Covid-19 : la revue médicale Prescrire défavorable au recours à la chloroquine

Publié le 20 avril 2020 à 8h37
Plaquettes de Nivaquine et Plaqueril
Plaquettes de Nivaquine et Plaqueril - Source : GERARD JULIEN / AFP

SCEPTICISME - La revue indépendante Prescrire ayant analysé des résultats de certains essais cliniques de chloroquine pour combattre le Covid-19 vient de rendre des conclusions négatives à propos de son emploi, notamment en raison des risques d’effets cardiaques.

La prescription de la chloroquine aux patients positifs au nouveau coronavirus continue de faire débat. En prévention ou en traitement de l’infection, avec ou sans l’antibiotique azithromycine, sur des malades peu symptomatiques ou sévères… L’hydroxychloroquine, un dérivé de la chloroquine moins toxique, est en effet actuellement testée à toutes les sauces contre le Covid-19.  Qu'en penser ? De l'espoir ou du scepticisme face au remède miracle loué depuis tant de semaines par le Professeur Raoult et qualifié de "don du ciel" par Donald Trump ? 

La revue indépendante Prescrire, dont les travaux font référence depuis de nombreuses années en matière d'analyse de l'efficacité des médicaments, penche pour la seconde option, venant de rendre des conclusions négatives à propos de l'emploi de la chloroquine pour le traitement du Covid-19. Comme le détaille Le Parisien, Prescrire a analysé tout d'abord un essai clinique mené à Shanghai, en Chine, sur 150 patients, comportant un "bon niveau de preuves", dont les résultats ont été rendus publics le 14 avril. La moitié des patients prenaient de l'hydroxychloroquine et "il n'a pas été démontré d'effet antiviral chez ces patients", écrit Prescrire. En revanche, le seul patient dont l'état de santé s'est aggravé faisait partie du groupe hydroxychloroquine.

S'ensuit une autre série d'essais, dont une dans quatre hôpitaux d'Île-de-France qui a comparé l'évolution de 181 patients atteints par le Covid-19 avec atteinte pulmonaire justifiant une oxygénothérapie : 84 avaient commencé à recevoir de l'hydroxychloroquine (600 mg par jour) dans les 48 premières heures de leur hospitalisation, et 97 n'en avaient pas reçu durant cette période (groupe témoin). S'il n'y a pas eu de "différence statistiquement significative" sur l'amélioration de l'état de santé des patients, davantage d'effets secondaires cardiaques sont néanmoins apparus dans le groupe qui prenait de l'hydroxychloroquine, et 9,5 % d'entre eux ont dû interrompre ce traitement pour ce motif.

Toujours selon Prescrire, les profils d'effets indésirables de l'hydroxychloroquine et de l'azithromycine font prévoir que leur association augmente les risques de troubles graves du rythme cardiaque, une hypothèse confortée par "de plus en plus de données cliniques", écrit la revue. Notamment celle d'une équipe à New York ayant étudié les données électrocardiographiques d'une série de 84 patients hospitalisés pour un covid-19 et traités par l'association hydroxychloroquine + azithromycine. "Sous traitement, un allongement de l’intervalle QT de l'électrocardiogramme dépassant 500 millisecondes a été constaté chez 11 % des patients, un seuil à partir duquel le risque d'arythmie cardiaque et de torsades de pointes est particulièrement élevé".

Des effets indésirables cardiaques graves

Les conclusions de Prescrire sont très défavorables à l'association de ces deux traitements, sur la base des résultats de différents essais cliniques, rappelant les résultats de l'enquête du centre régional de pharmacovigilance de Nice, sous l'autorité de l'Agence française du médicament (ANSM), portant plus spécifiquement sur les effets indésirables cardiovasculaires rapportés à des traitements du covid-19 : "53 cas d’effets indésirables cardiaques ont ainsi été analysés, dont 43 cas rapportés à l’hydroxychloroquine, seule ou en association (notamment avec l’azithromycine) : 7 cas de mort subites (dont 3 réanimés avec succès), une dizaine de troubles du rythme électrocardiographiques ou symptômes cardiaques à type de syncopes, et des troubles de la conduction dont des allongements de l’intervalle QT, d’évolution favorable après arrêt du traitement. L'ANSM a conclu qu'étant donné l'importance de la sous-déclaration dans un contexte de grande activité des équipes soignantes hospitalières, ces cas repérés 'constituent un signal important'".

Ainsi, selon la revue, deux conclusions s'imposent au 15 avril 2020 : "on ne connaît pas encore de traitement qui réduit le risque d'évolution vers un Covid-19 grave" et "exposer les patients à l'hydroxychloroquine et à l'azithromycine augmente le risque d'effets indésirables cardiaques graves". 

Des dizaines d'études et d'essais cliniques sont actuellement en cours à travers le monde, rien que pour l’hydroxychloroquine. À l'international comme en France, la molécule divise. Des médecins des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont signé ce vendredi 17 avril une synthèse détaillée ne montrant pas hélas d’effet bénéfique majeur de la molécule à ce stade.


La rédaction de TF1info

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