Traque des eaux usées : les premières preuves de l'accélération de l'épidémie en France ?

Propos recueillis par A. LE GUELLEC
Publié le 11 janvier 2021 à 21h16, mis à jour le 11 janvier 2021 à 21h45

Source : JT 13h Semaine

MAUVAIS PRÉSAGE - Le potentiel de la surveillance du virus dans les stations d'épuration a fait ses preuves lors des précédentes vagues. À Paris et Marseille notamment, les derniers relevés interpellent.

Les canalisations d'eaux usées recèlent-elles déjà la preuve de la si redoutée accélération de l'épidémie post- fêtes ?  Depuis l'apparition du Covid-19 en Chine, la traque du virus dans les stations d'épuration se présente comme une arme redoutable au point que plusieurs régions ont adopté ces derniers mois une stratégie prédictive de surveillance. Il se trouve que les derniers relevés réalisés à Paris et Marseille attestent d'une augmentation de la concentration du virus pas franchement de bon augure.

Que faut-il craindre et dans quels délais ? Y a-t-il des raisons de croire à une fausse alerte à la lumière de l'expérience des derniers mois ? Quid de l'impact du variant anglais dans les mauvaises données recueillies ? Vincent Maréchal, virologue au Centre de recherche scientifique Saint-Antoine, à Paris et membre du réseau Obépine, consortium de recherche qui associe notamment Sorbonne Université, l'université de Nancy et l'Institut biomédical des armées nous aide à y voir plus clair.

La présence du virus dans les eaux usées est un indicateur précoce qu'il faut croiser avec d'autres
Vincent Maréchal

LCI : Que montrent les derniers relevés ? 

Vincent Maréchal : On s'est tous un peu inquiétés en voyant les derniers relevés dans certaines régions, notamment en Ile-de-France où la circulation du virus augmente dans les cinq stations du réseau Obépine. C’est-à-dire qu'on observe depuis le 4 janvier une reprise à la hausse qui s'inscrit au moins sur deux prélèvements consécutifs. Ce qu'on voit c'est plus de gens en train de secréter du virus qu'il y a une semaine et c’est la première fois que cela arrive depuis fin octobre. Est-ce un épiphénomène ou quelque chose de durable ? C'est trop tôt pour le dire et on espère se tromper en tirant la sonnette d'alarme mais il y a peu de chance que cela ne s'inscrive pas dans la durée. On est train d'analyser les données station par station car plusieurs paramètres sont à prendre en compte comme le nombre de personnes infectées, la taille de la population, d'éventuels travaux en cours, de fortes pluies qui auraient pu diluer la concentration de virus. 

Mais une chose est sûre, cette reprise à la hausse témoigne d'un changement de dynamique alors qu'on était sur un plateau déjà relativement élevé, avec des chiffres semblables à ceux de mi-septembre. Selon moi, si la reprise se confirme, c'est donc difficile de parler de troisième vague, car on n'est jamais vraiment sortis de la deuxième. 

Après plusieurs mois de recours à cette méthode, a-t-on des raisons de croire à une fausse alerte ? 

Le gros intérêt de cet indicateur, c'est qu'il n'est pas biaisé. Pour simplifier, dès lors que les gens vont aux toilettes on sait ce qu'il en est de la circulation car même si la maladie a une expression respiratoire, elle se réplique dans le tube digestif et c'est ce qu'on recherche dans les selles présentes dans les eaux usées. Tout l'été, on a vu par exemple des quantités de génomes viraux remonter jusqu'à octobre, puis les quantités diminuer et s'inscrire dans un plateau. Cette remontée très lente annonçait une catastrophe qui a eu lieu. Pour autant, il est difficile de dire que ce que nous a appris une phase va se répéter, car les mesures évoluent et le contexte épidémiologique aussi. Le caractère prédictif et la période d'anticipation ne sont pas absolus. 

La présence du virus dans les eaux usées est un indicateur précoce qu'il faut croiser avec d'autres indicateurs. Contrairement à cet été où la reprise s'était observée dans un premier temps chez les jeunes dans des stations balnéaires et un contexte météorologique moins favorable à la circulation du virus, on peut présager que cette fois, la population concernée n'est pas la même, dans un contexte urbain et une situation météorologique très favorables à la circulation du virus. Pour rappel, à l'époque, les premières remontées avaient été détectées le 20 juin et les indicateurs avaient commencé à s'affoler fin juillet. On a donc toutes les raisons de s'inquiéter en voyant ces derniers relevés. Et on n'avait pas besoin, en plus, qu'une variante du virus vienne s'ajouter à cela. 

Justement, qu'en est-il de la détection du variant dans les eaux usées ?

On n'est pas capables de dire pour l'instant si cette augmentation observée est liée au virus "classique" ou au variant car la méthode que l'on avait choisie visait justement jusque-là à détecter tous les génomes pour qu'aucun variant ne nous échappe et que la détection de la circulation du virus soit la plus globale possible. Mais maintenant que la donne a changé, on travaille à cibler les variants, et en particulier celui-ci. On est en train d'évaluer sa prévalence grâce à des outils pour le détecter spécifiquement et évaluer sa proportion dans la circulation.


Propos recueillis par A. LE GUELLEC

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