ET MAINTENANT - Ce 1er mars sonnait la fin de la commercialisation par le laboratoire Pfizer de l'anti-ulcéreux détourné pour des avortements ou pour des déclenchements d'accouchements à terme, au risque de la santé de la mère et de l'enfant. Les professionnels doivent désormais recourir à des alternatives.
L'annonce avait été faite en octobre par l'agence du médicament (ANSM) : le laboratoire Pfizer a décidé de cesser de vendre le Cytotec en France. Le retrait du marché étant effectif depuis ce 1er mars, après épuisement des stocks, les médecins devront donc maintenant faire sans ce médicament commercialisé en 1987.
Initialement préconisé dans le traitement des ulcères de l'estomac, le Cytotec était détourné pour des avortements ou des déclenchements l'accouchement. Son usage intervenait même "majoritairement en gynécologie", selon l'ANSM, qui précise que l'anti-ulcéreux n'était plus guère utilisé en gastroentérologie depuis l'arrivée d'autres traitements considérés comme plus performants. Or le Cytotec, qui se prend normalement par voie orale, était administré à cette fin par voie vaginale. Une pratique risquée pour la santé de la mère et l'enfant car elle supposait d'utiliser un huitième de comprimé dosé à 200 microgrammes. Ce qui, vu sa taille (moins d'un centimètre) est pour le moins hasardeux, estime Dr Thierry Harvey, gynécologue-obstétricien.
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Les alternatives
Alors que l'agence du médicament avait déjà mis en garde, en 2013, contre les risques graves de ce "mésusage" (rupture utérine, hémorragie...), Aurélie Joux, fondatrice de l'association Timéo, avait gagné un procès en première instance fin 2016 contre l'hôpital de Poissy pour le préjudice subi par son fils "né sous Cytotec" et lourdement handicapé. Un appel a toutefois été déposé.
Afin de pallier la disparition du Cytotec, les laboratoires Nordic Pharma et Amring se sont d'ores et déjà engagés à sécuriser l'approvisionnement de MisoOne et Gymiso spécifiquement destinés à l'IVG, en augmentant le volume de leur production. L'agence du médicament a aussi autorisé de façon transitoire, dans le cadre d'une recommandation temporaire d'utilisation (RTU), ces deux médicaments pour d'autres situations : depuis le 1er mars, ils peuvent être prescrits pour l'interruption médicale de grossesse, ainsi que dans les cas de mort foetale in utero et de fausses couches spontanées pour éviter un curetage.
Un surcoût de "plusieurs millions" d'euros
Or, le Collège national des gynécologues et obstétriciens (Cngof) déplore, dans une lettre ouverte à la ministre de la Santé, que ces médicaments contenant la même molécule que le Cytotec, le misoprostol, coûtent "près de vingt fois plus cher". Un surcoût à hauteur de "plusieurs millions" d'euros pour les hôpitaux et maternités qui, selon eux, concerne environ 300.000 femmes par an (dont les IVG médicamenteuses) et plus d'un million de comprimés par an. Pour précision, un comprimé de Cytotec coûte 24 centimes d'euro contre environ 6 euros pour le Gymiso (13 euros la boîte de deux comprimés) par exemple.
"C'est quand même l'argent du contribuable !" s'indigne le Pr Philippe Deruelle, membre du Cngof. "En Asie et en Afrique, tout le monde utilise le misoprostol à des prix qui n'ont rien à voir avec ce qui est actuellement proposé en France. Il n'y a pas de raison qu'on paye aussi cher un médicament dont on sait qu'il ne coûte rien", dit-il.
S'agissant du déclenchement du travail pour un enfant viable, un médicament par voie orale au dosage adéquat (25 µg par comprimé) réclamé par les spécialistes, l'Angusta (laboratoire Azenta), attend la fixation de son prix pour être disponible.