Course au vaccin : la France a-t-elle été distancée parce qu'elle a respecté les règles ?

Publié le 23 novembre 2020 à 20h57, mis à jour le 23 novembre 2020 à 22h27

Source : TF1 Info

A LA TRAÎNE ? - La recherche française sur le vaccin avance, mais pas aussi rapidement que celle des laboratoires américains, allemands ou britanniques. La réglementation nationale en est-elle responsable ?

Dans la course planétaire aux vaccins contre le coronavirus, la France serait-elle un peu trop bonne élève ? Après les annonces retentissantes des laboratoires américains sur l'efficacité de candidats vaccins contre le Covid-19, d'aucuns se demandent où en sont les fabricants français et notamment l'Institut Pasteur. La recherche avance, mais pas aussi rapidement qu'outre-Atlantique, outre-Mache et outre-Rhin, et "il y a des raisons à cela", expliquait ce dimanche Vincent Enouf, virologue à l'Institut Pasteur sur LCI. "Moderna et Pfizer, ils ont directement passé les étapes essais sur animaux", affirme-t-il. Et en France ?

"L'Institut Pasteur a suivi un modèle normal, c'est à dire de vérification d'innocuité du virus à différents stades notamment sur les animaux et actuellement, on est en train de faire les phases 1 en fin de compte tout cela demande du temps parce que tout est fait dans le respect de la réglementation française", a-t-il ainsi détaillé. "Je n'étais pas dans les discussion initiales mais il a été décidé de suivre le protocole normal de manière à avoir un vaccin qui soit de bonne facture et surtout efficace".  

Si le vaccin français arrive en retard, est-ce à cause du respect de la réglementation ? 

L'expérimentation animale, une perte de temps ?

En mai dernier, Dr Samantha Saunders, chargée de recherche scientifique à l'association de défense des animaux PETA Royaume-Uni, s'était exprimée sur cette question de l'expérimentation animale dans la crise que nous traversons. "Expérimenter sur des animaux gaspille du temps et des ressources précieuses, deux choses dont nous manquons à l’heure actuelle", avait expliqué la vétérinaire et titulaire d'un doctorat en coronavirologie au magazine ConsoGlobe. Et de souligner : "aux États-Unis, les National Institutes of Health (NIH) qui s’occupent de la recherche médicale et biomédicale, ont décidé d‘accélérer le développement d’un éventuel vaccin en contournant une longue phase de test sur les animaux pour le tester directement chez l’humain." Pour appuyer son propos, elle avait notamment cité les statistiques des NIH selon lesquelles, "95 % des médicaments qui sont efficaces lors de tests sur les animaux échouent dans les essais sur les humains parce qu’ils sont dangereux ou inefficaces."

"La législation européenne sur l'expérimentation animale tend désormais à essayer de limiter les tests sur animaux quand c'est possible", abonde Dominique Deplanque, professeur de pharmacologie médicale et directeur du Centre d'investigation clinique du CHU de Lille. Il nuance toute de même : "Aujourd'hui quels que soient les médicaments et vaccins, l'étape animale reste importante".

"Un problème de logistique plus qu'un problème scientifique"

Rappelant que "le processus de fabrication des vaccins prend du temps",  il avance les différentes approches vaccinales pour expliquer que la recherche française puisse sembler distancée. "Ce qui a été le plus vite, ce sont les vaccins  ARN car c'est assez simple entre guillemets", explique-t-il. Et de s'en expliquer : "avec l'ARN, ce  sont les cellules du sujet qui vont faire le travail, avec un virus vecteur ou protéine recombinante, le travail est fait à l'extérieur pour schématiser." 

Dans le détail, le vaccin à ARN messager consiste à n'injecter aucune protéine virale mais un "code" qui va permettre à l'organisme de fabriquer lui-même une fraction inactive du virus et donc susciter une réaction du système immunitaire et la fabrication d'anticorps protecteurs. Les vaccins traditionnels, eux, consistent à injecter des bribes de virus inactivé ou des protéines virales pour déclencher une réaction du système immunitaire, qui va conduire à la fabrication d'anticorps spécifiques, capables de protéger la personne lorsqu'elle sera infectée par le virus. "Cela prend plus de temps, ce décalage est donc davantage un problème de logistique qu'un problème scientifique", conclut le professeur de pharmacologie médicale, qui ajoute que cela vaut aussi, "à terme concernant la production de vaccin".

La même réglementation pour tous au sein de l'UE

"Il n'y a aucune raison qu'il y ait en France des dérogations aux prérequis ou que les règles soient plus exigeantes par rapport à ce qui est imposé à l'échelon européen", tient-il en outre à souligner, insistant sur le fait que la mise sur le marché est soumise à la même réglementation au sein de l'UE.

A noter que pour accélérer cette phase d'approbation,  l'Agence européenne des médicaments (EMA) a mis sur pied une procédure accélérée, qui lui permet d'examiner les données de sécurité et d'efficacité des vaccins au fur et à mesure de leur parution, avant même qu'une demande formelle d'autorisation soit déposée par le fabricant. Oxford/AstraZeneca, Pfizer/BioNTech et Moderna sont les trois projets de vaccin soumis à cet "examen continu" qui a pour but de faire gagner un temps précieux dans le processus de validation du vaccin. A titre d'illustration, c'est grâce à lui que l'antiviral expérimental  Remdesivir avait pu obtenir son autorisation de mise sur le marché en juin.


Audrey LE GUELLEC

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