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Que sait-on de Mauricette Doyer, décédée de la maladie de Creutzfeldt-Jakob quelques mois après ses vaccinations ?

Publié le 4 mai 2022 à 17h49
Environ 150 cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob sont diagnostiqués chaque année en France, mais rien ne permet aujourd'hui d'accréditer la thèse d'un lien avec des vaccinations.

Environ 150 cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob sont diagnostiqués chaque année en France, mais rien ne permet aujourd'hui d'accréditer la thèse d'un lien avec des vaccinations.

Source : THOMAS COEX / AFP

Depuis plusieurs mois, Marc Doyer se mobilisait pour partager la souffrance de sa femme Mauricette.
Touchée par la maladie de Creutzfeldt-Jakob peu après sa deuxième injection contre le Covid-19, la septuagénaire est décédée en ce début mai.
Si ses proches font le lien entre les deux événements, les médecins rappellent que la maladie de Creutzfeldt-Jakob présente une incubation très lente.

"Mauricette vient de partir rejoindre le paradis des artistes." C'est par ce message partagé sur les réseaux sociaux que Marc Doyer a annoncé la disparition de sa femme Mauricette. Âgée de 72 ans, elle a succombé à la maladie de Creutzfeldt-Jakob, souvent appelée "maladie de la vache folle". Peu avant qu'elle ne lui soit diagnostiquée, cette habitante de Picardie venait de recevoir une seconde injection de vaccin contre le Covid-19.

Pour Marc Doyer et ses enfants, il ne peut s'agir d'une coïncidence. Au fil des mois, il a multiplié les interventions en ligne et dans les médias pour mettre en garde contre ce qu'il voit comme un effet secondaire possible des vaccinations. Les médecins interrogés se gardent bien d'y voir un lien de cause à effet : ils rappellent que cette terrible affection neurodégénérative se déclare normalement après de longues années d'incubation.

"Je ne suis pas dans une démarche antivaccin"

Installée dans l'Oise, la famille Doyer s'occupe d'un cabaret situé dans la localité de Breuil-le-Vert. Mauricette en assurait la gérance, secondée par son mari depuis la création en 2013. L'épidémie de Covid-19, la septuagénaire l'a d'abord traversée avec une certaine amertume. La fermeture des établissements culturels a constitué un véritable coup dur pour cette grande amatrice de music-hall, frustrée de devoir fermer les portes de son établissement au public. 

Auprès de la presse locale, elle partageait ainsi en janvier 2021 sa lassitude. "Je ne sais pas quelles seront les directives gouvernementales d’ici-là, si elles auront évolué, mais j’ouvrirai. Et si je dois prendre une amende pour cela, tant pis, mais on en entendra parler, c’est certain", lançait-elle à l'approche de la Saint-Valentin. Lorsque les vaccins ont été accessibles, la gérante du cabaret picard a reçu les deux doses successives, à quelques semaines d'intervalles. De prime abord, personne au sein de la famille Doyer ne manifeste de réticence spécifique par rapport à la vaccination. "Je ne suis pas complotiste [...] Je ne suis pas dans une démarche antivaccin, j'ai toujours été vacciné", glissera d'ailleurs Marc Doyer à une journaliste du Parisien.

Dans les semaines qui ont suivi sa 2e injection, Mauricette va présenter une série de symptômes, les médecins lui diagnostiquent alors la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Depuis lors, Marc Doyer s'interroge. "Elle reçoit sa deuxième injection le 5 mai et au bout de 15 jours tout se dégrade. Comment voulez-vous qu'on ne voie pas de lien ?", interroge le directeur commercial. Très actif sur les réseaux sociaux – il est notamment suivi par plus de 50.000 personnes sur Twitter –, il s'est rapproché du collectif "Verity France", qui souhaite faire la lumière sur les effets secondaires des vaccins contre le Covid-19. 

Alors que son épouse était hospitalisée à domicile, Marc Doyer a tenté de recueillir des témoignages d'autres familles, touchées, elles aussi, par des effets secondaires prêtés aux vaccins. Dans sa lutte, le compagnon de Mauricette s'entoure de personnalités clivantes. Le très controversé Pr Montagnier, devenu une figure des mouvements antivax, l'a ainsi contacté afin de lui témoigner son soutien et recommander un traitement à sa femme. Citons également à ses côtés l'avocat Pierre Gentillet, fervent opposant au pass sanitaire et qui manifeste en ligne son adhésion à la théorie dite du "grand remplacement". Marc Doyer demande de la transparence aux autorités et au gouvernement, se montrant critique envers Emmanuel Macron, une "arnaque" selon ses mots. Il fut pourtant un temps membre du bureau d'En Marche dans l'Oise. C'était en 2018, avant de prendre ses distances avec le parti et de figurer brièvement sur une liste de soutien aux Gilets jaunes lors des élections européennes de 2019.

Les médecins se méfient des conclusions hâtives

Mauricette, assure Marc Doyer, ne souffrait pas de problèmes de santé et donnait l'impression de faire "10 ans de moins" que son âge. Elle affichait "une pêche terrible, pas de cholestérol, d'hypertension, rien", témoignait-il. Peut-on dès lors faire le parallèle entre les injections successives contre le Covid-19 et le déclenchement de la maladie qui a suivi peu de temps après ? Les médecins et spécialistes de Creutzfeldt-Jakob affichent sans détours leurs réserves. 

"La maladie de Creutzfeldt-Jakob est une maladie à incubation très lente", a souligné auprès de Libération le neurologue Jean-Philippe Brandel, neurologue et fin connaisseur de cette affection. "On est plus proche de la dizaine d’années que de quelques jours ou de quelques semaines." Et d'ajouter que "la vaccination contre le Covid-19 apparaît beaucoup trop récente pour que l’on puisse imaginer qu’elle soit la cause des maladies que l’on diagnostique aujourd’hui. C’est quelque chose qui ne nous paraît pas possible." Les spécialistes soulignent en parallèle qu'aucune augmentation des cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob n'a été rapportée depuis le début des vaccinations, au contraire. 

La prudence reste également de mise concernant le rôle déclencheur qu'aurait pu jouer le vaccin. Marc Doyer a indiqué cette semaine qu'il y avait "plein de cas" où l'injection "déclenche les maladies que l'on a en nous". Une thèse qu'aucune étude scientifique n'a pour l'instant mise en avant. Le Dr Brandel, face au cas de Mauricette, appelle à faire preuve d'empathie : "Vous avez des gens qui vont bien et qui un mois après sont morts. C'est tellement inacceptable, je comprends que les familles cherchent des réponses", glisse-t-il. Ce qui ne doit pas pour autant pousser à des conclusions hasardeuses, puisque parmi les très nombreux Français vaccinés, il est logique que certains développent "un Creutzfeldt-Jakob, d'autres une grippe, d'autres un cancer... La coïncidence existe", résume l'expert.

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Thomas DESZPOT

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