Endométriose : MyEndo'App, une appli pour mieux diagnostiquer et comprendre la maladie

par Charlotte ANGLADE
Publié le 2 juillet 2019 à 17h14

Source : JT 20h WE

APP - Deux spécialistes de l'endométriose viennent de lancer une application pour permettre un meilleur diagnostic et une meilleure prise en charge de l'endométriose. L'un deux, le chirurgien gynécologue Jean-Philippe Estrade, nous présente ce programme déjà téléchargé 1.500 fois.

Mieux connaître l'endométriose, c'est le défi que de nombreux chercheurs tentent désormais de relever. Pendant longtemps, les douleurs associées à cette maladie inflammatoire chronique ont été considérées comme psychiques ou naturelles. N'est-ce pas normal qu'une femme souffre lorsqu'elle a ses règles ? Mais depuis quelques années, les patientes, les associations et leurs porte-paroles, ainsi que certains médecins, font tout pour faire sortir l'endométriose de l'ombre. Et cela commence à porter ses fruits.

Il y a quelques mois, l'Inserm annonçait la création d'une cohorte spécifique à l'endométriose sur la plateforme de recherche collaborative ComPaRe (Communauté de Patients pour la Recherche) pour mieux cerner la maladie. Et la semaine dernière, Charles Chapron, spécialiste de cette pathologie et chercheur au sein de l'Unité Inserm de l'Institut Cochin (Paris) et Jean-Philippe Estrade, chirurgien gynécologue, ont lancé Myendo'App, une application pour venir en aide aux patientes, mais aussi enrichir les connaissances scientifiques actuelles. Jean-Philippe Estrade nous en dit un peu plus sur cette initiative, soutenue par l'association EndoFrance.

Un outil pour accélérer le diagnostic

"Depuis environ huit ans, le professeur Chapron et moi-même nous occupons de patientes atteintes d'endométriose. Il s'agit d'une maladie très fréquente et extrêmement complexe qui se heurte à un manque de coordination médicale", affirme le chirurgien gynécologue. C'est pour améliorer la situation et donc mieux diagnostiquer cette pathologie que tous deux ont créé "la première application au monde où l’on peut faire un dépistage et un pré-auto diagnostic".

Grâce à un questionnaire et à un algorithme déjà testé sur 2.500 patientes, qui s'est révélé fiable à 88%, les femmes peuvent savoir si elles ont un risque faible, intermédiaire, élevé ou très élevé d'être atteintes d'endométriose. Une aide précieuse alors que le temps de diagnostic est généralement de 6 à 12 ans. "Le problème avec cette maladie, c'est que les symptômes sont très généraux. Il n'y a d'ailleurs pas une endométriose mais des endométrioses. Chacune est différente", explique Jean-Philippe Estrade.

Des examens centralisés pour gagner en efficacité

Une fois le statut de la patiente identifié, l'application propose différentes façons d'être prise en charge. Les examens médicaux qui seront réalisés, eux, pourront est entrés dans l'application afin que la totalité du dossier médical soit centralisé. Dans une prochaine version, ces documents pourront être partagés avec les médecins que la patiente consultera, grâce à une plateforme mise en commun. Cela permettra non seulement de mieux coordonner le travail des professionnels, mais aussi de gagner du temps. "À l'heure actuelle, les patientes ne reçoivent pas toujours beaucoup de réponses lors de leurs consultations, ce qui engendre un nomadisme médical. Or, en changeant de médecin, elles perdent tout le suivi qu’elles avaient auparavant. Cette perte d’informations leur est nuisible car on recommence les examens, le traitement..."

La qualité de vie des patientes prise en compte

Les patientes sont par ailleurs invitées, sur l'application, à répondre à des questions concernant leur qualité de vie, leurs douleurs, etc. La souffrance de certaines patientes est en effet si importante que cela peut se traduire en véritable handicap, tant social que professionnel. En raison de leur état, elles s'isolent progressivement et ont du mal à conserver leur emploi en raison de récurrents arrêts. La souffrance est aussi sans conteste psychologique, à cause de ces deux facteurs, mais aussi de l'infertilité qui touche environ 30% des malades. Évaluer la souffrance de chacune grâce à des questionnaires réguliers peut donc être d'une grande aide pour mieux cerner la maladie, mais aussi pour adapter les traitements. Un médecin ayant accès aux évaluations de sa patiente pourra par exemple juger s'il peut être judicieux d'en essayer un autre.

L'espoir de l'intelligence artificielle

Toutes ces données provenant du questionnaire de diagnostic et de qualité de vie, ainsi que des examens enregistrés sont stockées sur un serveur HADS [Hébergeur Agrée de Données de Santé, ndlr.] de manière anonyme. Elles permettront dans un futur proche d'établir des statistiques, pour savoir par exemple quelle tranche d'âge est la plus touchée et dans quelles régions. Si les données sont assez nombreuses, les chercheurs espèrent également pouvoir utiliser l’intelligence artificielle pour mieux appréhender cette maladie. Une semaine après son lancement, l'application compte déjà 1.500 téléchargements.

"Beaucoup d'adolescentes consultent pour d’importantes douleurs abdominales. L'endométriose ne sera pas forcément diagnostiquée à ce moment-là, mais nous savons que ces patientes, qui souffrent beaucoup et ont un absentéisme scolaire important pour cette raison, ont un risque de développer cette maladie. Pour autant, nous sommes actuellement incapables de dire quelle patiente devra vraiment être surveillée de près pour essayer d’agir avant que l’endométriose soit importante", indique le chirurgien gynécologue. Cette surveillance permettrait pourtant  de proposer à temps, par exemple, la préservation ovocytaire pour leur donner une chance d'un jour tomber enceinte.

Pour l'instant, l'application coûte, dès lors que la patiente veut remplir le questionnaire diagnostic et enregistrer ses examens, 9€99. Un prix qui s'explique par le seul investissement des deux médecins. "Nous n'avons pas de laboratoire qui nous finance. Nous sommes totalement indépendants", nous informe le gynécologue.


Charlotte ANGLADE

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