Covid-19 : pourquoi les Français se font-ils moins tester ?

Publié le 23 avril 2021 à 16h02, mis à jour le 23 avril 2021 à 16h38
Un centre de dépistage installé au Havre

Un centre de dépistage installé au Havre

Source : AFP

INDICATEURS – Le taux de dépistage a chuté de 23% en une semaine, selon Santé publique France, qui invite à la prudence concernant "l’interprétation de la dynamique de l’épidémie".

À quelques jours de la première étape d'un déconfinement progressif l'épidémie ralentit-elle sur le territoire ? Avec 32.400 nouveaux cas par jour en moyenne, Santé publique France (SPF) constate dans son dernier bulletin hebdomadaire que la circulation du virus reste à un niveau élevé mais que certains indicateurs sont en baisse, comme le taux d’incidence - le nombre de nouveaux cas détectés pour 100.000 habitants sur les sept jours derniers jours. Sauf que, comme le fait savoir l’organisme, le taux de dépistage enregistre lui aussi une baisse la semaine du 12 au 18 avril par rapport à la semaine précédente, avec 23% de tests effectués en moins sur cette période. 

Une baisse... après une forte hausse

D’abord, comment se fait-il que les Français se fassent moins tester tandis que l’épidémie continue de circuler en France ? Pour Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, cela n’a rien d’alarmant. En baissant, le taux de dépistage ne ferait que retrouver son niveau d’il y a quelques semaines, avant le confinement. Le pharmacien se fonde sur le nombre de tests antigéniques réalisés en France en officine chaque semaine, que LCI a pu consulter. Si l'on exclut les tests par RT-PCR, le dépistage a ainsi beaucoup augmenté entre le 15 mars et le 4 avril (passant de 859.000 tests réalisés du 15 au 21 mars à 997.000 du 22 au 28 mars puis à 1,29 million du 29 mars au 4 avril) et est simplement redescendu ensuite : environ 860.000 tests ont été réalisés du 5 au 11 avril et 750.000 la semaine du 12 au 18 avril. "En confinement, les gens ne bougent plus et se font donc moins tester", en conclut Philippe Besset, qui préfère s’attarder sur la hausse précédemment enregistrée : "Ce sont les semaines exceptionnelles à 1,2 million de personnes, qui datent d’avant le confinement, qu’il faut expliquer". 

L’annonce d’un reconfinement national le soir du 31 mars par Emmanuel Macron y serait pour quelque chose. "Toute décision politique a une incidence sur le taux de dépistage. On l’a vu pour Noël avec une explosion du dépistage avant les fêtes. Et on le voit aujourd'hui avec la décision de l'Allemagne de dépister les transfrontaliers : les pharmacies à la frontière ne font que ça."  Cette chute peut aussi s’expliquer par la fermeture des écoles depuis trois semaines, là où l’on testait beaucoup : près de 250.000 tests étaient effectués  chaque semaine dans les établissements scolaires, avant qu’ils ne ferment, selon le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUipp-FSU). Comptabilisés dans le dépistage, ces tests manquent donc à l’appel depuis début avril.

Une baisse qui gonfle le taux de positivité

Néanmoins, Santé publique France prévient que "la diminution du taux de dépistage incite à rester prudent dans l’interprétation de la dynamique de l’épidémie". Comme l’a d’ailleurs expliqué à France 3 Gironde Sophie Larrieu, épidémiologiste chez SPF à Bordeaux, la vigilance doit être maintenue et "cette baisse du taux d'incidence est mécanique car le dépistage a baissé". Guillaume Rozier, ingénieur surveillant l’évolution de l’épidémie avec son site de modélisation Covid Tracker, constate le même phénomène. Dans une série de tweets agrémentés de graphiques, ce dernier indique que "le nombre de cas détectés baisse sensiblement sur une semaine, -20%. La moyenne quotidienne est de 31.600 cas. Mais… le dépistage baisse plus fortement. Donc le taux de positivité (rapport des cas et du dépistage) est en croissance". 

En effet, le taux de positivité, c’est-à-dire le nombre de cas positifs sur le nombre total de tests effectués, marque une hausse de 0,7 points la semaine du 12 au 18 avril, passant ainsi de 9,2% à 9,9%. "On n’avait pas observé ça lors des deux premiers confinements", note encore Guillaume Rozier. "La baisse de l’activité du virus est probablement moins forte que la baisse des cas détectés. D’ailleurs, la baisse des admissions à l’hôpital (qui reflète habituellement la dynamique des cas positifs mais avec un retard) est plus modérée : -6,5% en une semaine."

Mais ces indicateurs ne permettent pas de surveiller correctement l’évolution de l’épidémie, selon l’épidémiologiste Catherine Hill, qui assure que l’"on dépiste n’importe qui et n’importe comment". Ainsi, un indicateur permettant de refléter l’état de circulation du virus en France serait celui de "la prévalence de l’infection", d’après l’épidémiologiste. Autrement dit, celui de la proportion de la population qui serait positive un jour donné. Pour avoir un tel indicateur, il faudrait alors tester un échantillon représentatif de la population, comme ce qui a pu être fait en Angleterre par des chercheurs. 


Caroline QUEVRAIN

Tout
TF1 Info