MIROIR DÉFORMANT - Avouez-le, il vous arrive parfois de ne pas supporter tel ou tel trait de caractère chez vos parents, vos amis ou encore votre conjoint(e). Mais ce qui agace tant chez les autres n'est-il pas au fond un reflet de vos propres travers ? Une psychologue, un psychiatre et un sexologue répondent à cette question existentielle.
"Dis-moi ce qui t'énerves, je te dirai qui tu es". Définitivement, vous ne supportez pas l'impatience de votre conjoint, le manque d'empathie de votre père, l'exubérance forcenée de votre mère, l’égoïsme de votre sœur... Des défauts que vous percevez très, voire trop, bien chez les autres et pour cause... Comme le veut la fameuse loi du miroir réfléchissant, ce que nous reprochons aux autres pourrait bien être, le plus souvent, ce que nous nous reprochons à nous-mêmes, afin de ne pas admettre nos propres faiblesses.
Une piste que confirme le psychiatre Jérôme Palazzolo, contacté par LCI : "On peut pointer chez l’autre un défaut que l’on cherche soi-même à cacher, un défaut que l’on connait bien, qui nous est familier. On en connait les conséquences, et dans certaines situations, on peut même anticiper à tort ou à raison la manière dont les choses vont évoluer, comme par exemple un parent grand fêtard très immature ayant loupé tous ses examens et voyant sa fille sortir régulièrement en négligeant ses études." Une réaction propre au schéma cognitif, lorsque les croyances de base, élaborées à partir des expériences vécues tout au long de la vie, constituent la compréhension qu'a un individu de lui-même, des autres et du monde en général.
On aime l’autre avec ses défauts, et pas malgré ses défauts
Jérôme Palazollo, psychiatre
La psychologue Laurie Hawkes, également contactée par LCI, cite, elle, pour commencer la parabole biblique de la paille et de la poutre sur l'hypocrisie consistant à relever les petits défauts de son prochain sans amender ses propres travers : "La "paille" que l’on voit dans l’œil de l’autre peut être comprise comme le reflet de la "poutre" que l’on a dans son propre œil, remarque-t-elle. Avant d'aller plus loin encore dans son raisonnement : "Cette manière d'épingler ce qui ne va pas chez l'autre se révèle un exemple du mécanisme de projection : ce que je ne supporte pas chez moi, je m’aveugle au fait de l’avoir, je ne le vois que chez l’autre."
Si bien que ce que l'on perçoit chez son pire ennemi pourrait bien être au final ce qui nous affecte intimement : "Prenons l'exemple d'une personne abhorrant le président Trump à cause de sa façon de traiter les femmes ou les personnes vulnérables, à cause de sa façon folle de déformer la réalité, d’accuser les autres de faire des "fake news" quand c’est lui qui est en train de dire n’importe quoi... Et, tout en énumérant les défauts du président des Etats-Unis, cette même personne peut avoir certains de ces aspects, sans en être consciente, même de façon mineure. On peut ainsi vraiment détester certains comportements humains, sans forcément les présenter soi-même. Comme ces hommes "biens" qui détestent la violence de certains hommes et qui, peut-être, ont une violence enfouie et détestent au fond ce qu'ils pourraient devenir. Autrement, il nous arrive souvent de voir des vantards trouvant que d’aucuns se vantent beaucoup ou des radins jugeant la radinerie d’autrui."
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Et dans le couple, même effet-miroir ?
Et le couple dans tout ça ? Cette manie consistant à se focaliser sur les défauts de l'autre - et donc à voir en l'autre, comme en amitié ou en famille, touche-t-elle également la sphère amoureuse ? Est-ce réellement la même dialectique en dépit du contrat tacite consistant à apprendre à accepter et à composer avec la personnalité de l'autre ? Le sexologue Patrick Papazian considère que, dans le cadre amoureux, ce qui agace chez l’autre est effectivement plus complexe que le simple effet miroir par rapport à soi : "Déjà, il y a ce mouvement perpétuel de l’altérité à la fusion : nous voulons que le conjoint ou la conjointe soit semblable à nous, aussi rationnel que nous, aussi rêveur que nous… et les défauts rappelant que l’autre est un autre viennent nous déranger dans cette volonté profonde de fusion. Donc, non, ce n’est pas le même réflexe qu’en amitié ou qu’avec nos parents."
D'après le sexologue, les défauts du conjoint ou de la conjointe, qui sont des différences de fonctionnement entre les deux membres du couple, vont en réalité pointer du doigts nos propres excès : "Prenons l’exemple d’une personne très anxieuse de nature. Elle peut parfois interpréter la "coolitude" de l'autre comme un défaut d'insouciance,voire d'inconscience. Ce genre de dysfonctionnement renvoie à la volonté de lâcher prise qui est impossible chez l'un des deux." En d'autres termes, il y a bien des phénomènes miroir directs comme le fait de voir chez ses parents des défauts que l’on ne veut pas reproduire adultes mais, en matière amoureuse, ces enjeux sont inversés tant "les différences de l’autre renvoient aux propres excès et rappellent que l’autre… n’est pas soi, ce qui peut venir chahuter le désir fusionnel conscient ou inconscient", conclut auprès de LCI le sexologue. D'autant que, comme le souligne Jérôme Palazzolo, "on aime l’autre avec ses défauts, et pas malgré ses défauts".