Devenir parent change-t-il notre sensibilité aux faits divers ?

Publié le 15 février 2019 à 15h00
Devenir parent change-t-il notre sensibilité aux faits divers ?

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EMPATHIE - Lorsque un parent entend parler de faits divers et d'histoires tragiques, il se surprend à ressentir une profonde tristesse, comme si cela le touchait intimement. Est-ce que le fait d'avoir des enfants rend plus sensible au monde qui nous entoure ? Un psychologue et un psychiatre nous répondent.

"Depuis que je suis maman, certains faits divers me sont devenus insupportables. Une explication psy là-dessus ? Notre cerveau change-t-il ? Y a-t-il des faits scientifiques sur une augmentation de l’empathie après une maternité ?" Ce simple post, repéré sur Facebook, nous a mis la puce à l'oreille :  cette hyper-sensibilité face à certains événements ne toucherait-elle effectivement pas tous les parents, a fortiori quand des enfants y sont impliqués ? 

Pour le psychologue Boris Charpentier, joint par LCI, il s’agit d’un "biais attentionnel" c’est à dire qu'on reçoit l'information de manière erronée. Un penchant naturel selon lui : "la négativité, une des erreurs cognitives les plus fréquentes, nous conduit à apporter plus d’attention et de poids à ce qui ne va pas plutôt qu’à ce qui va bien". 

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Devenir parent nous change

Selon le psychologue Boris Charpentier, la violence des images auxquelles nous sommes quotidiennement exposés à travers les médias (affaires de maltraitance, de pédophilie, de meurtre) peut fragiliser et donc exacerber l'empathie  : "Si les premières victimes sont d’abord celles qui sont directement impliquées dans la situation, les images issues de l’actualité permettent elles-aussi de se construire des représentations mentales très précises des événements traumatiques ce qui peut avoir des conséquences très dommageables." Le psychiatre Jérôme Palazzolo parle d'une propension à sur-interpréter, à sur-réagir et note de son côté qu'"en tant que parent, on se projette dans l’avenir pour nos enfants", avec des questionnements inhérents à cette vision : "quel monde allons-nous leur laisser, qu’en est-il de la surpopulation, des crises économiques voire des guerres qui se profilent ?"

Lorsqu’on a des enfants, on s’aperçoit qu’on ne contrôle pas grand-chose. Cette dynamique de lâcher-prise obligatoire peut être effrayante pour certains.

Jérôme Palazzolo, psychiatre

Comme l'analyse le psychiatre, "devenir parent nous change et correspond à la perte de l’insouciance" : "Il est fréquent de voir des parents ayant eu eux-mêmes des conduites à risque à l’adolescence (consommation de cannabis voire d’autres substances, relations sexuelles multiples sans protection, alcoolisations massives…) devenir de véritables chaperons pour leurs enfants, sans doute par crainte que ces derniers ne fassent les mêmes "bêtises". Sans enfant, on se dit que tout dépend de nous globalement : on trouvera toujours de quoi manger, de quoi se loger, quitte à "galérer" un temps (partir à l’autre bout du monde et dormir dans sa voiture ne pose pas de gros problèmes quand on est seul ou même à deux); avec un ou deux enfants ça devient très compliqué..."

Et le fait de ne plus être dans l’hyper-contrôle déstabilise, ne rassure plus, explique pourquoi nous percevons tout sous un angle plus anxiogène : "Lorsqu’on a des enfants, on s’aperçoit qu’on ne contrôle pas grand-chose, et encore moins ce qui se passe hors de l’enceinte de la maison… cette dynamique de "lâcher-prise obligatoire" peut être effrayante pour certains… On aime ses enfants, fragiles et vulnérables, et l’amour nous rend anxieux : on veut leur éviter le pire !"


Romain LE VERN

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