Depuis plusieurs semaines, un bras de fer oppose les médecins libéraux et l'Assurance Maladie sur la hausse du tarif de la consultation.Les deux principaux syndicats de praticiens ont d'ores et déjà rejeté les propositions de la Sécu.Les négociations risquent de se solder par un échec, regrette le ministre de la Santé.Retour sur les points de tension au cœur de ce dossier électrique.
Selon toute vraisemblance, la concertation se dirige tout droit vers une impasse. Depuis plusieurs semaines, les médecins libéraux réclament une importante revalorisation des tarifs de consultation, dans le cadre de négociations tendues avec l'Assurance maladie. Les six syndicats de médecins représentatifs ont jusqu'à mardi soir pour dire s'ils acceptent ou non la nouvelle grille de tarifs proposée pour cinq ans par la Sécu, soutenue par le gouvernement. Mais les deux principales organisations ont d'ores et déjà rejeté ces propositions, un manque de "responsabilité" aux yeux du ministre de la Santé. "Il n'y aura pas d'accord d'ici demain soir, c'est à peu près certain", a estimé François Braun.
Que propose la Sécurité sociale ?
La consultation de base des médecins généraux est facturée 25 euros depuis 2017, une somme que les organisations de médecins souhaitent considérablement rehausser. Le jeune collectif "Médecins pour demain", soutenu par plusieurs syndicats et à l'origine de plusieurs grèves et mobilisations, a revendiqué son doublement, pour passer à 50 euros. Des exigences bien au-delà de ce que souhaite concéder la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam).
Elle prévoit que toutes les consultations médicales seraient relevées de 1,50 euro, soit une revalorisation sans condition à 26,50 euros pour la consultation de base des généralistes. Un effort chiffré à 1,5 milliard d'euros pour l'État. De plus, les praticiens acceptant de prendre deux "engagements territoriaux" bénéficieront d'une revalorisation supplémentaire, à 30 euros par exemple pour les généralistes. Parmi eux, voir davantage de patients, participer aux gardes, exercer dans un désert médical, consulter le samedi...
Quelle est la réponse des syndicats ?
Des pistes rejetées "à l'unanimité" par les deux principaux syndicats de médecins libéraux. MG France, représentante des généralistes, et l'union Avenir Spé-Le Bloc, porte-voix des spécialistes, pèsent plus de 30% chacun parmi ces deux professions, si bien que le projet d'accord est en passe de tomber à l'eau. L'alliance entre au moins deux des quatre syndicats restants semble improbable.
Côté généralistes, la question du tarif a été "marginale" dans l'issue du vote mais les praticiens souffrent surtout d'un "manque de reconnaissance", a assuré Agnès Giannotti, la présidente de MG France. Pour les spécialistes, les contreparties exigées n'étaient tout simplement "pas admissibles", a expliqué à l'AFP le président d'Avenir Spé, Patrick Gasser, comparant le budget de 1,5 milliard d'euros avancé aux "milliards injectés dans les établissements de santé, publics et privés" depuis le Covid et le "Ségur de la santé". "Nous voulons une revalorisation significative pour tous sans engagement territorial", a revendiqué de son côté sur Twitter le collectif "Médecins pour demain".
Comment a réagi le gouvernement ?
Suite aux déclarations des deux principaux syndicats, "il n'y aura pas d'accord d'ici demain soir, c'est à peu près certain, même si je veux toujours croire au bon sens", a regretté lundi le ministre de la Santé François Braun, sur France Inter. Estimant que l'"on passe à côté d'une occasion d'améliorer la prise en charge de nos concitoyens", il a accusé les organisations de "ne pas être responsables" et a dit ne pas comprendre "une position aussi fermée".
Le ministre a tenté d'appuyer à nouveau les propositions de la Sécu, notamment sur les tarifs : "26,50 euros, ce n'est pas du tout la valeur de la consultation. Un médecin a plus de 20% de son revenu qui est fait de forfait, payé par l'assurance maladie, ce qui fait une consultation de base à 36,50 euros", a-t-il affirmé. Quant aux "engagements territoriaux", "il faut que les médecins cochent deux cases, et quand on dit faire une garde, c'est une garde par mois, donc arrêtons de dire que c'est une pression intolérable", s'est-il irrité. "Ce n'est pas travailler plus, c'est travailler différemment."
François Braun a aussi rappelé que "la rémunération moyenne d'un médecin généraliste est de 90.000 euros par an", une "rémunération juste" à ses yeux, "surtout qu'avec cette convention, on va rajouter 20.000 euros de plus par an", a-t-il assuré.
Et maintenant ?
Si le rejet de l'accord est confirmé, les nouveaux tarifs seront fixés par un "arbitre", en l’occurrence, une haute fonctionnaire désignée par l'exécutif, qui aura "trois mois pour proposer un texte (...) qui s'imposera pendant au moins deux ans", a précisé le ministre. "On va perdre du temps", a-t-il déploré. De leur côté, certains syndicats agitent désormais la menace d'un déconventionnement de nombreux médecins, pour retrouver leur liberté de tarif.
L'échec de cet accord aurait des conséquences concrètes pour les quelques six millions de Français qui se trouvent actuellement sans médecin traitant. Pour les 600.000 personnes atteintes d'une maladie chronique sans praticien, des solutions seront trouvées, a promis François Braun, précisant qu'il ferait des annonces à ce sujet "la semaine prochaine".