INQUIÉTUDES - Les médicaments génériques sont-ils vraiment identiques à ceux qu'ils imitent ? Selon une équipe de chercheurs québécois, leur commercialisation entraînerait une hausse des hospitalisations de 8 à 20%. Pour mieux comprendre le phénomène décrit, LCI a contacté l'agence française du médicament, qui ne partage pas ces conclusions.
Au Québec, les observations d'une équipe de médecins interrogent. Y a-t-il vraiment une différence entre les médicaments originaux et leurs génériques ? Au travers de trois études différentes, menées depuis 2017, ils ont constaté à plusieurs reprises un lien entre la prise de médicaments génériques et une hausse des hospitalisations.
Les différentes recherches, conduites à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et dans lesquelles 500.000 patients ont été impliqués, se sont intéressées à cinq substances actives utilisées dans des médicaments génériques prescrits à des patients souffrant de maladies cardiovasculaires : le Losartan, le Valsartan et le Candésartan, qui régulent la tension artérielle et contrôlent l’insuffisance cardiaque, la Warfarine, un anticoagulant, et le Clopidogrel, qui prévient la formation de caillots dans le sang. En France, aucun générique contenant la molécule Warfarine n'est commercialisé.
De 8 à 20% d'hospitalisations en plus lors de la commercialisation des génériques
En comparant le nombre d'hospitalisations chez des patients âgés de plus de 66 ans avant et après la commercialisation des versions génériques des médicaments qui leur étaient prescrits, les médecins ont systématiquement observé une hausse des consultations, sauf pour le Clopidogrel.
"On a constaté une augmentation qui va de 8 % à 20 % des visites aux urgences et des hospitalisations chez les patients qui sont passés au médicament générique par rapport à ceux qui prenaient l’original", assure dans les colonnes du journal Le Devoir Jacinthe Leclerc, professeure en sciences infirmières à l’Université du Québec à Trois-Rivières et co-auteure des différentes publications sur le sujet.
Les excipients, vraiment inoffensifs ?
Si les données récoltées n'ont, pour l'heure, pas pu fournir d'explication à ce phénomène, celle qui s'exprime depuis maintenant plusieurs années dans les médias à ce sujet soupçonne les excipients, autrement dit les ingrédients inactifs, de "changer l’ampleur des effets du médicament". Car si les génériques sont conçus à partir de la même molécule que le médicament d'origine, appelé princeps, les excipients, peuvent quant à eux différer de ceux du princeps. Ceux-ci jouent un rôle dans l'absorption et la stabilité du médicament, mais aussi dans son aspect, sa couleur et son goût. Et cela peut tout changer chez certains patients.
Sur son site, l'ANSM précise effectivement : "Certains excipients sont dits 'à effets notoires' car ils présentent un risque accru de mauvaise tolérance chez des patients sensibles. L’aspartam, par exemple, est une source de phénylalanine, il est donc contre-indiqué chez les personnes souffrant de phénylcétonurie." Leur présence est signalée sur la notice et sur la boîte du médicament. Contactée par LCI, l'agence affirme cependant que ces excipients n'ont "aucun impact sur l'efficacité du médicament". Elle n'a par ailleurs enregistré, en France, "aucune remontée concernant une différence de profil de sécurité entre les médicaments d'origine et les médicaments génériques concernant les sartans [famille de médicaments dont font partie le Losartan, le Valsartan et le Candésartan, ndlr.]".
Des différences d'absorption du médicament en cause ?
Selon Jacinthe Leclerc, la marge de biodisponibilité, soit la proportion du médicament qui se retrouve dans le sang, pourrait elle aussi être une explication probable à cette hausse des hospitalisations. Au niveau international, la différence de marge de biodisponibilité entre un princeps et un générique doit être de 20% maximum pour la majorité des médicaments commercialisés. Cet intervalle a été défini, précise l'ANSM, en raison du "peu de conséquences cliniques" existantes jusqu'à avoir atteint ce seuil. Selon une analyse incluant 2.070 études de bioéquivalence soumises entre 1996 et 2007 dans des dossiers de médicaments génériques réalisée en 2009 par la Food and Drug Administration (FDA), la marge de biodisponibilité était en moyenne inférieure à 5%.
Mais pour la professeure interviewée le 7 août par Radio Canada, "un patient qui passe d'un original à un générique pourrait ressentir des effets si la version générique est absorbée plus rapidement et de façon plus importante ou moins rapidement et à une importance moindre". Pour elle, l'autorité de santé de son pays, Santé Canada, devrait abaisser cette marge maximale autorisée de 20%. L'ANSM nous assure néanmoins qu'elle n'a identifié "aucun problème de biodisponibilité ou de bioéquivalence pour les sartans".
Des résultats encore à confirmer
Si les résultats de ces études québécoises ont permis de mettre en lumière un fait intéressant, ils ne prouvent pour l'instant en rien que les génériques peuvent nuire à la santé des patients qui les utilisent. Il ne s'agit en effet que d'observations et non d'un lien de cause à effet établi. D'autres recherches seront nécessaires pour confirmer, ou non, ces résultats.
Pointer du doigt les génériques serait donc regrettable alors que ceux-ci sont produits sous contrôle très strict et permettent d'alléger grandement les dépenses de la Sécurité sociale. Dans son plan de financement 2019, celle-ci avait d'ailleurs annoncé son intention de "renforcer le recours aux génériques", qui représentent actuellement 36% des ventes en pharmacie. Il a ainsi été prévu qu'à moyen terme les assurés qui refuseront une copie d'un princeps ne seront remboursés que sur la base du prix du générique de ce même médicament.
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