0,1% en moins d'un mois. "Le nombre des contaminations en lui-même n'a plus vraiment de sens", abonde l'épidémiologiste belge Yves Coppieters, auprès du quotidien.

Pour Carole Poupon, présidente du syndicat national des biologistes des hôpitaux, citée par BFMTV, "Omicron représente plus de 90% des infections maintenant, tout le monde va être positif à un moment, tout le monde est cas contact".

S'attacher à d'autres données

Pour suivre au mieux l'évolution de l'épidémie et son impact sur le système de santé, de nombreux scientifiques appellent à s'attacher à d'autres données. "Nos marqueurs ne sont pas tout à fait les mêmes et le bon marqueur va être maintenant l'impact sur le système de santé", a exposé Jean-François Delfraissy. "C'est cela qui compte", affirme auprès de nos confrères Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille, qui surveille le nombre de patients hospitalisés dans les services traditionnels, ainsi qu'en réanimation.

"Le visage de l’épidémie change, changeons de paradigme : arrêtons de tester, isoler et tracer, poursuivons l’effort de vaccination, traitons les plus fragiles", a notamment avancé Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses de l'hôpital Saint-Antoine sur Twitter.

Ceux qui plaident en faveur d'un changement de paradigme soulignent également les travers des politiques de dépistage, modifiées régulièrement par le gouvernement. Les autotests ne sont par exemple pas comptabilisés dans les données nationales de dépistage. "On ne sait plus où on en est, il y a trop de tests, on ne suit plus rien (...) Au bout d'un moment ces chiffres ne veulent plus rien dire", regrette Carole Poupon.

Omicron : les autotests et tests salivaires plus fiables ?Source : TF1 Info

Alors quel indicateur suivre ? Philippe Amouyel recommande pour sa part le suivi de l'évolution du virus par les eaux usées. "Il n'y a pas de différence au niveau du nombre de tests, et toute une population est évaluée, pas seulement les cas contacts et les personnes symptomatiques", expose-t-il.

Pour Yves Coppieters, entre les contaminations et les formes graves, il manque un "indicateur intermédiaire". "On ne peut pas passer outre le nombre de malades symptomatiques dans le suivi d’une épidémie. Mais ce nombre de malades ne correspond pas à celui de cas positifs", explique-t-il.

"Trop tôt" pour lâcher du lest

Si cet indicateur peut apparaître faussé, l'épidémiologiste Pascal Crepey affirme, dans les colonnes du Parisien, qu'il reste "pertinent" de continuer à dépister le plus de personnes possible, pour "casser les chaînes de transmission et d’éviter que des personnes positives n’en infectent d’autres". Mais en revoyant la communication autour de ce chiffre quotidien, en en parlant moins, pour se concentrer sur d'autres marqueurs, comme les chiffres à l'hôpital. "À partir du moment où on a décidé de ne pas appuyer sur la pédale de frein, ça ne sert plus à rien de regarder le compteur de vitesse", affirme-t-il.

Car les dépistages, en plus d'indiquer la tendance de l'épidémie - à la hausse ou à la baisse -, permettent de repérer l'émergence de nouveaux variants, comme cela a été le cas avec Omicron, détecté en Afrique du Sud.

Et pour Dominique Costagliola, chercheuse à l’Inserm, il est "trop tôt" pour revenir à une surveillance plus limitée de l'épidémie. "Ne pas compter les cas dans une maladie infectieuse ne paraît pas bien raisonnable, surtout avec une maladie dont on connaît encore mal les effets à long terme", affirme-t-elle auprès du Parisien.


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