CRISE SANITAIRE - La ministre du Travail réunit ce lundi les partenaires sociaux pour évoquer l'extension du pass sanitaire à toutes les entreprises. Faudra-t-il bientôt le présenter pour aller au travail ?
Après les restaurants, les grands rassemblements, les salles de sport ou encore les lieux de culture, le pass sanitaire sera-t-il bientôt imposé... au travail ? C'est en tout cas l'une des hypothèses sur la table du gouvernement pour limiter la hausse des contaminations. Ce lundi, la ministre du Travail Élisabeth Borne réunit les partenaires sociaux en visioconférence pour évoquer cette hypothèse. Mardi, Jean Castex recevra les groupes parlementaires pour discuter des futurs champs d'application du pass sanitaire.
Ce que compte faire le gouvernement
En plus du passage au pass vaccinal dès le début de l'année 2022, l'exécutif entend demander à l'ensemble des salariés de présenter un pass sanitaire au travail, y compris pour les salariés qui ne sont pas au contact du public. Une mesure qui verrait le jour "dans toutes les entreprises du pays, sans exception", indique à LCI le cabinet d'Élisabeth Borne.
Actuellement, les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration et de la santé sont déjà concernés par le pass sanitaire. Le dispositif resterait inchangé. "Cela pourrait s'appeler le pass travail", nous assure le cabinet d'Élisabeth Borne, qui précise que pour les non-vaccinés, un test négatif suffira pour accéder à son lieu de travail.
Invité sur LCI dimanche, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a toutefois indiqué que les parlementaires auraient le dernier mot sur ce dossier. "Il y a une hypothèse d'extension du pass à d'autres lieux de travail, mais ce n'est pas aujourd’hui dans notre scénario de travail", a-t-il assuré. "Si on devait aller en ce sens", les parlementaires "définiront le périmètre : qui ça concerne, qui contrôlerait."
Contrôles, sanctions... Les difficultés que cela pose
S'il ne s'agit donc, à l'heure actuelle, que d'une hypothèse évoquée par le gouvernement, les associations de DRH n'ont pas attendu pour exprimer leurs craintes. "Sur un plan opérationnel, cela serait compliqué", admet sur LCI Benoît Serre, vice-président délégué de l'Association nationale des DRH. "Ce type de mesures a peut-être un intérêt sanitaire, mais l'appliquer de manière généralisée à toutes les entreprises quelle que soit leur taille ou leur activité... Nous ne voyons pas trop la logique."
D'autant que les contrôles des pass sanitaires des salariés reviendraient aux entreprises. "C'est à l'employeur ou le cas échéant au responsable de l'établissement qu'il appartient de mettre en place le contrôle du pass sanitaire", prévient le ministère du Travail. "Le contrôle doit être effectué tous les jours", précise-t-on, alors que des sanctions pourraient être appliquées pour les entreprises qui ne jouent pas le jeu.
Les salariés qui refusent le pass sanitaire seront-ils licenciés ?
Les salariés qui ne présentent pas le pass sanitaire pourraient, eux aussi, connaître quelques désagréments. Dans les lieux déjà concernés par cette mesure, les réfractaires "ne sont plus employés ni payés", explique à LCI Jacques-Henri Robert, professeur émérite de l'Université Paris II Panthéon-Assas, expert du Club des juristes. "Tant qu'ils ne remplissent pas les conditions du pass sanitaire, ils peuvent demander à poser leurs vacances", poursuit-il. Jusqu'à un licenciement ? L'hypothèse existait dans le texte initial, mais a finalement été abandonnée "au cours de la discussion de la loi du 31 mai 2021", précise Jacques-Henri Robert.
Toutefois, "il ne faut pas laisser croire aux salariés qu'il ne peut pas y avoir de licenciement", prévenait l'été dernier Élisabeth Borne. "On avait souhaité dans la loi encadrer la façon dont on pourrait avoir recours au licenciement, en disant notamment que ce licenciement ne pouvait pas intervenir avant deux mois et s'accompagnait d'indemnités pour le salarié. Le Sénat a supprimé cette disposition", avait indiqué la ministre du Travail sur BFMTV. "Cela ne veut pas dire qu'il ne va pas y avoir de licenciement, cela veut dire qu'il est moins encadré. On est dans le droit commun du Code du travail."
Pour les salariés sans pass sanitaire, mais dont le travail à distance reste possible, sa mise en place pourrait permettre d'éviter des sanctions. Il y a la "possibilité pour le salarié de se mettre en télétravail", indique le cabinet de la ministre, qui évoque "des congés, des RTT, du sans solde" avant un éventuel licenciement pour les autres. Mais "il n'y a pas de difficulté pour les secteurs déjà concernés", tempère le ministère.
Une règle déjà en vigueur chez certains de nos voisins
Si l'instauration du pass sanitaire dans les entreprises divise - plusieurs syndicats y sont hostiles -, la France est loin d'être le premier pays à envisager sa mise en place. D'autres ont déjà franchi le pas. Mi-octobre, l'Italie est devenue la première nation européenne à imposer aux salariés une preuve de vaccination ou un test négatif avant de travailler, dans le secteur public comme dans le privé. Un mois plus tard, face à une flambée de contaminations, l'Allemagne a pris une décision similaire.
Outre-Atlantique, le président américain Joe Biden avait voulu imposer la vaccination à tous les salariés des grandes entreprises, sous peine de réaliser des tests réguliers. Mais la justice suspend, pour l'heure, cette mesure. Si elle ne s'est pas prononcée sur le fond, la cour d'appel de la Nouvelle-Orléans juge que cette règle est susceptible de ne pas être conforme à la Constitution américaine.
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