Deuxième vague : le Conseil scientifique prévenait le gouvernement du risque dès le mois de juin

Publié le 28 octobre 2020 à 17h49
Deuxième vague : le Conseil scientifique prévenait le gouvernement du risque dès le mois de juin
Source : LUCAS BARIOULET / AFP

PRÉDICTIONS - Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a décrit ce mercredi 28 octobre la deuxième vague comme étant "largement inattendue". Le Conseil scientifique avait pourtant alerté depuis plusieurs mois le gouvernement et la population sur ce risque.

C'est du jamais vu. Chaque jour, la France bat des records de nouveaux cas. Si bien que désormais, il n'y a plus aucun doute, le pays fait bien face à une deuxième vague dont "le pic n'est pas encore atteint" selon la Direction générale de la Santé, et "largement inattendue", selon les propos tenus mercredi par le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. 

Si l'ampleur de cette recrudescence surprend, elle va toutefois dans le sens des multiples alertes qui n'ont cessé de retentir depuis la rentrée. Et notamment celles du Conseil scientifique. Lui qui, en plein été, était accusé d'alarmisme.

Un discours "alarmiste" devenu inaudible

Telle une Cassandre de la pandémie, le Conseil scientifique et son président n'ont cessé de diffuser le même message : il y aura une seconde vague. Et elle arrivera cet automne. Dès le 2 juin, ce groupe chargé d'éclairer le gouvernement sur les décisions à prendre appelait par exemple à "anticiper pour mieux protéger". Parmi les mesures nécessaires, le port du masque obligatoire dans "les lieux publics et les lieux confinés". Deux semaines après, le président de cette instance, Jean-François Delfraissy, rappelait dans les médias que "le risque d'une vraie deuxième vague doit être considéré". Une information martelée tout au long du mois, et jusqu'à la mi-juillet. 

Au même moment, le gouvernement décidait de rendre obligatoire le port du masque dans les lieux clos. Mais il était déjà trop tard.  On était alors le 21 juillet, quand Jean-François Delfraissy faisait savoir que la circulation du Covid-19 était redevenue importante et qu'une deuxième vague était "hautement probable à l'automne". Les chiffes n'étaient "pas bons", ils étaient "inquiétants". La vague se formait. Le spécialiste craignait que le pays ne "bascule"

Un ton grave, relativement inaudible dans l'ambiance plus détendue de la période estivale. Plusieurs voix ont d'ailleurs rabroué l'oiseau de mauvaise augure. Depuis Marseille, Didier Raoult parlait d'un "fantasme". Depuis Twitter, Bernard-Henri Lévy décrivait un homme qui "sème la panique".

Idem du côté des élus, qui préféraient rassurer la population. L'éurodéputé Yannick Jadot parlait ainsi d'un professeur qui "cherche surtout à foutre la trouille aux Français". Quand de son côté le président de région Renaud Muselier estimait que le spécialiste de l'immunologie "parle trop" en disant "beaucoup de bêtises".

Muselier sur Delfraissy : un "pompier pyromane" qui "parle beaucoup trop"Source : TF1 Info

Malgré les critiques, le Conseil scientifique a continué son travail, rendu des avis, alerté la population. Et esquissé un nouveau schéma pour lutter contre le coronavirus : celui d'un confinement par métropole. Prédisant l'arrivée d'une épidémie "plus importante" en automne, le groupe d'experts préconisait le 5 août de "prévoir, de construire, des plans de confinement partiel" dans 20 métropoles. Une stratégie qui ne sera finalement mise en place qu'à la rentrée. Au moment où la vague arrive déjà sur la France. Il est alors déjà trop tard. A la radio, Jean-François Delfraissy fait son diagnostic. Le gouvernement va "être obligé de prendre un certain nombre de décisions difficiles", dans "les huit à dix jours maximum". C'était le 9 septembre dernier. On y est désormais. 

Des réactions trop tardives ?

Le gouvernement a-t-il lui aussi sous-estimé les alertes des experts ? Quand le professeur Delfraissy sonnait l'alerte, Emmanuel Macron répondait qu'il ne fallait pas "céder à quelque panique que ce soit". Un antagonisme s'est également fait jour lors d'un Conseil de défense. Selon les révélations du Monde, le 11 septembre dernier, le ministre de la Santé, Olivier Véran, et son directeur général Jérôme Salomon, ont plaidé en faveur d'une fermeture des bars et des restaurants à Bordeaux et à Marseille. Mais le président de la République avait préféré tranché en faveur de mesures moins contraignantes, considérant qu'il "faut laisser les gens vivre".

Message repris à Matignon. Défendant sa stratégie décentralisée du confinement, le Premier ministre a répété sans cesse qu'il n'était pas question de revenir à une "logique de confinement généralisé". Alors, en plein retour de l'épidémie, on a incité les Français à "vivre avec le virus". Et même de partir en vacances. Un discours qui a, en quelques jours, radicalement changé. Comme nous vous l'expliquions ici, la réelle bascule s'est faite le jeudi 22 octobre. Jean Castex a alors, pour la première fois, évoqué l'hypothèse d'un "reconfinement". 

S'il était prévenu du risque, l'exécutif, pas plus que les scientifiques, ne s'attendait toutefois à une vague d'une telle ampleur. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a ainsi évoqué mercredi une hausse "fulgurante" des cas, "grave, importante, générale et largement inattendue". Jean-François Delfraissy a lui-même concédé être "surpris par la brutalité de ce qui est en train de se passer".


Felicia SIDERIS

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