Douleurs, acné et libido en berne : deux jeunes femmes racontent leurs souffrances contraceptives

par Charlotte ANGLADE
Publié le 17 avril 2019 à 10h43, mis à jour le 17 avril 2019 à 14h19

Source : JT 20h Semaine

FIN D'UN TABOU - Grâce au hashtag #PayeTaContraception, lancé début avril par la journaliste et féministe Sabrina Debusquat, des femmes dénoncent les effets indésirables de leur moyen de contraception et la manque d'écoute des gynécologues. Selon nos informations, une pétition devrait prochainement être lancée. Une volonté de changement partagée par deux jeunes femmes, Amandine et Marine, que nous avons interviewées.

"J'ai fini deux fois à l'hôpital à cause de mon stérilet", "cinq ans d'enfer sous pilule"... Depuis début avril sur les réseaux sociaux, des femmes prennent la parole pour dénoncer les effets secondaires de leur moyen de contraception. Ce mouvement, c'est Sabrina Debusquat, déjà autrice de J'arrête la pilule, qui l'a initié en lançant le même jour le hashtag #PayeTaContraception et en signant une tribune parue dans Libération, intitulée "Marre de souffrir pour notre contraception !". Face au succès de ces actions, elle nous fait part de son intention de lancer, avec les autres signataires de son texte, une pétition. "Il y a tellement de femmes qui nous ont dit qu’elles voulaient signer la tribune pour montrer qu’elles soutenaient cette demande qu'on a décidé de lancer une pétition dans les jours à venir sur Change.org. On va bien voir l’ampleur que ça prendra....", nous dit Sabrina Debusquat.

Cette journaliste et féministe enquête sur la problématique des effets secondaires de la contraception depuis plusieurs années déjà. En 2017, elle avait mené un an d'enquête sur la pilule et avait réalisé en parallèle un sondage auprès de plus de 3600 femmes sous pilule : 70% déclaraient avoir subi des effets secondaires négatifs. Sabrina Debusquat reçoit désormais des milliers de messages de femmes qui ne font que la conforter dans sa bataille. "Que voulez-vous répondre à une femme de 55 ans qui vous dit que sa fille de 17 ans est décédée d’une embolie pulmonaire à cause de sa pilule ? Le fait de recevoir tous ces témoignages ne peut que me pousser à mener ce combat dans lequel la féministe en moi a pris le dessus pour agir. Parce qu’en attendant, il y a des femmes qui meurent, qui souffrent, qui subissent des IVG, qui n’ont plus de libido pendant des années… Ça me rend triste et j’aimerais que cela puisse changer", soutient-elle. Après un appel à témoignages lancé de notre côté, nous avons recueilli les histoires d'Amandine, 34 ans, et Marine, 28 ans.

Je lui faisais part de mes douleurs mais la seule chose qu'elle faisait, c'était de me rédiger une ordonnance pour du paracétamol, du Spasfon et toujours la même pilule.
Amandine

"J'ai commencé la contraception à 18 ans, au moment de mon premier copain sérieux", débute Amandine. Refusant d'aller voir le gynécologue de sa mère, la jeune fille s'adresse à celle de son université. "Elle m'a prescrit directement ma première pilule, que j'ai prise pendant longtemps." Malgré tout, ce contraceptif ne lui convient pas puisqu'elle conserve d'importantes douleurs lors de ses règles, qui l'obligent souvent à garder le lit avec une bouillotte. Sa libido, elle, est en berne. "Je lui faisais part de mes douleurs mais la seule chose qu'elle faisait, c'était de me rédiger une ordonnance pour du paracétamol, du Spasfon, et toujours la même pilule. C'était la même chose à chaque rendez-vous."

La jeune fille parvient finalement à convaincre sa gynécologue et à changer de pilule, en mettant en avant un motif dont elle ne se rappelle aujourd'hui plus. "Mais je me souviens parfaitement des douleurs dues aux sécheresses vaginales lors des rapports, qui sont apparues d'un coup, sans que je fasse le lien avec la nouvelle pilule tout de suite. Il aura fallu quelques mois pour que je retourne voir la gynéco et qu'on change de traitement."

La seule fois où j'ai envisagé l'implant, ma gynéco m'a répondu qu'elle ne le prescrivait qu'aux femmes trisomiques.
Amandine

La troisième pilule sera tout autant un fiasco. Amandine subit de brutaux changements d'humeur, "jusqu'à pleurer, un jour, parce qu'il n'y avait plus de sucre à la maison". La seule fois où elle aborde la possibilité d'un implant, la jeune fille se voit répondre qu'il n'est prescrit dans ce cabinet qu'aux femmes trisomiques, "puisqu'elles sont moins à même de prendre une pilule à la bonne heure chaque jour". Sa gynécologue et elle s'accordent finalement sur une autre pilule, qui parvient à apaiser ses douleurs menstruelles avec l'aide, toujours, d'antidouleurs. 

Il y a 4 ans, étant célibataire depuis de nombreux mois, Amandine décide d'arrêter sa pilule. "Et là, révélation : mes cycles étaient toujours réguliers avec, au début, des douleurs vraiment supportables. L'acné avait disparu et je pouvais même savoir de quel côté j'ovulais ! J'avais oublié mon propre corps pendant si longtemps...", s'enthousiasme la jeune femme. Malgré tout, les douleurs finissent par revenir et la remplaçante de sa gynécologue, partie à la retraite, lui prescrit une pilule visant à la mettre "en ménopause fictive". "Bref, j'ai 34 ans désormais et je compte continuer à prendre la pilule qui m'aidera à ne pas souffrir tous les 32 jours. Sauf si, par miracle, quelqu'un me proposait une autre solution..."

À 27 ans, j'étais complexée comme une ado de 12 ans en pleine crise d'acné.
Marine

Marine, elle, a également commencé à prendre la pilule à 18 ans. Elle en a aujourd'hui 28 et regarde son passé contraceptif avec amertume. "Trois ans après avoir commencé la pilule, je n'arrivais plus à l'avaler. J'avais des haut-le-cœur, ça m’écœurait", se souvient-elle. Elle passe alors au patch contraceptif, une sorte de timbre à coller sur la peau et chargé de diffuser des hormones. Mais à cause de problèmes familiaux, la jeune femme a "la tête ailleurs" et oublie de mettre un nouveau patch après ses règles. "Et voilà un beau bébé 9 mois après !"

Marine se voit ensuite prescrire une autre pilule qu'elle prend à nouveau pendant trois ans. Elle se met alors à souffrir de maux de ventre pendant et entre ses règles, ainsi que de migraines. Son médecin lui recommande donc une autre pilule pour les migraineux, à prendre en continu. "Le calvaire d'un an et demi commençait, nous raconte-t-elle. J'ai commencé par avoir un bouton, puis deux... sur le visage, le cuir chevelu, les bras, dans le cou, dans le dos... À 27 ans, j'étais complexée comme une ado de 12 ans en pleine crise d'acné !" La jeune maman prend 9 kilos en seulement 6 mois et expérimente les sautes d'humeur, les journées "à râler pour tout alors que neuf fois sur dix, il n'y avait rien". Sa libido n'est pas non plus à la fête.

Je ne suis pas retournée chercher de pilule et je me sens déjà mieux.
Marine

"Vendredi dernier, j'en ai eu marre. Je ne suis pas retournée chercher de pilule et je me sens déjà mieux. J'ai l'impression d'être redevenue moi-même", nous confie-t-elle. Elle se bat désormais pour perdre les kilos pris et retrouver son tempérament zen.


Charlotte ANGLADE

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