PROPAGATION - La majorité des Français appellent à rendre la vaccination obligatoire pour les soignants afin de protéger les plus vulnérables du covid-19. Seulement, le phénomène des contaminations dans les établissements de soin est à relativiser.
C'est la question cruciale du moment. Pour lutter contre la propagation du covid-19, et protéger les plus vulnérables, certains appellent à rendre la vaccination des soignants obligatoire le plus rapidement possible. Mais tout le monde n'est pas de cet avis. À l'instar de l'épidémiologiste Martin Blachier, pour qui imposer la vaccination au personnel médical est un "faux sujet", qui "ne règlera aucun problème".
Invité de LCI, l'épidémiologiste Martin Blachier a ainsi appelé à relativiser l'ampleur du phénomène en regardant les chiffres des contaminations "nosocomiales". Un terme qui désigne les contaminations contractées au cours d'un séjour dans un établissement de santé. Citant André Grimaldi, professeur émérite à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris et fondateur du collectif Inter-Hôpitaux, il assure que seules "30.000 personnes" ont attrapé le Covid-19 à l'hôpital. Au contraire, le professeur Emmanuel Hirsch, qui se positionne en faveur d'une telle obligation, a indiqué ce lundi sur notre antenne qu'il y avait eu "à peu près 90.000 infections nosocomiales en France" durant l'épidémie, citant un chiffre de la Haute autorité de Santé (HAS). Alors qu'elle est réellement l'ampleur des contaminations au sein des hôpitaux ?
Plus de 62.600 cas nosocomiaux
Interrogé sur ce chiffre, la HAS nous renvoie à une publication qui remonte au 29 avril 2021, dernière fois où elle évoque la question des contaminations nosocomiales. Elle écrivait alors qu'entre "le 1er janvier 2020 et le 11 avril 2021" le signalement de ces infections impliquait "56.576 cas dont 34.589 patients". Un chiffre quasi deux fois plus élevé que celui de Martin Blachier mais bien inférieur à celui donné par Emmanuel Hirsch. Auprès de LCI.fr, l'autorité publique indépendante note toutefois que dans cet avis, elle faisait référence "aux données de Santé publique France". "Nous ne faisons que citer leurs chiffres, nous n'avons pas de travaux dédiés sur ce sujet."
C'est effectivement l'agence sanitaire française qui a pour mission de rendre publique les signalements des "infections associées aux soins", remontés par les établissements via l'outil e-SIN. Dans son point épidémiologique du 20 mai dernier, l'agence sanitaire note ainsi qu'entre le 1er janvier 2020 - date à laquelle a été lancé ce système - et le 16 mai, 62.678 cas de covid-19 nosocomiaux ont été enregistrés. Parmi eux, 38.618 patients, 24.048 professionnels et 12 visiteurs, pour 312 décès au total. Pour donner un ordre d'idée, la semaine précédent ce rapport, près de 88.000 nouveaux cas étaient confirmés dans le pays. Soit plus que la totalité des contaminations nosocomiales.
À noter toutefois que ce chiffre est sûrement sous-évalué. Il appartient ainsi à chaque établissement de santé de faire ses propres remontées. Or, si on prend l'exemple de l'AP-HP, un cas est considéré comme nosocomial "si le patient, indemne à son admission à l'hôpital, a des signes cliniques ou biologiques de l'infection à partir du quinzième jour d'hospitalisation". La plupart des patients ne restent toutefois pas si longtemps à l'hôpital. Cet indicateur reste donc "déclaratif et ne tend pas à l'exhaustivité", comme le reconnaît l'agence sanitaire elle-même.
Alors d'où vient le chiffre des "90.000" contaminations nosocomiales donné par Emmanuel Hirsch ? Il s'agit en fait d'une autre information, concernant un tout autre sujet. Celui du nombre de professionnels de santé infectés depuis l'ouverture à la vaccination pour ce public. Ainsi, 85.137 professionnels en établissement de santé ont été infectés par le coronavirus depuis le 3 mars - un mois après l'ouverture à la vaccination - selon l'agence sanitaire. Sans pour autant qu'il ne s'agisse d'infections nosocomiales.
De plus, qui dit infection nosocomiale ne dit pas nécessairement soignant qui infecte un patient. C'est même plutôt le contraire. Dans son rapport, la Haute autorité de Santé relevait en effet que ce sont majoritairement les patients qui sont la source de l'infection dans les établissements de soin. Sur les quelques cas pour lesquels la cause de l'infection est connue, le malade est à l'origine de la moitié (58%) d'entre eux. Suivis d'un professionnel (33%) et, finalement peu d'un visiteur ou de la famille (6%).
Reste que le seul argument des infections nosocomiales ne peut servir à clore le débat sur la vaccination obligatoire pour les soignants. Comme le relevait le professeur Emmanuel Hirsch ce matin, il y a une question "éthique" qui dépasse ce seul problème. Par ailleurs, cette étape peut être cruciale pour l'immunité du pays. Dans un avis appelant à intensifier la couverture vaccinale des soignants, la Haute autorité de Santé relevait que les patients sont "d'autant plus enclins à se faire vacciner que leurs soignants les y incitent et sont eux-mêmes vaccinés".
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