Variants du Covid-19 : faut-il s'inquiéter pour l'efficacité du vaccin ?

Publié le 14 janvier 2021 à 14h30, mis à jour le 14 janvier 2021 à 14h36

Source : JT 20h Semaine

INCERTITUDES - Si les chercheurs se veulent rassurants sur le plan de la réponse immunitaire apportée par les vaccins face au variant anglais, ils sont plus sceptiques concernant le variant sud-africain pour lequel des tests sont en cours.

L'efficacité du vaccin va-t-elle être altérée ? La question a émergé dans la foulée de l'apparition au Royaume-Uni et en Afrique du Sud de variantes du nouveau coronavirus, présentées comme plus contagieuse que les autres, à quelques jours seulement du coup d'envoi de la campagne de vaccination au sein de l'UE. Avec près de trois semaines de recul dans l'Hexagone et près de 250.000 personnes vaccinées à ce jour, la question n'est toujours pas clairement tranchée.

Si les chercheurs ne se montrent pas inquiets outre mesure s'agissant du variant britannique, les dernières données se référant au variant sud-africain suscitent davantage de scepticisme. L'un comme l'autre ont en commun une mutation appelée N501Y, située sur la protéine "spike" du coronavirus (une pointe qui lui permet de pénétrer dans les cellules), et suspectée de rendre ces variants plus contagieux. Mais le variant qui a émergé en Afrique du Sud et, plus récemment, ceux détectés au Brésil et au Japon portent une autre mutation appelée E484K

"Évasion immunitaire"

Cette mutation "est la plus inquiétante de toutes" sur le plan de la réponse immunitaire, estime Ravi Gupta, professeur de microbiologie à l'Université de Cambridge, interrogé par l'AFP. Des tests en laboratoire ont montré qu'elle semblait capable de diminuer la reconnaissance du virus par les anticorps, et donc sa neutralisation. 

"À ce titre, elle peut aider le virus à contourner la protection immunitaire conférée par une infection antérieure ou par la vaccination", explique le Pr François Balloux, de l'University College de Londres, cité par l'organisme britannique Science Media Centre. C'est cette perspective "d'évasion immunitaire" qui préoccupe les scientifiques, avec en ligne de mire la question de l'efficacité des vaccins. 

Des analyses en cours

Le 8 janvier, BioNTech et Pfizer, les fabricants du principal vaccin administré dans le monde, ont assuré que ce dernier était efficace contre la mutation N501Y. Mais leurs vérifications en laboratoire n'ont pas porté sur E484K et ne suffisent donc pas à conclure que l'efficacité du vaccin sera la même contre les variants qui la portent que contre le virus classique. Une étude publiée le 6 janvier décrit le cas d'une Brésilienne malade du Covid en mai, puis réinfectée en octobre par un variant porteur de la mutation E484K. Cette deuxième infection, plus sévère que la première, pourrait être le signe que la mutation a causé une moins bonne réponse immunitaire de la patiente.

Pour autant, rien n'indique qu'E484K suffise à rendre des variants résistants aux vaccins actuels, tempèrent les scientifiques. Des copies du virus ont été envoyées à des laboratoires dans le monde entier et des analyses sont actuellement en cours pour voir si le variant sud-africain contourne ou non la réponse immunitaire apportée par les vaccins.

"À ce stade, ils devraient tous rester efficaces"

En effet, même s'il s'avère que cette cible-là est moins bien reconnue par les anticorps, d'autres composants des variants resteront en principe à leur portée. "Même si vous baissez en efficacité, vous allez normalement toujours avoir une neutralisation du virus", indique à l'AFP Vincent Enouf, du Centre national de référence des virus respiratoires de l'Institut Pasteur à Paris. "Je ne pense pas que cette mutation soit à elle seule problématique pour les vaccins", renchérit l'immunologiste Rino Rappuoli, chercheur et responsable scientifique du géant pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK), interrogé par l'AFP.

"À ce stade, ils devraient tous rester efficaces, mais ce qui nous inquiète, c'est la perspective de futures mutations qui s'ajouteraient" à celles qu'on observe déjà, estime de son côté Ravi Gupta, professeur de microbiologie à l'Université de Cambridge, en appelant à "vacciner le plus vite possible partout dans le monde".

"Un vaccin qui imite la nouvelle mutation"

Face à l'émergence de nouveaux variants, plusieurs laboratoires ont assuré qu'ils étaient capables de fournir rapidement de nouvelles versions de leur vaccin si besoin était. Le patron de BioNTech s’est déjà montré rassurant, quant à la réponse à apporter aux variants dont le sud-africain, affirmant pouvoir recombiner son vaccin contre cette nouvelle souche ou une autre en six semaines s’il le fallait. "En principe la beauté de la technologie de l'ARN messager est que nous pouvons directement commencer à concevoir un vaccin qui imite complètement la nouvelle mutation", a ainsi souligné Ugur Sahin, co-dirigeant de BioNTech, lors d'une conférence de presse.

Dès l'émergence des premières inquiétudes autour de l'efficacité des vaccins, Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, s'était elle aussi voulue rassurante. "Dans tous les cas, il sera tout à fait possible si cette souche (ndlr : il était alors question de la variante britannique) devenait vraiment la souche la plus importante et que l'on constate que le vaccin est un peu moins efficace, de modifier la forme du vaccin pour qu'il puisse déclencher une réponse immunitaire contre ce variant là", avait-elle détaillé. Pour l'immunologiste Rino Rappuoli, il faut aller encore plus loin : "Il faut développer des vaccins et des anticorps capables de contrôler des variants émergents."

Un "suivi en condition réelle" pour être fixés

Le Pr Philippe Froguel, généticien au CHU de Lille, se veut prudent depuis plusieurs semaines, soulignant qu'il faut davantage de recul pour évaluer la résistance des vaccins face aux variantes, "car pas assez de personnes ont été vaccinées".

Pour rappel, le "suivi en conditions réelles" permet aux autorités sanitaires de réévaluer constamment le rapport bénéfice-risque des vaccins, y compris après leur mise sur le marché, grâce aux données recueillies puis transmises par les laboratoires. Quitte à remettre en cause cette autorisation le cas échant. Dans le cas du Covid-19, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) impose ainsi un rapport hebdomadaire de pharmacovigilance pour tous les vaccins qui auront été autorisés.


Audrey LE GUELLEC

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