FILTERGATE - Le Comité national contre le tabagisme accuse les quatre grands fabricants de cigarettes de tricher sur les taux de goudrons et de nicotine grâce à de minuscules trous dans les filtres. Une plainte a été déposée fin janvier.
Après le "dieselgate", voici le "filtergate". Le Comité national contre le tabagisme (CNCT) a porté plainte pour mise en danger délibérée d'autrui contre quatre cigarettiers, qu'il accuse de tromper sciemment les fumeurs sur les doses de nicotine et de goudrons auxquelles ils s'exposent. Cette plainte a été déposée le 24 janvier auprès du parquet de Paris contre les branches françaises de British American Tobacco, Philip Morris, Japan Tobacco et Imperial Brands.
Le CNCT accuse précisément les fabricants de tromper les autorités sanitaires en falsifiant les mesures en laboratoire des taux de goudrons, de nicotine et de monoxyde de carbone, grâce à des micro-perforations pratiquées dans les filtres des cigarettes. Ces micro-orifices ventilent la fumée lors des tests mécanisés mais sont largement obturés lors d'une consommation normale par les fumeurs, ce qui augmente alors la concentration des substances nocives, fait valoir le CNCT sur la base de deux études américaines.
Selon le CNCT, "un fumeur qui pense fumer un paquet par jour en fume, en fait, l'équivalent de deux à dix". "Nous voulons attirer l'attention sur le fait que cette industrie est vraiment délinquante", a déclaré le président du CNCT, le professeur Yves Martinet. "On a des éléments de preuve importants et une expertise démontrera la justesse de nos allégations", poursuit l’avocat du comité Me Kopp.
"Que les fumeurs soient le plus drogués possible"
Le comité évoque un "filtergate", en écho au scandale du "dieselgate", la manipulation des émissions polluantes des moteurs de voitures, qui a éclaboussé des constructeurs automobiles, dont Volkswagen, depuis 2015. Selon le Pr Martinet, des documents internes à l'industrie du tabac montrent que l'objectif des quatre "majors" est bien, depuis des dizaines d'années, de tromper délibérément fumeurs et laboratoires.
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Le CNCT cite dans un communiqué un mémo de 1984, émanant de la British American Tobacco, dans lequel on peut lire : "En dehors de toute considération éthique, nous devrions développer des modèles différents, qui ne suscitent pas la critique et donnent au fumeur des doses supérieures (de nicotine)". Pour le Pr Martinet, "ce qui intéresse les industriels, c'est que les fumeurs soient le plus drogués possible pour qu'ils retournent acheter leur paquet de cigarettes". "A partir du moment où on renforce le pouvoir addictif, ce sont des centaines de milliers de fumeurs qui auraient peut-être cessé de fumer mais qui n'y arrivent pas", a-t-il ajouté.
"Ce sont des fabricants qui trompent régulateurs et fumeurs avec pour conséquences des maladies et des morts en plus", renchérit Me Kopp. Selon l'avocat, deux autres plaintes du même ordre ont été déposées contre les quatre cigarettiers, l'une aux Pays-Bas l'automne dernier et la deuxième en Suisse.
Communication minimale des cigarettiers
Les quatre cigarretiers incriminés ont rapidement réagi. "En France, nous déclarons chaque année l'ensemble des ingrédients de nos produits auprès du ministère de la Santé. Les teneurs en goudron, nicotine et monoxyde de carbone sont analysées plusieurs fois par an par le Laboratoire national de métrologie et d'essais, agréé par le ministère de la Santé, afin de s'assurer de leur conformité à la réglementation en vigueur", indique Japan Tobacco International dans un communiqué.
Dans une déclaration transmise à Reuters, Philip Morris France assure que ses activités respectent les cadres réglementaires français et européens. "Comme nous n'avons reçu aucune notification officielle et que nous n'avons pas eu l'occasion de voir le contenu des allégations, il ne serait pas approprié pour nous de spéculer davantage sur le sujet à ce stade", est-il précisé.
British American Tobacco a dit n'avoir reçu aucune information formelle au sujet de cette plainte et rappelé suivre "strictement les standards ISO 8243 de la Commission européenne qui précise les teneurs en goudron, nicotine et monoxyde de carbone". Enfin, la filiale française d'Imperial, Seita, n'a pas souhaité "commenter cette procédure pour le moment, dans la mesure où nous n'avons pas reçu notification de la plainte" et mais tient à souligner qu’elle respecte les normes européennes.