Face aux variants du Covid, généraliser les masques FFP2 "n'a pas de sens"

Publié le 19 janvier 2021 à 20h36
La Bavière a rendu obligatoire le port du masque FFP2 dans les transports et les magasins pour lutter contre l'expansion des variants du coronavirus.
La Bavière a rendu obligatoire le port du masque FFP2 dans les transports et les magasins pour lutter contre l'expansion des variants du coronavirus. - Source : INA FASSBENDER / AFP

INTERVIEW – Certains masques en tissu sont désormais déconseillés par les autorités de santé. Faut-il pour autant généraliser les masques FFP2, les plus filtrants ? L’épidémiologiste Yves Coppieters n'est pas convaincu.

Les masques traditionnels, cousus par nos soins, sont-ils obsolètes ? Face à l’arrivée de nouveaux variants plus contagieux, dont celui provenant d’Angleterre, la question se pose.. et inquiète. Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) déconseille désormais l’usage des masques en tissu faits-maison ainsi que ceux répondant aux normes les moins filtrantes (AFNOR de catégorie 2.)

Pour autant, le ministre de la Santé ne prévoit pas de revoir ses recommandations sur les masques à privilégier. "Restent valides tous les masques dont le pouvoir filtrant est supérieur à 90 % : c’est le cas de la quasi-totalité des masques industriels grand public", assure Olivier Véran. Masques en tissu, masques FFP2, usage chez les enfants… Yves Coppieters, épidémiologiste et docteur en santé publique à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) répond à nos questions sur le bon port du masque.

Avec ces nouveaux variants, faut-il s’inquiéter d’une éventuelle inefficacité des masques en tissu ?

Il faut apporter de la nuance et distinguer la qualité des masques en tissu. Certains masques en tissu ont des filtres qui peuvent être changés et qui atteignent une capacité de filtration de 80 à 90%. Les masques qui ont un mauvais niveau de filtration, de l’ordre de 50 à 60%, sont insuffisants face à ce type de variants. Pas parce que le virus est différent mais parce qu’un masque perd en efficacité quand il n’est pas changé.

Face à l’inconnue des virus mutants, ça parait raisonnable d’envisager des mesures plus fortes dans des situations à fort risque, comme dans les transports en commun. Dans les maisons de retraite en Belgique, les visites se font beaucoup avec des masques FFP2. C’est la même chose dans les hôpitaux. Ce n’est pas obligatoire mais c’est dans la pratique depuis longtemps. 

Mettre un masque FFP2 est une restriction supérieure, au même titre que fermer les écoles

Justement, le masque FFP2 doit-il être plus utilisé ? La Bavière a par exemple rendu son usage obligatoire dans les magasins et les transports en commun. 

Tout dépend des stocks au niveau national. Mais vu la rapidité de propagation des souches mutantes, en tout cas la souche britannique, il ne faut pas trop attendre. Il faut être assez radical dans les mesures. À l’heure actuelle, les stocks en masques chirurgicaux et FFP2 sont assez fournis. On pourrait donc se permettre d’augmenter la protection en utilisant ces masques. Mettre un masque FFP2 est une restriction supérieure, au même titre que fermer les écoles ou empêcher la circulation des gens de manière importante. 

En revanche, ce n’est pas intéressant de le rendre obligatoire ou de le généraliser : il faut le préconiser dans les milieux à risque. Généraliser une mesure n’a pas de sens, ça doit se faire en fonction de l’épidémiologie locale. Il faut avoir un effet loupe, regarder les réalités locales. Pour garder l’épidémie sous contrôle, comme c’est le cas en France ou en Belgique, il faut prendre des mesures localisées. Il faut donner beaucoup plus d’autonomie aux pouvoirs locaux. Ça peut aller un cran plus loin sur le type de masque à utiliser dans les transports en commun. Encore faut-il bien le porter, mais c’est autre chose… 

Malgré des mois de pandémie, le masque n'est pas toujours bien porté...

C'est pour cela que l’arrivée de ces variants doit être l’occasion de revenir aux fondamentaux des gestes barrières. Il faut refaire de la pédagogie. Outre le bon port du masque, la distance de sécurité est très efficace. Si on ajoute l’hygiène des mains, on est quasiment protégé. Il faut aussi rappeler que la vigilance doit être optimale : dans les supermarchés, par exemple, on assiste à une lassitude et un vrai relâchement. 

Selon vous, est-il efficace de superposer un masque chirurgical et un masque en tissu ?

Il faut se demander quel est le gain de cette superposition. En réalité, elle est assez classique dans les milieux hospitaliers. Si c’est supportable, c’est quelque chose qui peut être tout à fait envisagé.

Le Haut conseil de santé publique recommande le port du masque dès l’âge de 6 ans. Qu’en pensez-vous ? 

Je n’y suis pas favorable car on ne l’a pas fait avec les souches classiques. Or, les enfants contribuent de la même manière à la contamination, ils ne sont pas plus contagieux avec le variant anglais. Même si on l’a cru à un moment, il n’y a pas d’effet amplificateur chez les enfants. Sur un plan sanitaire, la situation ne change donc pas. C’est vrai qu’on pourrait l’imposer, mais je me sens incompétent pour répondre : c’est plutôt le ressort de psychologues ou de pédopsychiatres, car cela relève presque de la psychologie. 


Caroline QUEVRAIN

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