À LA LOUPE - Une étude scientifique portant sur le propianate, un additif alimentaire, fait bondir de nombreux Français. Utilisé pour limiter le développement de moisissures, il favoriserait l'obésité et le diabète. Coup dur pour la gastronomie française, cet additif autorisé en France serait notamment présent dans notre traditionnelle baguette. A La Loupe a taché d'en savoir plus.
Depuis quelques jours, plusieurs médias alertent sur des risques potentiels à manger des baguettes de pain. "Elles contiennent du propionate et favorisent le diabète", titre Medisite. "La baguette responsable du diabète et de l'obésité ?" s'interroge Doctissimo. D'où vient cette information ? Ces articles s'appuient sur une étude scientifique publiée le 24 avril dans dans le magazine Science Translational Medicine.
Les chercheurs, issus d'instituts et universités israéliennes et américaines dont l’Ecole de santé publique Chan School de Harvard, se sont intéressés aux causes du diabète, une maladie dont souffrent 415 millions de personnes à travers le monde, selon la fédération international du diabète. Un nombre impressionnant qui devrait malheureusement encore croître : on estime que le taux d'incidence pourrait augmenter de 50% d'ici 2040, faisant du diabète l'une des plus grande menaces de santé publique. Pour les auteurs de l'étude, cette croissance exponentielle ne peut s'expliquer uniquement par la génétique, des facteurs environnementaux et diététiques doivent aussi être à l'origine du problème mais les recherches scientifiques sur le sujet manquent. Leur recherche s'est donc porté sur un additif alimentaire, le propionate que l'on retrouve en Europe dans les conservateurs E280, E281, E282 et E283 (selon le classement européen, les additifs portent la mention E suivie d’un numéro d’identification, 100 pour les colorants, 200 pour les conservateurs, 300 pour les agents anti-oxygène et 400 pour les agents de texture).
Le propianate favorise le diabète et l'obésité, selon cette étude
Tout d'abord que nous dit cette étude ? Des tests ont été réalisés dans un premier temps sur des souris. L'administration de l'additif a conduit à une augmentation de productions d'hormones, dont le glucagon, la noradrénaline et la protéine FABP4 (fatty acid-binding protein 4) qui ont conduit à une production supplémentaire de glucose et à une hyperglycémie, un trait caractéristique du diabète. En administrant des doses de propionate équivalente à la quantité habituellement consommée par les humains, les souris prenaient du poids et développaient une résistance à l'insuline.
Pour savoir si ces résultats étaient applicables à l'humain, les chercheurs ont réalisé un essai sur 14 patients en bonne santé. Un groupe a reçu un repas contenant un gramme de propionate de calcium ou E282, tandis que l'autre groupe recevait un repas contenant un placebo. Des échantillons de sang ont été prélevés avant le repas, 15 minutes après, puis toutes les 30 minutes pendant 4 heures. Résultat : les personnes ayant mangé le repas avec propionate présentaient des augmentations de noradrénaline, de glucagon et de FABP4 après le repas, autrement dit des hormones qui provoquent une hausse de glucose dans le sang. Les chercheurs en ont donc conclu que le propianate augmentaient, comme chez les souris, le risque de diabète et d'obésité chez les humains.
Pas de propianate dans le pain frais
Passée la démonstration scientifique, que viennent faire les baguettes dans cette histoire ? L'additif, un anti-moisissure autorisé en France, est utilisé dans différents produits et principalement dans le pain. L'association Open Food Facts, qui répertorie les différents composants de produits alimentaires, liste ainsi des centaines de produits industriels comptant du propianate, ici à titre d'exemple ceux contenant du E281, là du E282. Tortillas, pain de mie, gaufres, cakes aux fruits, croque-monsieur, tout y passe. "Plus les temps de conservation sont longs, plus il y a de chances que ces additifs soient utilisés", analyse pour LCI Gérard Brochoire, conseiller technique à la confédération nationale de la boulangerie française.
Pour autant, il estime que montrer du doigt la baguette serait aller vite en besogne. "Cela ne concerne pas le pain frais, pour une raison évidente : il faut une semaine pour que les moisissures apparaissent or le pain frais est consommé sous 48 heures maximum, les boulangers n'ont aucun intérêt à y ajouter cet additif". Il n'en est pas de même pour les produits industriels.
La baguette de tradition, seul pain obligatoirement exempt d'additifs
Cela ne signifie pas que tous les pains et gâteaux vendus en boulangerie sont exempts d'additifs. Un seul produit l'est obligatoirement : le pain ou la baguette "de tradition française". Sa fabrication, et notamment les ingrédients qui peuvent être utilisés, sont encadrés par le décret du 13 septembre 1993. Sont autorisés : la farine, le sel, l'eau, la levure ou le levain, ainsi que cinq 'adjuvants naturels' (farine de fèves, de soja et de malt de blé, gluten et levure désactivée), et un auxiliaire technologique : l'amylase fongique.
Pour les autres baguettes blanches, quatorze addictifs sont autorisés (le propionate n'en fait cependant pas partie). Et pour les autres types de pain - pâtisseries et viennoiseries - le nombre d'additifs autorisés atteint cette fois la centaine. Or, le pain étant vendu en vrac, il n'est pas soumis à l'étiquetage, difficile donc de s'y retrouver. A titre d'information, une enquête de 60 millions de consommateurs, publié en février dernier, souligne que l'on retrouve des d'additifs, en quantité "bien plus élevée" dans les pains spéciaux.
Dernier conseil, pour s'assurer de trouver du pain "maison", tournez-vous vers les établissements portant distinctement le nom de boulangerie. Pour afficher cette appellation, le pain doit être fabriqué sur place, du pétrissage à la cuisson. Y sont donc bannis : les pains et baguettes décongelés. Cela n'est pas garant d'un pain sans additif - sauf pour le pain de tradition - mais cela jouera forcément sur la qualité gustative.
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