MORTALITÉ - Dans les hôpitaux ou dans les Ehpad, des patients qui décèderaient d'autres causes que le Covid-19 seraient comptabilisés parmi les victimes du virus. Des déclarations, relayées notamment par un député, qui se révèlent erronées.
Des décès sont-ils attribués de manière abusive au Covid-19 ? C'est ce qu'a suggéré le député du Loiret Jean-Pierre Door, vice président des affaires sociales et cardiologue. Lors de l'audition d'Olivier Véran devant la commission d'enquête parlementaire sur l’impact, la gestion et les conséquences de l’épidémie de coronavirus, il a posé une question et évoqué un exemple personnel : "On a des certificats de décès que j'ai pu constater dans la mairie à laquelle j'appartiens, à savoir des personnes très âgées qui sont décédées, marquées covid-19. Or, il n'y a jamais eu de covid-19 chez ces patients", a-t-il affirmé.
Des propos qui font écho à ceux de Stéphane, infirmier en réanimation dans les Bouches-du-Rhône intervenu sur RMC. "Quand on reçoit en réanimation quelqu'un qui a par exemple une leucémie : il va décéder de la leucémie", a-t-il indiqué. "À partir du moment où il y a trace de Covid, on va dire qu'il est mort du Covid. Alors que pas du tout, pas du tout. Et des comme ça je peux vous en citer des dizaines et des dizaines. Pareil dans les Ehpad, il y a des personnes âgées qui décèdent mais pas du Covid et sont constatées Covid."
J'ai interrogé Olivier #Veran , ministre de la Santé, sur la surmortalité invisible (cancer...) qui est occultée par la #COVID19 . J’ai pu constater des certificats de décès de personnes très âgées indiquant "Covid-19", alors qu’elles ne l’ont jamais contracté. #commissiondenquete pic.twitter.com/t9vdqZGwP6 — Jean-Pierre Door (@doorjean) November 5, 2020
Les mairies n'ont pas accès à ces informations
Jean-Pierre Door a-t-il eu accès à des certificats de décès parvenus en mairie, lui qui est l'ancien édile de Montargis ? Impossible. En effet, les certificats de décès au format papier qui sont transmis à la mairie comportent des informations médicales, mais partagées sous une forme scellée, ce qui les rend inaccessibles aux services municipaux. Les seules informations consultables sont en effet d'ordre administratif. En ce qui concerne les certificats de décès électroniques, la question se pose encore moins puisque seules les informations administratives s'avèrent transmises à la mairie.
Contacté par LCI, Jean-Pierre Door confirme qu'il n'a pas eu accès à des certificats de décès : "en fait ce sont les permis d'inhumer", indique-t-il. "Je ne les ai pas vu personnellement, mais cela a été vu par le maire-adjoint lors d'une astreinte, qui a constaté l'enregistrement du décès pour une personne âgée de la ville." Cela étant dit, le député ajoute qu'il a "reçu par écrit et en tête-à-tête" des témoignages de "plusieurs personnes proches de parents décédés, étiquetés Covic-19, sans l'avoir jamais contracté". Il tient néanmoins à insister sur un autre point, mis en avant dans son intervention, et sur lequel il ne revient pas : "l'occultation de la mortalité invisible, (cœur, cancer, diabète etc.) de la mortalité du COVID 19".
Sur France Bleu, il avait déjà eu l'occasion de rectifier ses propos : "Je n'ai pas dit qu’il y avait des faux morts, jamais je n’ai dit ces mots-là", a-t-il glissé. "J’ai simplement dit au ministre que l'on avait connaissance de décès attribués au Covid-19 qui n’étaient peut-être pas du Covid-19."
Les autorités de santé ne feraient-elles pas de distinction entre les causes de décès ? C'est inexact. En effet, on observe qu'il existe une classification qui distingue les morts identifiés du Covid et ceux avec suspicion. En témoigne le dernier bulletin hebdomadaire publié par Santé publique France : on observe ainsi que sur les décès certifiés par voie électronique, il y a une catégorie "décès avec mention de Covid confirmé" et "décès avec mention de Covid sans précision". Les médecins en charge des certificats de décès ne sont pour autant pas invité à mentionner en toutes circonstances le virus comme cause de décès. Cela n'est en effet réalisé que lorsque des symptômes associés ont été diagnostiqués, et que ces derniers laissent supposer que le patient était contaminé.
Un suivi précis
En ce qui concerne la classification des décès dans les Ehpad, Olivier Véran a lui-même tenu a apporter des précisions. "En Ehpad, s’il y avait un cas Covid dans l’établissement (et donc une épidémie identifiée), et qu’un décès était suspecté comme Covid, on l’identifiait et on le reconnaissait comme Covid", a indiqué le ministre de la Santé. "On ne faisait pas de PCR post mortem. Par contre, si quelqu'un mourait d'une autre cause, d'un cancer ou d'une autre pathologie et qu'il n’y avait pas lieu de suspecter un Covid, il n’y avait pas indiqué Covid."
Parallèlement, il convient de souligner que chaque hospitalisation est répertoriée avec précision, grâce au Résumé de Passage aux Urgences (RPU), un recueil standardisé des données médicales issues des Services d'Accueil des Urgences. Il s'appuie sur une classification très précise, établie par l'OMS et qui a été mise à jour pour permettre un suivi plus fin des patients atteints du Covid-19. Le tout supervisé par l'Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (un organisme public) et Santé Publique France. Ces éléments de classification, glisse l'Inserm, sont également utilisés pour les certificats de décès.
Les établissements hospitaliers n'ont rien à a gagner à déclarer des décès supplémentaires dus au virus. Contrairement à ce qu'indiquent des fake news très relayées, ils ne touchent en effet aucune prime liée au fait de renseigner le Covid comme origine d'un décès. L'intérêt de le mentionner est néanmoins très important pour les services de pompes funèbres, qui adaptent en conséquences les procédures pour s'occuper des corps et cherchent ainsi à réduire les risques pour leurs employés.
Enfin, il faut souligner que les données relatives au décès dus au Covid se recoupent avec les estimations de l'Insee en matière de surmortalité. LCI rappelait il y a peu que pour mesurer la surmortalité liée à l'épidémie, l'organisme public préconise de "comparer les décès comptabilisés à partir du 1er mars 2020", date à laquelle le Covid-19 s'est réellement installé en France, "à ceux de 2019 ou de la moyenne 2015-2019". Une fois les bons chiffres et la bonne méthodologie, on découvre alors que la surmortalité toutes causes confondues est, à ce jour, de 32.667. Des chiffes qui se rapprochent malheureusement de ceux donnés par Santé publique France. Le jeudi 22 octobre, la France enregistrait ainsi 34.048 victimes du Covid-19.
En conclusion, on constate donc que les affirmations selon lesquelles des patients décédés auraient été classés à tort parmi des victimes du Covid-19 ne s'appuient sur aucun élément concret. Si une partie des personnes décédées n'ont pas été officiellement testées comme porteuses du virus, il est vrai qu'elles peuvent figurer parmi les victimes de l'épidémie en raison de leurs symptômes affichés. Des cas de figure que ne cache pas Santé Publique France, l'agence de santé spécifiant lorsque le virus est seulement "suspecté" d'être l'une des causes du décès.
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