MORT DE RIRE - Dans "Joker", en salles ce mercredi, l’ennemi de Batman joué par Joaquin Phoenix arbore un faciès tragi-comique que l'on regarde passer par toutes les facettes du rire... qui sont un peu les nôtres. Qu'il soit franc, forcé ou nerveux, que racontent nos rires ? Un psychologue nous éclaire.
Transfiguré par Joaquin Phoenix dans le film éponyme en salles ce mercredi, Joker prend les atours d'une "origin story" se focalisant sur l’histoire de l’homme avant qu’il ne devienne un monstre. En l’occurrence Arthur Fleck, un comédien de stand-up raté, méprisé par la société, qui va devenir l’un des personnages les plus emblématiques de l’univers de DC Comics et faire de son sourire forcé un masque de souffrance.
Ce Joker s'est peut-être souvenu de la fameuse phrase de Rabelais : "Le sourire est le propre de l’homme". Le rire est en effet ce qui nous rend humains. Le psychologue Sébastien Garnero, contacté par LCI, y voit une manifestation et une expression positives de la sociabilité : "Il apparaît comme un indicateur positif de notre bonheur, du plaisir partagé. C'est un vecteur essentiel de la communication infra et paraverbale. Regardez, sur le plan développemental, le sourire, les rires du bébé vers 3 à 4 mois font partie des premiers organisateurs sociaux de l’installation du lien mère-enfant et des premiers jeux relationnels". "Ce qui est beau, poursuit-il, c'est que le rire est particulièrement communicatif et peut faire chaîne parfois, voire créer une forme d’hystérie collective bien connue et relatée dans certains récits d’anthropologues." En somme, le sourire permet d'entrer en interaction avec les autres.
Le "rire nerveux", une "décharge émotionnelle face à la tension"
A contrario, relève le psychologue, le rire peut aussi s'avérer moqueur, humiliant : "Un rire mauvais peut participer à la mise à l’écart, à l’exclusion de l’autre dans sa différence, le renvoyant à un être non conforme, l’invalidant d’un point de vue social." C'est toute l’ambivalence des rires : qu’ils soient francs ou forcés, involontaires ou nerveux, ils peuvent surgir au bon comme au mauvais moment. "On connaît depuis maintenant de nombreuses années la valeur thérapeutique du rire et de l’humour comme mécanismes de dégagement face à des situations parfois difficiles, tendues, ou pour prendre de la distance face à certains événements potentiellement traumatiques de la vie", note Sébastien Garnero. "Ainsi, le 'rire nerveux' et le 'fou rire' fonctionnent dans la vie quotidienne comme l'expression d’une décharge émotionnelle face à une situation de tension, de frustration, d’inconfort. Comme un rire incongru lors d’un enterrement, d’un examen, d’une audition..."
On peut aussi être malade de son propre rire. Dans une interview relayée par IndieWire, l'acteur Joaquin Phoenix s'est confié sur la technique qu'il a utilisée pour s'approprier le mythique rire du dément Joker : "J'ai regardé des vidéos de personnes souffrant de rires pathologiques, un désordre neurologique qui rend le mimétisme incontrôlable". Une maladie méconnue qui cause des rires comme des pleurs involontaires, généralement accompagnés de spasmes, se déclenchant de manière inopinée et imprévue. Dans "Joker", on voit ainsi le protagoniste se développer petit à petit comme quelqu’un de schizophrène : "Les rires et les pleurs deviennent immotivés dans les troubles schizophréniques, commente Sébastien Garnéro. Un symptôme de discordance affective où le sujet dissocie sa mimique et son rire du contexte émotionnel. On assiste alors à une désynchronisation des affects et de leurs expressions mimiques, faciales et sonores, soit l’exemple typique du schizophrène riant dans un contexte neutre ou sans rapport avec la situation."
"Goethe avait raison, conclut notre psychologue, de dire que 'le rire et les pleurs sont cousins' : c’est un fait aujourd’hui confirmé en neurosciences au travers d’études en imagerie cérébrale. Les rires et les pleurs ont beau être opposés, ils sont pourtant reliés dans des zones cérébrales communes et peuvent être combinées dans la vie de tous les jours chez des personnes hypersensibles sur le plan affectif, voire dans des formes pathologiques comme dans les troubles bipolaires, maniaco-dépressifs."
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