Une épidémie terminée car le R0 est inférieur à 1 ? Gare aux messages trompeurs

Publié le 4 septembre 2021 à 18h34
Le R0 n'est pas le seul indicateur à surveiller.
Le R0 n'est pas le seul indicateur à surveiller. - Source : MARTIN BUREAU / AFP

SURVEILLANCE - Si les indicateurs épidémiologiques sont passés au peigne fin, la baisse du taux de reproduction du virus en dessous de 1 ne signifie pas pour autant que l'épidémie est achevée. Explications.

Malgré quelques inquiétudes liées à la rentrée scolaire, la situation sanitaire s'améliore en métropole, avec un nombre de cas qui suit une tendance baissière depuis la mi-août. De quoi entrevoir le bout du tunnel et envisager le fin du Covid-19 ? Des internautes le croient, et n'hésitent pas à clamer que l'épidémie est désormais terminée.

Comme preuve, "le très officiel site CovidTracker" est pris en exemple. Ce dernier indique que "le R0 ou le taux de reproduction du virus est de 0,89". Dès lors, il n’y aurait "plus d’épidémie en France depuis des semaines selon les règles de l’épidémiologie". Si les données sont justes, les conclusions qui en découlent se révèlent en revanche hasardeuses, assez éloignées des observations réalisées par les spécialistes.

L'épidémie recule, mais ne disparaît pas

Le R0, ou taux de reproduction du virus, signifie lorsqu'il passe en dessous de 1 qu'une personne infectée en contaminera en moyenne moins d’une autre. Ainsi ce seuil de 1 constitue un repère important : lorsque l'on passe en dessous, cela correspond à un recul de l'épidémie. Au 3 septembre, ce R0 est de 0,84 et poursuit une baisse observée depuis déjà plus de deux semaines. Une dynamique positive sur le plan de la santé publique, mais qui ne veut pour autant pas dire que l'épidémie est achevée. 

En vérité, il n'existe pas de définition exacte pour se représenter la fin d'une épidémie. En suivant des critères médicaux, on peut s'attacher à la diminution notable et continue des nouveaux cas et des décès, mais il convient de prendre également en considération des aspects plus sociaux. 

Le franchissement d'un seuil d'acceptabilité, correspondant à une forme de banalisation du virus dans nos vies et à une intégration à notre quotidien peut aussi être avancé. Des historiens interrogés par le New York Times ont expliqué que par le passé, les fins d'épidémies se sont généralement révélées assez "floues", et furent le plus souvent le résultats de "processus sociopolitiques". Se focaliser sur des indicateurs médicaux n'est donc pas suffisant.

Mettre en avant la baisse du R0 à l'échelle de toute la France contribue à gommer certaines disparités. Les données de Santé Publique France, mises en forme par CovidTracker, nous montrent que dans 29 départements, les admissions à l'hôpital pour cause de Covid demeurent en augmentation. Dans trois départements, les cas continuent d'ailleurs d'augmenter. La situation dans les Antilles ou en Polynésie, dont les médias se sont fait l'écho, illustrent ces dynamiques très variables d'un territoire à l'autre.

Tant que les pays pauvres ne seront pas vaccinés on ne viendra pas à bout de l'épidémie
Pr Gibert Deray

Interrogé par RMC il y a quelques jours, le Pr Gilbert Deray  jugeait la pandémie "pas du tout terminée au niveau mondial". Le médecin, chef de service à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, a estimé que "tant que les pays pauvres ne seront pas vaccinés on ne viendra pas à bout de l'épidémie". Les flux de population à travers le monde peuvent en effet contribuer à une large circulation des virus : l'émergence du Covid-19 début 2019 l'a prouvé, et ce malgré une transmissibilité moindre à l'époque. Lorsque l'on observe les taux de vaccination à travers le monde, on constate le retard encore très important de multiples pays (les plus pauvres généralement), avec un réservoir conséquent de personnes encore susceptibles de se voir infectées. 

Biologiste et directeur de recherches au CNRS, François Renaud soulignait dès mars 2020 que les dynamiques observées via les chiffres devaient toujours se voir analysées avec une certaine prudence. "Même arrêtée, une épidémie peut très bien repartir", lançait-il, "on arrête l'incendie, mais il reste les braises et quelqu'un ou quelque chose peut venir souffler dessus et faire repartir le feu". Si le R0 est inférieur à 1 aujourd'hui, il convient donc de ne pas crier victoire trop vite ni de décréter la fin du Covid-19. Une position d'autant plus mesurée alors que la France a fait face à quatre vagues successives, signe que des courbes descendantes peuvent évoluer rapidement - à la faveur de variants ou de changements de saisons - et rebattre largement les cartes.

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Thomas DESZPOT

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