"Un risque de casser la dynamique" : la fin du masque dans les transports est-elle pertinente ?

Propos recueillis par Idèr Nabili
Publié le 15 mai 2022 à 15h07, mis à jour le 16 mai 2022 à 9h50

Source : JT 20h WE

À compter de ce lundi 16 mai, le masque n'est plus obligatoire dans les transports en commun, mais seulement "recommandé".
Pour le Dr Benjamin Davido, infectiologue, cette décision "est précipitée" et présente des risques. Entretien.

Il règne comme un parfum de monde d'avant sur le pays. Depuis ce lundi, les Français ne sont plus obligés de porter le masque dans les transports en commun, ainsi que l'a décidé le gouvernement. Se couvrir le nez et le visage, geste imposé depuis deux ans, n'est désormais plus que "recommandé" dans les bus, trains ou métros, comme l'a affirmé ces derniers jours le ministre de la Santé, Olivier Véran.

Une décision qui intervient deux mois après la suspension du pass vaccinal, et marque la fin des restrictions contre le Covid-19, hormis dans les services de santé. Mais est-elle judicieuse et justifiée scientifiquement ? Peut-elle entraîner un rebond épidémique ? Le Dr Benjamin Davido, infectiologue à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine), répond à TF1info.

Dès ce lundi, les Français peuvent tomber le masque dans les transports. Bonne idée ?

Je trouve que cette décision est politique plus que scientifique. N'oublions pas qu'il s'agit d'une pandémie, et non d'une épidémie française. Il ne suffit pas de décider que la pandémie est terminée pour qu'elle le soit vraiment. La fin du masque obligatoire dans les transports me semble précipitée et ne dépend d'aucun indicateur. Elle aurait pu être conditionnée à une circulation du virus extrêmement basse.

Décider que le 16 mai marque la fin des gestes barrières est une chimère, n'oublions pas l'aspect psychologique qui peut en découler
Dr Benjamin Davido

La France enregistre en moyenne 36.000 cas par jour, contre plus de 140.000 début avril. Fallait-il encore patienter ?

Oui, nous aurions pu jouer la carte de la prudence et attendre la mi-juin, de nous situer en dessous des 10.000 cas quotidiens. À cette échéance, avec le début des départs en vacances, il y aura moins de monde dans les transports des grandes agglomérations. La probabilité de créer des clusters y sera alors moins forte.

La fin du masque dans les transports peut-elle provoquer un rebond épidémique ?

Je ne pense pas que "rebond épidémique" soit le bon terme, mais cela risque de casser la dynamique très favorable des dernières semaines, y compris à l'hôpital, avec une baisse constante des indicateurs. Enlever le masque peut réactiver une circulation virale, un bruit de fond assez élevé autour de 30 ou 40.000 contaminations quotidiennes. Ce qui n'est pas forcément nécessaire à l'heure où des foyers de contaminations se rallument en Asie et en Afrique australe. Décider que le 16 mai marque la fin des gestes barrières avec le Covid-19 est une chimère, n'oublions pas l'aspect psychologique qui peut en découler.

C'est-à-dire ?

À partir de ce lundi, il n'y a plus besoin d'avoir le masque dans la poche, puisqu'il n'est imposé nulle part, à l'exception des hôpitaux. C'est une révolution, cela revient à considérer que la pandémie est terminée, comme après le premier confinement en mai 2020. Le retour de bâton avait été extrêmement difficile avec la deuxième vague, car remettre en place des mesures est compliqué. Ce choix sera lourd de conséquences en cas de menace à l'automne.

Conseillez-vous donc aux Français de rester masqués dans les transports ?

Je n'ai pas l'impression que le masque était insupportable et vécu comme une restriction dans les transports, au contraire. Il est extrêmement efficace lorsque tout le monde le porte, puisque la quantité virale en circulation y est faible. À partir du moment où une partie de la population n'est pas masquée, l'effet de groupe est perdu : une étude du British Medical Journal montre que le masque mis à la hâte n'a que 54% d'efficacité. Cela reste toutefois une barrière de protection. Dans un métro bondé, je pense que les Français feront l'effort de le porter.


Propos recueillis par Idèr Nabili

Tout
TF1 Info