LOURD BILAN - La publication d'une récente étude dans la revue Science vient étayer la thèse d'un bilan humain du Covid-19 très largement sous évalué en Inde. Le virus n'aurait là-bas pas fait 500.000, mais 3,3 millions de victimes.
En Europe et dans le reste des pays les plus développés, les autorités sanitaires opèrent un suivi rigoureux des décès liés au Covid-19. Difficile toutefois d'en dire autant à l'échelle mondiale, tous les pays ne disposant pas des outils nécessaires à l'évaluation des indicateurs liés à l'épidémie. Le cas de l'Inde, à ce titre, fait figure de symbole. Alors que les autorités déclarent officiellement 483.463 décès imputés au virus, les spécialistes soupçonnent depuis de longs mois une sous-estimation massive.
En ce début janvier, une étude publiée dans la très sérieuse revue Nature accrédite la thèse d'un bilan bien plus lourd. On compterait ainsi plus de 3,2 millions de décès liés au Covid, six fois plus que les chiffres du gouvernement. De quoi faire bondir le bilan mondial et faire craindre des situations similaires dans d'autres pays.
Une mortalité cachée
Dans les discours de certains "rassuristes", cherchant à minimiser l'ampleur du Covid à l'échelle mondiale, on retrouve souvent des comparaisons avec d'autres pandémies survenues par le passé. Avec un total de 5,4 millions de morts officiellement déclarés à travers le globe, nous sommes en effet loin du terrible bilan de la peste noire, dont on estime qu'elle avait tué environ 200 millions de personnes au milieu XIVe siècle.
Si la médecine a progressé et que la mortalité liée au SARS-CoV-2 n'est pas similaire, il faut aujourd'hui se méfier des décomptes officiels. Outre le fait que l'épidémie se poursuit activement et continue de tuer, le bilan des précédentes vagues reste dans certains pays très peu fiables. Celui présenté par l'Inde en particulier. La prestigieuse revue scientifique Science, le 6 janvier, a indiqué qu'un "épidémiologiste de renom qui affirmait que le pays avait été épargné par le pire du Covid-19 a mené une nouvelle analyse rigoureuse des données de mortalité disponibles". Il a ainsi conclu s'être largement trompé.
Selon Prabhat Jha, qui évolue à l'Université de Toronto, "l'Inde compte un nombre de décès dus au Covid-19 'considérablement plus élevé' que ne le suggèrent les rapports officiels - près de 3 millions, soit plus de six fois plus que ce que le gouvernement a reconnu et le nombre le plus élevé de tous les pays." Science, qui publie les travaux de l'équipe de chercheurs, souligne que ces travaux "pourraient inciter d'autres pays présentant des taux de mortalité anormalement bas à faire l'objet d'un examen minutieux et faire grimper le nombre total de victimes de la pandémie dans le monde".
Conscients que les sources officielles indiennes ne seraient pas en mesure d'établir un bilan fiable, les chercheurs ont notamment réalisé leurs estimations à l'aide des données obtenues d'un institut de sondage indépendant. Ce dernier a interrogé au téléphone près de 140.000 personnes à travers l'Inde, demandant si quelqu'un dans chaque foyer était mort du Covis-19. Les retours des populations ont ainsi été comparés avec les données qui étaient attendues si l'on se fiait aux relevés gouvernementaux. Et les experts n'ont pas tardé à observer d'importants écarts, confirmant l'hypothèse d'une sous-évaluation massive des décès. D'autres méthodes ont ensuite été utilisées afin d'affiner leurs conclusions.
"La conception de l'étude est solide", a réagi une responsable de l'OMS, estimant que "les pays peuvent s'inspirer de cette approche" pour proposer des estimations de surmortalité. L'Organisation mondiale de la Santé, a-t-elle ajouté, travaille, elle aussi, de son côté à une évaluation des décès à l'échelle mondiale, basée non pas sur les seules données officielles, mais sur des analyses contournant les sous-déclarations telles que celles observées en Inde.
Si les autorités indiennes sont clairement incriminées par les chercheurs depuis de longs mois, les différences majeures entre les bilans officiels et officieux s'expliqueraient autant pas la volonté de cacher l'ampleur de l'épidémie, que par une désorganisation massive du système de santé. Les outils mis en place pour le recensement des décès présentaient en effet des dysfonctionnements majeurs avant la survenue du Covid, si bien que des données manquaient déjà en 2018. La crise sanitaire qui a suivi n'a donc sans doute fait qu'accentuer la désorganisation d'un pays six fois plus vaste que la France, et qui compte pas moins d'1,4 milliard d'habitants.
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