ÉPIDÉMIE - En première ligne dans la lutte contre le Covid-19, les hôpitaux français tentent de s'organiser, alors que la phase 3 se rapproche. Problème : ceux-ci sont déjà débordés.
"On est en finale de la coupe du monde, et on joue le match à 9 contre 11." Quand il tente de décrire pour LCI son quotidien à la Pitié-Salpêtrière à l'heure du coronavirus, ce médecin interne – qui a préféré conserver l'anonymat – file la métaphore. Une manière comme une autre pour lui de cacher son désarroi et son inquiétude. Car il en est convaincu : l'épidémie qui se profile s'annonce comme un défi pour la plupart des hôpitaux, déjà sous tension.
"Nous fonctionnons déjà à flux tendu, nous ne sommes pas dimensionnés pour faire face à une vague épidémique", estime ce spécialiste des maladies infectieuses. Ce dernier en veut pour preuve les derniers jours qu'il vient de vivre au sein de cet établissement parisien, qui a repensé son fonctionnement : "L'heure est à la réorganisation : dans mon service, nous avons augmenté de 30% nos capacités d'hospitalisation. Ce mercredi, nous avons transformé nos 40 lits habituels à la prise en charge uniquement du coronavirus. Nous avions également mis en place une structure de dépistage ambulatoire, mais elle est submergée et nous allons devoir fermer ce mercredi. Nous n'avons ni le personnel, ni le matériel pour dépister tout le monde."
"Nous allons vers une forme de tri des malades"
Dimanche 8 mars, la direction générale de la Santé a engagé le passage au niveau 1 du plan blanc, qui demande aux hôpitaux de se préparer à un afflux de patients. Mais comment faire face à une épidémie alors que ces établissements sont déjà saturés ? C'est la question à laquelle tente de répondre elle aussi Oriane, infirmière dans un établissement francilien. "Samedi soir, nous avions déjà les deux tiers des boxes des urgences occupés par des patients pour des suspicions de coronavirus", explique-t-elle à LCI. Avant de détailler la vitesse à laquelle se répand le virus au sein de la population : "Le nombre de cas augmente de manière exponentielle. Et les consignes évoluent, car les gens se présentent spontanément aux urgences. Les suspicions sont élargies : nous ne faisons plus d'enquête épidémiologique pour savoir si la personne rentre de Chine par exemple. En clair : toutes les personnes avec de la fièvre qui toussent sont considérées comme suspectes. Cela fait quand même un petit peu de monde… surtout que nous ne sommes pas encore sortis de l'épidémie de grippe classique."
Les deux professionnels en sont convaincus : en raison de l'afflux à venir de cas, cela va amener les médecins à faire des choix éthiquement très lourds. "Nous allons vers une forme de tri des malades, pour savoir qui aura droit d'être hospitalisé ou non. Ces choix se font déjà quotidiennement dans les services. Mais avec un afflux de patients, la question va être démultipliée." Un constat partagé par son collègue médecin à la Pitié-Salpêtrière : "Nous vivons déjà cela au quotidien. Sauf qu'au lieu de nous poser la question une fois par semaine, elle va se poser cinq fois par jour."
"Des personnels épuisés, fatigués"
Sur les réseaux sociaux, nombre de médecins du monde entier s'alarment eux aussi du risque de saturation des hôpitaux, renforcé par le fait que l'épidémie de grippe classique - toujours en cours - bloque déjà des lits. Pour éviter un "crash" du système de santé, ils insistent sur l'importance des mesures de lutte contre le coronavirus (se laver les mains, tousser dans son coude, s'isoler si on est malade, etc.). Cela permet non pas de réduire le nombre total de cas, mais plutôt de freiner l'épidémie en l'étalant dans le temps. L'objectif ? Faire en sorte que le pic soit moins brusque et que le nombre de cas simultanés ne dépasse pas les capacités du système hospitalier.
"Nous sommes vaillants et combatifs, on veut gagner, tient à préciser le spécialiste des maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière. Mais c'est compliqué en raison d'une décennie de restrictions de nos moyens et d'une vision purement économique de la santé." "On en vient presque à se dire qu'il faudrait que cela se passe mal pour prouver qu'on a besoin de moyens supplémentaires", abonde sa collègue infirmière. "Notre direction et le ministère sont en train de prendre conscience des choses, de s'organiser pour faire face, ajoute le médecin. Mais les décisions prises vont s'appliquer à des personnels déjà épuisés, fatigués." Le dernier bilan officiel de l'épidémie de coronavirus en France fait état de 33 décès sur les 1784 cas confirmés, parmi lesquels 86 malades en réanimation. Toutes les personnes décédées sont des adultes et pour 23 d'entre elles étaient âgées de plus de 75 ans.
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