STRATÉGIE - Si l'épidémie "regagne du terrain" en France, le chiffre des contaminations pourrait être devenu obsolète, le vaccin ayant "rompu" le lien mathématique entre le nombre de cas et les hospitalisations.
Une courbe des contaminations qui se sépare de celle des hospitalisations. C'est ce qu'on observe dans les pays largement vaccinés. Avec une population majoritairement immunisée, Israël et le Royaume-Uni voient ainsi leur nombre de nouveaux cas de covid-19 augmenter ... Sans toutefois avoir d'impact sur les services de réanimation ou les décès. De quoi se demander si utiliser comme critère le taux d'incidence pour surveiller l'épidémie a encore un sens.
Nouvelle "feuille de route" pour plusieurs pays
"En Israël et en Grande-Bretagne la déconnexion entre nombre de cas et hospitalisations/décès se confirme", s'est ainsi félicité Gilbert Deray, chef du service néphrologie de l'hôpital parisien de La Pitié-Salpêtrière. "Le vaccin si appliqué 'massivement' va permettre le maintien d'une vie normale malgré les reprises épidémiques", a-t-il relevé sur Twitter, ce 1er juillet. Désormais, il apparaît donc que dans une population majoritairement vaccinée, il soit devenu plus intéressant de veiller aux chiffres des hospitalisations qu'à celui des seules contaminations.
C'est pourquoi de nombreux pays envisagent de changer leur stratégie. À l'instar du Royaume-Uni, justement. Avec près de la moitié de la population immunisée, le Premier ministre s'est réjoui que cette protection ait permis de "rompre le lien" entre contamination et décès. Certains élus conservateurs demandent donc la fin des chiffres quotidiens des nouveaux cas, jugés "effrayants" et "irrationnels". Si l'exécutif écarte pour le moment cette solution, ce souhait est devenu réalité Outre-Atlantique. Depuis plusieurs semaines, dans l'Alabama et en Floride, les rapports sur les chiffres des contaminations sont devenus hebdomadaires et non plus quotidiens, afin de permettre au pays de "passer à la phase suivante de sa réponse au covid-19", pour reprendre les termes des autorités sanitaires auprès de CNBC.
Plus surprenant encore, le cas de Singapour, qui appliquait pourtant jusqu'à aujourd'hui une stricte stratégie du "Zero Covid". Pour revenir à la normale, l'archipel veut arrêter de se concentrer sur les nouveaux cas afin de se focaliser plutôt sur les hospitalisations, à la manière de la technique pour surveiller "la grippe" ou "la varicelle". Une "feuille de route qui pourrait être un modèle pour d'autres pays", comme l'écrit CNN. Dont la France ? Interrogée sur cette éventualité, la Direction générale de la Santé n'était pas encore revenue vers nous ce lundi après-midi.
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Reste que certaines voix avertissent déjà du risque d'un tel assouplissement, notamment au regard de la nature de cette épidémie, très instable. "Je pense que la leçon à tirer de cette crise, c'est qu'on ne peut pas simplement estimer que l'épidémie ne repartira jamais", a souligné dans la presse américaine l'épidémiologiste Wafaa El-Sadr, professeure à l'Université de Columbia.
Pour l'épidémiologiste Yves Coppieters, la meilleure stratégie sanitaire se trouve quelque-part entre les deux. Professeur de santé publique de l'Université Libre de Bruxelles, il estime auprès de LCI.fr qu'il faut continuer à scruter "les deux indicateurs, même s'ils ne sont plus liés". D'une part, il faut mettre en place des "seuils d'alerte très stricts pour les hospitalisations". Et de l'autre, il faut continuer à "veiller aux contaminations." Pas forcément leur nombre, mais plutôt leur nature. Une trop grande vague épidémique empêcherait en effet "de surveiller les caractéristiques des personnes contaminées". Or, "l'âge, les comorbidités et le statut vaccinal" des nouveaux cas sont autant d'informations essentielles afin "d'anticiper l'évolution de l'épidémie". Et ne pas se laisser submerger par une "quatrième vague" devenue de plus en plus menaçante.