Des lits de réanimation ont-ils été ouverts depuis le début de l'épidémie ?

Publié le 20 mars 2021 à 20h25, mis à jour le 22 mars 2021 à 15h58

Source : TF1 Info

HÔPITAUX - Le nombre de lits de réanimation a presque doublé en un an d'épidémie. De nouvelles capacités qui se sont adaptées à la situation sanitaire, mais qui ne signifient pas l'ouverture massive de nouveaux lits dans ces services hospitaliers.

Ce troisième confinement que subit une partie de la France est, pour certains, synonyme de l'aveu d'échec des autorités sanitaires. Depuis l'annonce de nouvelles restrictions ce jeudi 18 mars, internautes, élus et figures influentes martèlent que cette situation aurait pu être évitée. Pour eux, il aurait simplement fallu créer des lits de réanimation pour éviter la situation actuelle des hôpitaux français. Or, selon eux, "aucun lit" n'a été ouvert pour désengorger les établissements. Qu'en est-il réellement ? Nous avons passé cette accusation au crible. 

Un "plan de montée en charge"

Au 31 décembre 2019, il y avait très exactement 5080 lits de réanimation en France, d'après un très récent rapport de la Drees. Un chiffre qui a explosé. Ce jeudi 18 mars, il y en avait 7046, selon les informations de la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), à partir d'un relevé effectué auprès des Agences régionales de santé (ARS). Soit une augmentation de 38% des capacités du pays. Attention cependant, il s'agit là de lits "armés", comme nous le précise la DGOS. Et non pas de lits pérennes. 

De fait, face à l'épidémie, chaque région dispose désormais d'une "stratégie de montée en charge de ses capacités en réanimation", nous explique la branche du ministère de la Santé. Un "plan progressif" qui est mis en œuvre à l'échelle locale : il appartient à chaque établissement de disposer de sa propre stratégie afin d'identifier le plus rapidement possible les lits supplémentaires disponibles. Pour cela, "chaque agence régionale de santé (ARS) travaille avec les établissements publics et privés pour armer des lits de réanimation supplémentaires en fonction de l'activité" de l'établissement et de "l'évolution épidémique dans son territoire". 

Ce nombre a donc vocation à évoluer en fonction de la situation sanitaire. C'est avec cette structure d'adaptation qu'à partir du printemps dernier, le système de santé français a pu s'adapter au coronavirus. En l'espace d'un mois, il est ainsi passé de quelque 5000 lits installés à plus de 10.700 à la mi-avril. Une capacité qui a évolué avec le temps, retombant à 10.100 au 15 mai puis chutant à environ 8300 en juin. 

Des chiffres en deçà des promesses

Mais alors pourquoi ne pas pérenniser ces places ? Cela éviterait les transferts, les déprogrammations et la saturation des hôpitaux. Simplement parce qu'ouvrir des lits de réanimation suppose du matériel, des médicaments et surtout du personnel.  Ainsi, pour cinq patients, il faut deux infirmiers et un aide-soignant. Pour donner un ordre d'idée, lorsque le nombre de lits en réanimation avait doublé en avril dernier, cet effort avait mobilisé 2500 médecins et 7600 infirmiers supplémentaires selon le récent rapport de la Cour des Comptes publié le 18 mars.

Or, ce sont justement ces ressources humaines qui constituent le frein majeur à un déploiement pérenne. De nouveaux bras ne peuvent pas être créés du jour au lendemain. Pour un médecin réanimateur, il faut au moins onze ans d'études - cinq ans de médecine et six ans de spécialisation. Pour un infirmier, ça demande un an de spécialisation après ses trois années d'études. La formation des personnels est donc essentielle à la stratégie sanitaire et celle-ci prend du temps.

En attendant les nouvelles générations, face à l'urgence et pour faire face à l'afflux de patients, de nombreux professionnels ont été formés à la prise en charge du Covid-19. Des enseignements accélérés ont été proposés dans les hôpitaux. À titre d'exemple, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) organise continuellement des formations rapides qui comprennent "deux jours de théorie et une journée de soins en situation simulée". "Il aborde différentes thématiques : les spécificités de l'environnement de réanimation, les notions clefs en anatomie, physiologie et physiopathologie cardiaques et pulmonaires", nous explique le principal établissement public de santé français. Aujourd'hui en poste dans leurs services, ces soignants formés sont mobilisables dès que la situation sanitaire l'exige.

Il existe donc bien une stratégie de déploiement massif des capacités hospitalières du pays pour faire face au coronavirus. Reste que celles-ci sont tout de même en deçà des promesses faites il y a un an. Le 28 mars 2020, Olivier Véran s'était fixé comme objectif de passer à "14.000 lits" en réanimation pour faire face à l'afflux de malades. Un seuil qui n'a jamais été atteint.

Quant à  la mise en place de lits installés et équipés, en ressources humaines et en matériels, de manière pérenne, la Cour des comptes appelle le gouvernement à les multiplier. Dans son traditionnel rapport annuel, la juridiction financière a relevé le décalage inquiétant entre l'offre de lits et le vieillissement de la population française. Si le nombre de places a légèrement progressé entre 2013 et 2019 (0,17% par an), cette hausse "s'avère dix fois plus faible que celle des effectifs de personnes âgées (+ 1,7 % par an)". Dans un long chapitre destiné au sujet de la réanimation sanitaire, les sages en appellent donc à "des réformes structurelles"

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Felicia SIDERIS

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