Hôpital : 69.000 lits ont-ils été supprimés ces 15 dernières années ?

Publié le 13 novembre 2019 à 19h47, mis à jour le 14 novembre 2019 à 17h12
Hôpital : 69.000 lits ont-ils été supprimés ces 15 dernières années ?

Source : Photo d'illustration ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

À LA LOUPE – Une publication Facebook indique que le nombre de lits dans les hôpitaux est en net repli depuis 15 ans. Est-il vrai que l'on en compte aujourd'hui 69.000 lits de moins ? LCI a remonté aux sources de ce chiffre.

"Quand tout sera privé, on sera privé de tout !". Ce slogan, partagé dans une publication Facebook, accompagne un chiffre qui interpelle : en 15 ans, "69.000 lits d'hospitalisation" ont été "supprimés", peut-on notamment lire. Un message mis en ligne alors que les collectifs Inter-Hôpitaux et Inter-Urgences invitent les personnels hospitaliers et les usagers à des manifestations le 14 novembre pour défendre l’hôpital public et réclamer la mise en place d'un plan d'urgence. 

Tandis que la population française vieillit et que l'espérance de vie augmente dans l'Hexagone, le nombre de lits est-il vraiment à la baisse dans notre pays ?

Un chiffre officiel dévoilé cet été

Au début de l'été, le Quotidien du médecin partageait lui aussi ce chiffre de 69.000 lits en moins. Sa source ? Le Panorama des établissements de santé, dans son édition 2019, publié par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), rattachée au ministère de la Santé. 

Contacté par LCI, l'organisme public confirme que, "la baisse de 69.000 lits d’hospitalisation complète entre 2003 et 2017 est établie". Cette baisse d’ensemble, poursuit la Drees, "doit être nuancée", elle concerne en effet surtout "les hospitalisations de 'court séjour' (-30 000 lits) et de 'long séjour' (-48 000 lits). L’hospitalisation de 'court séjour' se fait en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie. Celle de 'long séjour' concerne les unités de soins de longue durée." Il faut noter que pour les hospitalisations de "moyen séjour", dans les unités de soins de suite et de réadaptation, "le nombre de lits à augmenté", puisque l'on en compte "14 000 de plus".

Comment s'explique cette baisse conséquente ? Pour les courts séjours, il s'agit selon la Drees d'une conséquence directe de ce qu'elle nomme la stratégie du "virage ambulatoire" : "Le ministère chargé de la Santé indique […] qu’il mène, depuis 2005, une politique d’incitation tarifaire favorisant les prises en charge dans le cadre de la chirurgie ambulatoire". Les patients sont ainsi encouragés à rentrer chez eux le soir-même d'une opération lorsque cela est possible, une petite révolution pour l'hôpital public, qui a été concerné par une loi de modernisation en 2016 visant entre autres à repenser les parcours de soins.

"Les hôpitaux doivent alors se recentrer sur leur mission première – les soins et non l’hébergement", estime le ministère, ce qui induit "des hospitalisations plus adéquates, des durées de séjours plus conformes aux besoins des patients et une offre de soins plus graduée".

Quelles conséquences pour les soignants et les patients ?

Pour les personnels de direction qui assurent le fonctionnement quotidien des hôpitaux, ce virage n'a pas été évident à négocier. "Aujourd'hui, on observe un quasi consensus pour dire qu'il faut développer l'ambulatoire dans nos établissements, c'est l'avenir du système de santé", assure Jérémie Sécher, président du Syndicat des managers publics de santé (SMPS). Pour autant, "ça prend du temps, notre système hospitalier a besoin de s'adapter", poursuit-il, d'autant qu'il est nécessaire d'assurer "la prise en charge de populations fragiles (âgées, polypathologiques, en situation d'isolement), ce qui ne peut pas être immédiat.

Le président du SMPS estime que la baisse du nombre de lits n'induit pas nécessairement une dégradation de la prise en charge des patients. "Les professionnels hospitaliers font tout ce qu'ils peuvent, y compris dans des situations compliquées", lance-t-il, "mais ce qui est certain, c'est que l'encombrement des services d'urgences, lié au manque de lits, se traduit par des complications de prise en charge." Concrètement, il observe des situations où des patient "doivent rester dans des brancards beaucoup trop longtemps par rapport à ce qui devrait être fait normalement".

Porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), Thierry Amouroux se montre lui assez critique. La baisse du nombre de lits, il l'impute directement aux baisses de budgets de l'hôpital public : "On nous coupe les vivres", lance-t-il, "la baisse est de 10% sur 10 ans, 8,4 milliards d'euros !" Aujourd'hui, il regrette que l'on demande au personnel hospitalier "d'enchaîner des actes techniques de soin sans avoir le temps d'avoir le temps d'accompagner les personnes, de donner du sens à la maladie, de savoir comment va se dérouler concrètement le traitement jusqu'à la guérison".

La virage ambulatoire, Thierry Amouroux l'a accueilli avec circonspection. "C'est très bien pour une personne en bonne santé et jeune, avec seulement une petite opération bénigne de chirurgie", juge-t-il, "mais nous sommes quand même dans un contexte de vieillissement de la population, avec de plus en plus de personnes âgées, seules, et donc de personnes qui ne peuvent pas être prises en charge en ambulatoire." Pour le porte-parole du SNPI, le personnel soignant pâtit également de ces évolutions : "Nous observons une fuite des jeunes diplômés, 30% abandonnent le métier dans le 5 ans…" Découragés par des conditions de travail éprouvantes, "ils sont nombreux à reprendre leurs études pour se reconvertir".

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Thomas DESZPOT

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