LES VÉRIFICATEURS AVEC L'INSERM – Un message reçu par la rédaction de LCI.fr s'inquiète d'une éventuelle dangerosité des vaccins chez les personnes âgées, au prétexte que les essais cliniques n'auraient pas été réalisés sur ce public. Nous y répondons avec Cecil Czerkinsky, immunologiste et directeur de recherche à l'Inserm.
Soucieuse de lutter au quotidien contre les fausses informations, l'équipe des Vérificateurs a noué un partenariat avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Objectif : interroger les chercheurs les plus aguerris et répondre aux questions que se posent les internautes sur le coronavirus et la vaccination.
Dans cet épisode, nous traitons la question de Jacky, envoyée à l'adresse mail dédiée lesverificateurs@tf1.fr. Il s'interroge sur les essais cliniques des vaccins autorisés en France et sur l'éventualité d'un vaccin dangereux pour les plus de 75 ans chez qui "les tests n'ont pas été réalisés".
Un nombre "trop faible" de personnes âgées
Comme nous vous l'expliquions déjà dans un premier article, il est faux d'affirmer que les-personnes âgées ont été exclues des essais cliniques réalisés par les laboratoires. Ainsi, pour le candidat de Pfizer/BioNTech, à l'origine du premier vaccin mis sur le marché, un total de 7971 personnes de 55 ans et plus ont reçu une dose lors de ces essais, d'après le document des autorités américaines de contrôle des médicaments. Parmi eux, au moins un volontaire de 89 ans, le plus âgé. Pour le produit de Moderna, c'était près d'un quart de personnes de plus de 65 ans, et 4,3% de plus de 75 ans.
Seulement, s'il y a bien eu un certain nombre de personnes âgées, il est vrai que cet effectif est trop réduit pour en extraire des données exhaustives. "La proportion de personnes de plus de 75 ans a été très faible lors des essais d'efficacité en phase 3", résume Cecil Czerkinsky. Spécialiste des vaccins à l'Inserm, il relève que les pourcentages cités ci-dessus "ne permettent pas, statistiquement, de faire des conclusions". Raison pour laquelle les chercheurs, dont notre interlocuteur fait partie, considèrent que globalement, "on manque de données" pour cette tranche d'âge.
Une affirmation "tout à fait vraie pour l'ensemble des vaccins", contre le coronavirus, comme le souligne le directeur de recherche et immunologiste, et qui l'est encore plus pour le produit d'AstraZeneca. De fait, sur 11.000 volontaires, moins de 1500 avaient plus de 55 ans, dont 450 seulement plus de 70 ans. S'il corrobore le postulat initial de l'internaute qui nous a contactés, Cecil Czerkinsky écarte ses inquiétudes. Non, ce manque de données ne signifie pas pour autant que l'efficacité ou les risques pour cette population sont inconnus. D'autant plus que ce phénomène est assez classique. "C'est la même chose pour tous les vaccins", lance le chercheur.
Essais sur les plus âgés : "Un problème ethique majeur"
Réaliser des essais cliniques sur cette partie de la société poserait en effet au moins deux "problèmes majeurs". Le premier est d'ordre pratique. Pour les essais de la première et deuxième phase - qui permettent de renseigner la tolérabilité d'un candidat - les volontaires sont sélectionnés selon certains critères. Il faut être un adulte - donc majeur - "sans comorbidités, ou avec comorbidité stabilisée, et en bonne santé", explique le spécialiste. Mécaniquement, il y a moins de candidats chez les personnes les plus âgées.
Le deuxième obstacle est d'ordre "éthique". Quand bien même on considèrerait faire des essais sur des personnes vulnérables, reste le problème du groupe témoin, qui ne sera pas inoculé. Aujourd'hui, c'est la seule méthode scientifique pour prouver l'efficacité d'un produit. Or, comme nous le notions précédemment, "il faut des groupes larges, très larges", pour qu'un essai soit statistiquement exploitable."On ne peut pas assigner une grande partie de cette population, à fort risque de mortalité ou de forme critique, à un groupe placebo", relève, comme une évidence, Cecil Czerkinsky. "On ferait de ce groupe de la chair à canon !"
Mais pourquoi alors rendre accessible, et même prioritaire, le vaccin à cette tranche d'âge qui n'a pas été testée ? La réponse est simple. Ce sont eux qui en ont le plus besoin. On est ici face à un "calcul bénéfice-risque" assez classique. Résumé ainsi par Cecil Czerkinsky : "L'objectif est de proférer une immunité aussi haute que possible à ceux qui risquent de mourir du Covid-19. Même si on découvre finalement que cette protection est plus faible que dans la tranche d'âge testée dans les essais cliniques."
En pratique, la véritable évaluation de l'efficacité des vaccins pour les personnes les plus âgées débute donc avec la campagne vaccinale. De là à en faire des "cobayes", pour reprendre la terminologie des plus réfractaires ? Le mot fait sursauter notre interlocuteur. "Ceux qui parlent de cobaye oublie le risque, bien réel celui-ci, pour ceux qui ne sont pas protégés", rappelle-t-il. Face aux ravages du coronavirus dans cette population, la balance bénéfice-risque penche donc indéniablement en faveur de du vaccin. Ce que les premiers résultats sur la vaccination confirment de plus en plus.
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