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Covid-19 : l'Australie a-t-elle rappelé 50 millions de doses d'un vaccin provoquant des tests positifs au VIH ?

Publié le 13 février 2022 à 15h44
Les internautes ont largement déformé ces derniers jours des faits survenus fin 2020 en Australie.
Les internautes ont largement déformé ces derniers jours des faits survenus fin 2020 en Australie. - Source : BIANCA DE MARCHI / POOL / AFP

Des publications virales évoquent un rappel massif de 50 millions de doses de vaccins en Australie.
Les injections reçues par les patients les auraient rendus positifs lors de tests de dépistage du VIH.
Des mésaventures de ce type ont été observées en Australie en décembre 2020, mais ces internautes déforment les faits.

En l'espace de quelques jours, de nombreux internautes ont partagé une publication similaire sur les réseaux sociaux. Celle-ci fait référence à des événements survenus en Australie et illustrant à leurs yeux les dangers induits par les campagnes de vaccination. 

Que nous disent ces messages postés en ligne et largement relayés ?

Si l'on en croit les différents posts qui ont fleuri sur la Toile, un rappel massif de vaccin aurait eu lieu en Australie. Ainsi, "50 millions de doses" auraient été "rappelées". La raison invoquée ? Elles rendaient "positif dans les tests VIH". Une affaire, peut-on lire, qui "dépasse l'entendement" et qui ferait écho à "ce que le Professeur Montagnier avait annoncé". Une référence à des thèses qui auraient été défendues par l'ancien prix Nobel, décédé le 8 février.

La crédibilité de ces messages se voit renforcée par le partage d'une vidéo, estampillée "7 News". Il s'agit ici d'une chaîne australienne, dont le reportage montre à l'écran des personnalités politiques du pays, à commencer par le Premier ministre Scott Morrison.

S'agit-il de faits avérés ? 

Un épisode similaire à celui décrit ici s'est bien déroulé en Australie, mais la présentation qui est faite aujourd'hui se révèle particulièrement trompeuse. Tout d'abord, il faut préciser que ces mésaventures n'ont rien de récent, puisqu'elles remontent à décembre 2020. À l'époque, aucun vaccin contre le Covid-19 n'avait encore été homologué et de nombreux chercheurs planchaient pour parvenir à protéger au plus vite les populations. 

Que s'est-il passé ? Contrairement à ce qui est relaté sur les réseaux sociaux, il n'y a pas eu à proprement parler de "rappel" massif d'un vaccin. En effet, le gouvernement a simplement décidé d'annuler la commande d'un candidat-vaccin prometteur contre le Covid-19, développé par la société australienne CSL avec le renfort de l'Université du Queensland, et dont il prévoyait d'obtenir 51 millions de doses. Ces dernières n'ont finalement pas été produites et l'argent public censé les payer a été consacré à l'approvisionnement en doses provenant d'autres laboratoires.

Des patients positifs au VIH ?

Contrairement à ce que pourrait laisser penser une lecture trop rapide des messages postés en ligne, les patients qui ont participé aux tests cliniques n'ont pas été contaminés par le VIH. Il se trouve néanmoins que ces volontaires, lorsqu'ils effectuaient des dépistages du VIH, voyaient leurs tests se conclure par des faux positifs. Les autorités australiennes, même si elles ont rapidement eu la confirmation que personne n'avait été effectivement contaminé, ont décidé de mettre un terme au développement de ce vaccin. Il s'agissait avant tout de ne pas entamer la confiance de la population et d'éviter de faire naître des craintes infondées. D'où également, l'abandon de la commande publique de 51 millions de doses prévue à l'origine par le gouvernement.

Ces faux positifs ont été expliqués par des chercheurs sans tarder. Il se trouve que les concepteurs de ce vaccin australien ont cherché à développer une "pince moléculaire", pour laquelle ils ont eu recours au fragment d'une protéine du VIH. "Une chaîne de 80 acides aminés", a expliqué un expert australien, s'empressant d'ajouter que "cela est inoffensif et ne peut pas provoquer une infection par le VIH". Ce fragment s'est malgré tout révélé suffisant pour que le système immunitaire des patients développe des anticorps, laissant supposer une infection lorsque des tests étaient initialement réalisés.

Quel rapport avec le Pr Montagnier ?

En déformant les événements survenus voilà plus d'un an en Australie, les internautes ont été nombreux à faire un parallèle avec les propos du professeur et ancien prix Nobel Luc Montagnier. Il aurait ainsi "annoncé" parmi les premiers ce qui est présenté ici comme un danger. Or, il s'agit là encore d'une vaste confusion.

Contrairement à ce que soutiennent ces messages, le Pr Montagnier n'a jamais sous-entendu ou affirmé que les vaccins contre le Covid pouvaient transmettre le sida, même si cette fake news a circulé durant l'épidémie. Le scientifique, décédé cette semaine et reconnu comme l'un des découvreurs du VIH au début des années 1980, soutenait toutefois une autre thèse, selon laquelle le SARS-CoV-2 aurait été conçu par l'homme en laboratoire, utilisant des séquences du VIH. 

Cette thèse, battue en brèche par de multiples spécialistes, a contribué à discréditer l'ancien Nobel auprès d'une grande partie de la communauté scientifique. Depuis plusieurs années, certaines de ses "dérives" étaient par ailleurs pointées du doigt, à l'instar de son adhésion à la théorie d'une "mémoire de l'eau", jamais étayée. En mai 2021, TF1info lui consacrait d'ailleurs un article : les spécialistes montaient à l'époque au créneau suite au propos du professeur affirmant que l'apparition des variants était imputable aux vaccins.

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Thomas DESZPOT

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