Urgences hospitalières dégradées : "On espère que l'irréparable n'arrivera pas"

Publié le 17 mai 2022 à 17h20, mis à jour le 18 mai 2022 à 17h57

Source : JT 13h Semaine

Dès mercredi, les urgences de Bordeaux vont restreindre leur accès la nuit.
Partout en France, d'autres établissements de santé doivent réduire leur activité faute de personnels suffisants.
Des difficultés de recrutement qui ne sont pas liées à des bas salaires, selon le ministre de la Santé.

Si la crise sanitaire semble désormais en partie maîtrisée, les urgences hospitalières, elles, sont toujours aussi saturées. À Bordeaux mardi matin, les représentants syndicaux du CHU ont eu la mauvaise surprise d'apprendre la "régulation" de leurs services d'urgences adultes. Faute de personnels de nuit, l'hôpital Pellegrin va réguler l'afflux de patients et n'accueillera plus que les cas les plus graves. Un système qui se mettra en place de 20h à 8h dès mercredi, sans qu'une date de fin n'ait été annoncée.

Le premier site d'urgences de Nouvelle-Aquitaine connaît des tensions et c'est aussi le cas des autres hôpitaux de la région, comme à Jonzac, en Charente-Maritimes, jusqu'à Marmande, dans le Lot-et-Garonne. "Nous, on est en défaut, alors vous imaginez les autres plateformes", alerte auprès de TF1info le secrétaire général de FO du CHU de Bordeaux, Pascal Gaubert.

Des régulations et fermetures depuis l'été dernier

Le problème concerne en fait toute la France, hôpitaux de taille moyenne comme CHU, avec des régulations ou des fermetures de nuit, durant de plus ou moins longues périodes. À Bagnères-de-Bigorre, dans les Pyrénées-Atlantique, les urgences sont fermées depuis septembre 2021 de nuit et une fermeture définitive est crainte. De même, dans le Rhône, le centre hospitalier de Givors, pendant un mois en novembre dernier, puis tout le mois de mars, obligeant les patients à se reporter vers l'hôpital de Vienne ou de Lyon, également touchés par les fermetures. 

À Orléans, l'hôpital demande aux patients de ne venir, si possible, qu'en cas d'urgence vitale. Plus de 90% des infirmiers et des aides-soignants sont en arrêt maladie.

"C'est vraiment à partir de l'été 2021 qu'on a vu se multiplier la fermeture partielle des urgences un peu partout en France", observe la porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF), Emmanuelle Seris. "Avec Bordeaux, c'est d'autant plus inquiétant que c'est une ville attractive. Il y a une crise de vocation et une absence de réponses", regrette-t-elle par ailleurs.

Partout, les difficultés de recrutement se font ressentir. Pour les syndicats, la crise sanitaire aurait accéléré la dégradation des conditions de travail et les départs des soignants, sans que ceux-ci soient remplacés. Selon l'Amuf, il faudrait 25% de médecins urgentistes en plus pour pallier le manque. À Bordeaux, 250 postes sont à pourvoir d'après Pascal Gaubert, dont 150 sont des postes d'infirmiers et d'infirmières.

Je ne crois pas que ce soit un problème de salaire
Olivier Véran, ministre de la Santé

Pour autant, pour le ministre de la Santé, Olivier Véran, ce n'est pas l'attractivité du métier qui doit être mise en cause. "Je ne crois pas que ce soit un problème de salaire", déclarait-il le 12 mai dernier sur BFMTV, pointant plutôt "un problème d'organisation, de bureaucratie, de charge administrative".

"Il y a des postes, il y a des budgets, il y a de l'argent, il y a des salaires qui ont été augmentés pour recruter ces soignants", expliquait-il alors, arguant que le "Ségur de la santé" avait "amélioré les conditions de travail" avec des augmentations d'au moins 200 euros par mois, ce qui "n'est pas rien". Cela ne semble cependant pas avoir créé le choc nécessaire pour enrayer la crise de l'hôpital.

En attendant, on redoute dans les hôpitaux la période estivale qui s'annonce. Déjà, des plans blancs ont été déclenchés pour pallier l'absentéisme, permettant le report des opérations non urgentes, le rappel du personnel en congés ou encore la fermeture des services d'urgences, continuant de dégrader un peu plus les conditions de travail des soignants. 

"On espère que l'irréparable n'arrivera pas", s'inquiète Pascal Gaubert, "on va vivre au jour le jour". Pour Emmanuelle Seris, le mal est déjà fait. "On a vraiment une médecine dégradée pour un pays avec un tel niveau économique. Je crains qu'il y ait un retentissement en France sur la mortalité dans les années à venir", prévient, sombre, l'urgentiste de l'AMUF. 


Aurélie LOEK

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