Nouvelle variante du Covid-19 : "Les virus vivent et persistent par les mutations"

Propos recueillis par Idèr Nabili
Publié le 26 décembre 2020 à 9h40

Source : JT 20h WE

INTERVIEW - Une nouvelle variante du virus venue du Royaume-Uni semble à l'origine d'une forte hausse des contaminations. Alors qu'elle a été repérée en France, du côté de Tours, le 25 décembre, Morgane Bomsel, chercheuse du CNRS, nous éclaire.

C'est une alerte lancée par le gouvernement britannique. Une nouvelle variante du coronavirus a été détectée au Royaume-Uni, et serait potentiellement responsable de la hausse du nombre de cas recensés ces derniers jours outre-Manche. "Nous avons découvert un nouveau variant de ce virus", a indiqué mardi Matt Hancock, secrétaire d'État britannique à la Santé. "Il peut être associé à une propagation plus rapide dans certaines régions."  

Selon le Premier ministre Boris Johnson, qui a décrété le reconfinement de Londres et du sud-est de l'Angleterre à compter de mercredi, cette souche serait jusqu'à 70 pour cent plus contagieuse que la précédente. En France, la Direction générale de la Santé a annoncé, le 25 décembre, la présence de ce variant chez un Français résidant habituellement au Royaume-Uni et testé
à Tours (Indre-et-Loire). 

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que la mutation du Covid-19 figure au centre des attentions. En novembre, le Danemark a abattu plusieurs millions de visons par crainte qu'ils ne soient à l'origine de mutations. En France, le Pr Didier Raoult s'est régulièrement inquiété de la circulation de différents variants du virus, qui ne seraient pas tous aussi bénins, selon ses dires.

Mercredi, le président du Conseil scientifique est même allé plus loin, en expliquant dans les colonnes du Parisien que la mutation du virus "pourrait remettre en cause l'efficacité du vaccin". "Ce n'est pas le cas avec la variante anglaise" mais "cela prouve qu'il faut observer le virus avec une très grande attention", expliquait Jean-François Delfraissy. 

Alors que penser de ces mutations ? Par quoi sont-elles provoquées ? Risquent-elles vraiment de limiter les effets du vaccin ? Morgane Bomsel, directrice de recherche au CNRS et à l’Institut Cochin et spécialiste en virologie, répond à LCI.

Était-ce attendu que le virus provoquant le Covid-19 mute ?

Morgane Bomsel : Les mutations sont des choses normales. Jusqu'à maintenant, nous avons détecté une trentaine de mutations. Il n'y a d'ailleurs pas de raison que nous n'en ayons pas observées en France. Mais elles ne semblent pas affecter le comportement du virus : il n'est pas plus infectieux, ni moins. Suivant le type de virus, les mutations sont plus ou moins nombreuses. Par exemple, le VIH mute beaucoup, 40 ou 50 fois plus que ce coronavirus.

Nous n'avons pas beaucoup de raisons de penser que cela pourrait affecter l'efficacité du vaccin
Morgane Bomsel, virologue

À quoi sont-elles dues ?

Les mutations proviennent du mécanisme de production du virus. Le Sars-Cov-2 est un virus à ARN, un code qui doit être traduit en protéines. Le problème intervient pendant la traduction, au cours de laquelle il peut y avoir quelques erreurs, puisque les mécanismes de réplication ne sont pas totalement fiables. Ce sont ces petites erreurs qui créent les mutations.

Les mutations "pourraient remettre en cause l'efficacité du vaccin", estime Jean-François Delfraissy. Pourquoi ?

Les mutations pourraient effectivement limiter l'efficacité du vaccin si elles figurent à l'endroit que reconnaissent les anticorps protecteurs. C'est ce que nous appelons des mutations d'échappement : le virus se débrouille pour échapper aux anticorps. En revanche, si ce ne sont pas des mutations d'échappement, tout va bien.

Actuellement, de quelle nature les mutations semblent-elles être ?

J'avais étudié le problème lors de la transmission du vison à l'Homme. Il y a deux semaines, les mutations étaient effectivement constatées, mais nous n'avons pas vu d'effet sur l'infectiosité du virus, ni dans un sens ni dans l'autre. A priori, nous n'avons pas donc beaucoup de raisons de penser que cela pourrait affecter l'efficacité du vaccin.

Comment pourrions-nous en être certains ?

Les virus vivent depuis des millions d'années et persistent par ces mutations. Il faut donc être assez malin pour induire une immunité qui bloque complètement ces possibilités d'échappement. Actuellement, nous disposons des anticorps produits par des milliers de patients immunisés. Nous pourrions prendre leurs anticorps et regarder, in vitro, si l'immunité développée chez des personnes vaccinées est affectée par cette mutation, ou non.


Propos recueillis par Idèr Nabili

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